REVOIR PARIS
d'Alice Winocour **(*)
Avec Virginie Efira, Benoît Magimel, Grégoire Colin, Maya Sansa, Amadou Mbow, Nastya Golubeva Carax
Mia au guidon de sa moto entre dans une brasserie pour se mettre à l'abri d'un violent orage.
Hasard et coïncidence c'est précisément l'endroit que choisissent des terroristes pour faire irruption et abattre de nombreux clients. Mia et quelques autres survivent miraculeusement. La jeune femme après des mois de repos à la campagne revient à Paris et cherche à comprendre pourquoi elle ne se souvient de l'évènement que par bribes. Elle a besoin de se souvenir. Grâce à une association de victimes elle découvre qu'elle n'est pas la seule à vouloir reconstituer précisément ce moment traumatique. Revoir ceux qui ont croisé son regard, la personne qui lui a tenu la main en lui murmurant quelques paroles réconfortantes vont lui permettre de reconstituer ces minutes terrifiantes, déterminantes pour le reste de sa vie.
Je suis désolée (dans le sens où je le regrette pour moi-même) de ne pas être du même avis que la critique unanime qui porte quasiment ce film aux nues. J'ai trouvé comme toujours Virginie Efira exceptionnelle. Elle se surpasse encore ici alors qu'on croit toujours qu'elle a donné toute la mesure de son incroyable talent, de sa force d'incarnation. Elle n'a jamais été aussi fragile qu'ici et avance presqu'involontairement comme un automate, un fantôme perdu. Il y a des moments magnifiques où elle parvient rien qu'avec son visage défait et sa voix douce à nous faire intégrer le cataclysme psychique, émotionnel et physique qu'elle a vécu. Lorsqu'elle insiste auprès du chirurgien pour savoir quand sa cicatrice va disparaître enfin, je me suis clairement dit : "cette cicatrise à l'abdomen ne se voit pas". Mais le problème n'est pas là. Cette cicatrice c'est la trace visible pour elle du moment épouvantable où elle a vu des choses effroyables, du sang, des gens blessés, mourir près d'elle. Je me suis sentie vraiment couillonne. Evidemment le chirurgien ne comprend pas la détresse de Mia. Lorsqu'une autre victime lui crie dessus en lui disant qu'elle n'a rien à faire dans l'association puisqu'elle s'est enfermée dans les toilettes empêchant d'autres personnes de s'y réfugier, elle répond, douce et désorientée : "j'ai pas fait ça". J'ai eu envie de lui dire d'être plus virulente auprès de cette femme car même si on se réfugie pour échapper à la mort, où est le mal. Mais Mia reste calme et douce. Lorsqu'elle dit à son compagnon "autrefois, les gens se confiaient à moi, me racontaient leur vie, j'aimais ça. Aujourd'hui c'est à moi qu'on demande comment je vais", Mia est touchante. Mais malgré les mois qui passent, personne ne peut rien pour elle. L'entourage ne sait comment se comporter, que dire, comment faire. Ce n'est finalement qu'en confrontant son "expérience" avec celle des autres survivants qu'elle va pouvoir se reconstruire et mener à bien sa résilience. Et être victime d'un attentat (comme d'un viol, d'un inceste, de mauvais traitements) est sans doute l'un des rares cas où le terme résilience (souvent utilisé à tort et à travers je trouve) est correctement employé. La force du collectif est ici essentielle, vitale.
Mais ce qui ne va pas dans ce film c'est le chemin tout tracé qui mène de quasiment la première scène à l'épilogue vers une histoire d'amour à laquelle je n'ai pas cru un instant. Thomas (Benoît Magimel) était également dans la brasserie et fêtait son anniversaire. Bien que fortement handicapé par les multiples blessures qu'il a reçues, et parce que lui se souvient de tout contrairement à Mia, il la joue perso, virile et détaché. Touchant parce que terriblement blessé, son personnage ne m'a pas convaincue pas plus que le couple qu'il forme avec Mia. Je n'ai pas aimé non plus dans les premières minutes, ce moment où un passant heurte violemment la vitre du restaurant où Mia se trouve avec son compagnon et nous fait vivement sursauter en même temps qu'elle. Sachant qu'on connaît le thème du film et que d'une certaine manière on "attend" l'attentat, cette façon de nous faire décoller du siège n'est pas très futée et je n'ai pas réussi à me défaire de cette impression désagréable pendant le film.
