de Céline Devaux ***

Avec Blanche Gardin, Laurent Lafitte (de la Comédie Française), Nuno Lopes, Maxence Tual

Tout le monde aime Jeanne, mais Jeanne ne s'aime plus.

Il faut dire qu'elle a de bonnes raisons de douter d'elle. Alors qu'elle fait la une des journaux pour son projet écologique, ce dernier capote complètement. Elle se ridiculise en face des caméras et elle est surendettée. "Heureusement", sa mère est morte un an plus tôt et a laissé ainsi qu'à son frère, un appartement à Lisbonne. C'est en se rendant au Portugal pour vendre l'appartement aidée financièrement par son frère qu'elle va retrouver Jean à l'aéroport, un camarade qu'elle n'a pas revu depuis l'école et l'a d'ailleurs complètement oublié. Mais le garçon s'accroche.

Les thèmes ne sont pas drôles, la dépression, le deuil, mais la réalisatrice les aborde avec beaucoup de recul et d'humour. J'ai trouvé la démarche plutôt plaisante car effectivement, malgré les drames et les difficultés qui jalonnent le parcours d'une vie, le monde continue de tourner avec son lot de bonnes et de mauvaises surprises. A la dépression cynique et désabusée de Jeanne s'oppose celle plus "maîtrisée" de Jean. Cela donne des affrontements vraiment drôles avec une bonne dose de mélancolie qui nous surprend parfois en pleine tirade décalée de Jean (le récit à la plage de sa dépression par exemple).

Illustratrice de formation, la réalisatrice a collé à Jeanne un petit personnage de fantôme chevelu qui apparaît régulièrement en format animé et commente toutes les décisions de la jeune femme. Il ne s'agit pas de sa conscience qui lui dicterait ses actes mais à l'inverse une sorte de mauvais petit génie constamment critique et moqueur. J'ai beaucoup aimé.

Laurent Lafitte est délicieusement décalé. Il balade une insouciance nonchalante après avoir connu un gros épisode dépressif qui lui fait sans doute voir le monde sous un autre angle. Il est sans filtre, émet la moindre de ses pensées et opinions, vole un scooter s'il a besoin de se déplacer, des lunettes dans un aéroport. Et lui qu'on connaît la plupart du temps très élégant promène une dégaine de beauf sans complexe, short et chemise pas le moins du monde assortis. Je l'ai trouvé plutôt craquant et sans doute d'un réel soutien en cas de perte de repère, ce qui est le cas pour Jeanne. Blanche Gardin est parfaite dans le rôle de la femme qui perd pied et panique à l'idée de devenir folle.

Je citerais également la présence rassurante et affectueuse du frère de Jeanne interprété par Maxence Tual (qu'on rêve d'avoir comme frère). Les apparitions fantomatiques de Marthe Keller, celle de la voisine qui résiste n'apportent rien et sont une des petites faiblesses du film.

A l'instar de La page blanche, Tout le monde aime Jeanne est néanmoins l'autre bonne surprise de comédie française pas conne qui murmure aussi une petite musique mélancolique.