CHRONIQUE D'UNE LIAISON PASSAGÈRE
d'Emmanuel Mouret ***(*)
Avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet
Charlotte et Simon en sont à leur premier rendez-vous. Après avoir sympathisé lors d'une soirée, ils avaient échangé leurs 06.
Charlotte est très entreprenante et sait ce qu'elle veut. L'amour passion, le couple, elle a déjà donné. Elle n'en veut plus. Simon est beaucoup plus hésitant car ce sera éventuellement la première fois en quinze ans qu'il trompe sa femme. Mais Charlotte est très convaincante et une partenaire aussi peu compliquée c'est très tentant. C'est donc chez Charlotte qu'ils deviennent amants et tout se passe vraiment très bien. Ils se revoient chaque semaine puis plus souvent pendant des mois. Et comme souvent chez Mouret nous assistons à l'évolution des sentiments d'un couple.
La première scène ne me laissait rien augurer de bon. Les deux personnages, dans un bar parisien très chic ne cessent de remuer tout en parlant, de se tourner autour et même si cela est censé illustrer la valse hésitation et la gêne de Simon alors que Charlotte ne cesse de le rattraper pour finalement le clouer au mur... j'ai trouvé le procédé assez agaçant. Mon agacement a été de courte durée car la complicité évidente des acteurs comme des personnages n'a plus cessé de me séduire.
Au délicieux et cruel Mademoiselle de Joncquières avait succédé l'insupportable Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait. Comme dans son dernier (pénible) film, les personnages ne cessent de parler et de tenter de mettre en accord les choses qu'ils disent et les choses qu'ils font. Ce n'est évidemment pas si simple. Dans une scène où il serait éventuellement question qu'ils s'avouent enfin leur amour qui devient de plus en plus évident, Charlotte tourne le dos à Simon qui lui tend la perche "un ami pense que nous sommes amoureux", elle hésite, interrompt ce qu'elle était en train de faire et... Je vous laisse découvrir.
Lorsqu'un troisième personnage entre en scène (la merveilleuse Georgia Scalliet, dont je vous ai parlé ici mais personne n'a lu cette note :-(') les choses vont prendre une nouvelle tournure que j'ai trouvé inattendue jusqu'à un épilogue bouleversant qui m'a mis la larme à l'oeil. Il faut dire que Vincent Macaigne, que j'aime de plus en plus, est particulièrement émouvant en homme adultère timide et délicat. J'ai particulièrement apprécié que la femme de Simon ne soit jamais à l'écran. En règle générale, le conjoint trompé est souvent humilié ou accablé de tous les défauts du monde. Ce n'est jamais le cas ici.
Le marivaudage de Charlotte est Simon est tendre, joyeux et évidemment très bavard. Je ne souhaitais par particulièrement faire de comparaison mais j'ai pourtant pensé comme d'autres à Annie Hall. La "patte" Allen se retrouve dans bien des situations et notamment dans le contre-jour de l'affiche. Il me semble que Woody et Diane visitaient l'aquarium de New York. Ici le couple visite des musées tout en continuant à parler, sans regarder les oeuvres. Ils vont voir un film de Bergman au cinéma. Mais cela n'enlève ni n'ajoute rien à la singularité du film français.
Emmanuel Mouret fait de Sandrine Kiberlain une femme forte, indépendante, solaire, joyeuse. Elle est irrésistible. Il laisse Vincent Macaigne se dépatouiller avec ses hésitations. Simon se laisse faire, convaincu que grâce à la légèreté de Charlotte tout est pour le mieux. Il l'assure lors d'une situation très particulière : "je ne serai à l'origine d'aucune initiative". Affirmation caractéristique de son tempérament velléitaire.
Pour la première une fois, j'aime beaucoup la phrase du critique des Inrocks : "Une comédie déchirante, parce qu’elle dit la beauté des amours qui auraient pu construire quelque chose de solide et puis au fond non, n’y pensons plus, c’est mieux comme ça." Ce film léger et parfois grave, fait du bien parce que les personnages se respectent et se montrent vraiment délicats les uns envers les autres. En éludant complètement les inutiles scènes de sexe qui ont toujours lieu hors champ (on sait à peu près ce qui se passe dans un lit quand deux personnes s'aiment, se désirent et se le montrent) le réalisateur filme toujours ses personnages très complices, au bord de l'extase, de la contemplation et d'une forme de bonheur et c'est très beau. Et je le répète, j'ai eu du mal à retenir mes larmes devant celles de Vincent Macaigne.
Commentaires
Si je vais le voir, ce sera surtout pour Sandrine Kimberlain que j'adore. J'ai dû voir deux-trois films de Mouret que j'ai trouvés trop bavards en effet et pas captivants. J'ai encore le temps de me décider.
Je vois ce que tu veux dire mais celui-ci fait partie des meilleurs.
Un très joli moment, dont on apprécie le drame en filigrane sans jamais tomber dans le pathos pour favoriser toujours la fantaisie et donc le bonheur. A conseiller
C'est ça, un délicieux moment tendre et doux mais le titre nous indique le programme et c'est très touchant.