Cela dit, le "moment" de l'attentat est vraiment très bien filmé, terrifiant sans pourtant appuyer trop sur l'horreur. A la juste distance je trouve.
L'histoire d'amour m'a un peu gâchée le film même si c'est beau de croire que l'amour peut nous sauver. J'ai nettement préféré la relation de Mia avec la toute jeune fille qui a perdu ses parents dans l'attentat. Elle cherche à retrouver le détail précis de la carte qu'ils lui auraient envoyée dans le tableau monumental de Monet Les Nymphéas. Elle a aussi vu le visage d'un des tueurs que nous spectateurs ne voyons pas : "il avait un visage d'ange". La scène au Musée est bouleversante.
Les souvenirs de Mia lui reviennent par flash. Et elle se souvient de cette main, de ce petit tatouage, de cette voix douce qui lui a promis "on va s'en sortir" et son "enquête" pour retrouver la personne est plus belle et prenante que ses rencontres avec Thomas. Je n'ai pas aimé cette façon de nous dire : pour se remettre à vivre après un évènement tellement horrible, il faut vivre avec une autre victime.
Donc, moi sentimentale XXL, je me vois un film gâché par une histoire d'amour à laquelle je ne crois pas. C'est fort.
Commentaires
Oui l'histoire d'amour est un peu facile, mais en même temps ajoute un paramètre important, celui qu'un tel drame rapproche inéluctablement. Ca reste un bon film juste et sobre.
On peut se rapprocher sans que ce soit une histoire d'amour... à laquelle ici je n'ai pas cru.
Bonjour Pascale, pas encore vu. Mais c'est vrai qu'en ce moment, aucun film ne m'attire vraiment. En revanche, tu peux te passer de voir Kompromat. Bon dimanche.
Bonjour Dasola, J'ai beaucoup aimé Kompromat. Enfin disons que j'ai bien tremblé.
Bon dimanche.
Oui l'histoire d'amour apporte peu et finalement j'aurais aimé que le film s'appuie plus sur la quête de Virginie Effira sur celui qui la soutenu dans ces heures si particulieres. La façon de filmer ces horribles moments est touchante et pas trop brutale malgré l'horreur. Particulièrement les moments où les survivants sont évacués alors que les morts sont encore présents.
Je suis d'accord. Rechercher la personne qui l'a soutenue aurait dû occuper davantage le terrain. C'est tellement beau alors qu'avec Magimel ce n'est qu'une "pauvre" drague.
C'est bien réalisé... l'attentat notamment, chapeau.
Film qui me tente (tentait... je ne suis plus sûr). Le sujet, le traitement, l'actrice évidemment, une suite d'éléments qui laissait présager un traitement à la bonne distance de ce traumatisme. J'attends avec une légère circonspection la version sans doute plus "musclée" de Cédric Jimenez.
Ecoute plutôt le concert de louanges.
C'est affreux à dire mais c'est le genre de film où l'on doit être beaucoup plus ému voire bouleversé. Ce n'est pas le cas.
L'actrice est au delà des superlatifs désormais. J'ai revu Adieu les cons (si seulement) hier, elle est exceptionnelle. Ah ce moment quand elle dit : Adieu les cons...
Oula je ne savais pas. Un attentat version Cedric ça risque de déménager.
Bonjour Pascale, pas encore vu. Mais c'est vrai qu'en ce moment, aucun film ne m'attire vraiment. En revanche, tu peux te passer de voir Kompromat. Bon dimanche.
Je vais y aller. Ce week-end, peut-être.
Virginie fait quand même une carrière épatante. Elle est PARTOUT !
Elle est en plus excellente partout.