de Léopold Legrand ***

Avec Sara Giraudeau, Judith Chemla, Damien Bonnard, Benjamin Lavernhe de la Comédie Française

Julien et Anna sont avocats et n'arrivent pas à avoir d'enfant, seul "élément" manquant selon eux à leur total équilibre.

Franck et Meriem ont cinq enfants et Meriem est de nouveau enceinte. Ils font partie de la communauté des gens du voyage. Ils sont quelque peu stabilisés pour permettre aux enfants d'aller à l'école mais l'arrivée d'un sixième enfant n'est pas une bonne nouvelle compte tenu des faibles revenus du foyer. Franck est ferrailleur et les rentrées d'argent sont aléatoires.

Les deux hommes se rencontrent car Julien est commis d'office pour défendre Franck dans une sale affaire. Contre toute attente, Julien et Anna raccompagnent Franck à son campement, ils rencontrent Meriem qui les invite à partager une bière et les deux couples sympathisent.

C'est sur la base de cette sympathie, de la profonde confiance qui s'installe, des difficultés financières insurmontables de Mériem et Franck que ces derniers vont proposer aux deux avocats de leur "donner" leur enfant. La suite les mènera à des tractations financières de plus en plus tarabiscotées. Cet acte à la fois déchirant et généreux est bien entendu sévèrement puni par la loi selon l'Article 225-4-1 du code pénal, le couple d'avocats est bien placé pour le savoir.

Malgré tout mon respect pour la profession, je n'imagine pas un instant qu'un avocat puisse raccompagner un client chez lui, manifester autant de compassion puis de sympathie. Il faut donc passer cette hypothèse hautement improbable pour apprécier le film. Mais cette histoire, cette "affaire" suis-je tentée de dire est tellement menée tambour battant qu'on se prend au piège de la folie qui finit par régner. Les deux femmes deviennent parfaitement complices jusqu'à un arrangement qui doit fonctionner elles en sont convaincues. Les deux hommes ne peuvent plus rien faire pour les arrêter. On n'en est même plus à se questionner sur la morale ou la folie de l'arrangement. On fonce avec elle. Julien dépassé par la volonté devenue obsession d'Anna qui frôle la folie ne parvient plus à lui faire entendre raison. Franck a renoncé à tenir tête à Meriem.

Au-delà du choc social, de l'aspect moral voire illégal de la "transaction", de la caricature possible compte tenu de la différence de milieu (le réalisateur n'y tombe jamais) il y a le bien-être d'un enfant à naître. Le film n'élude pas le sujet. Il n'élude rien et on est, comme les protagonistes, soumis crescendo à une grande tension. Et l'on est jamais au bout des surprises...

Nul doute que le film, son sujet vont alimenter des discussions houleuses dans les familles ou les couples. Mais il y a la belle phrase de Meriem (que l'on entend dans la bande annonce). A son mari très croyant qui s'inquiète d'aller en enfer, elle répond : "non, c'est quand on fait du mal qu'on va en enfer".

Que dire des quatre acteurs ? Ils sont parfaits et (accrochez-vous au pinceau, je retire l'échelle) Sara Giraudeau m'a fait pleurer.