SANS FILTRE
de Ruben Östlund ***
Avec Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek, Woody Harrelson, Dolly de Leon, Vicky Berlin, Jean-Christophe Folly
Carl est mannequin, Yaya est influençeuse... Grâce à leur statut ils peuvent prendre part gratuitement à une croisière de luxe où ils vont côtoyer un bel échantillon de l'espèce humaine qui va de l'employée philippine chargée de nettoyer le résultat des excès en tout genre aux membres du personnel qui doivent satisfaire le moindre des désirs des voyageurs, en passant par un milliardaire russe qui, selon ses propos hilares "vend de la merde", un charmant couple de vieillards vendeurs d'armes, une riche femme qui boit du champagne dans la piscine et veut voir ses exigences réalisées et j'en passe...
Pourquoi avoir transformé le titre original Triangle of sadness (triangle de tristesse) qui sera justifié et expliqué dans les premières minutes, en cet inapproprié Sans filtre ? Et pourquoi le jury du Festival présidé par Vincent Lindon s'est-il laissé séduire par ce film dont le réalisateur avait été primé à Cannes en 2017 avec l'autrement plus drôle et dérangeant The square ? Ruben Östlund nous avait déjà prouvé qu'il avait peu de considération pour l'espèce humaine avec ce film, comme le précédent Snow therapy. Ici il enfonce le clou et pendant 2 h 30 (que je n'ai vraiment pas vu passer) il déroule son programme de détestation de l'homme et de la femme (pas d'enfant ici, sauf un bébé qui ne s'exprime donc pas). On se demande qui peut trouver grâce à ses yeux puisque personne n'est épargné. Les hommes, les femmes, les nantis, les stars, les exploités, les exploiteurs, les pauvres, tous sont au plus détestables, au moins pas sympathiques. Difficile de s'identifier ou de s'émouvoir du sort de cet échantillon humain. Seuls le héros du film par sa naïveté et son désir sincère de comprendre et d'aimer ainsi qu'une dame victime d'un AVC qui ne peut plus prononcer que ces mots "In den wolken" (dans les nuages) attirent un peu la sympathie.
Le jeu de massacre dont se régale le réalisateur commence par le casting de jeunes mannequins. Des garçons musclés, totalement lisses dans tous les sens du terme un régal pour les yeux. Pour une fois ce ne sont pas les filles qui sont présentées comme du bétail que l'on juge mais des garçons au physique parfait (selon les normes actuelles) jugés par un jury bien moche qui injecterait bien un peu de botox par ci par là à ces garçons parfaits. La scène est intéressante car on apprend ce qu'est le fameux triangle de tristesse du titre original et aussi pourquoi les mannequins des marques prestigieuses font toujours la gueule. Le mépris est déjà au coeur du sujet.
Scène suivante, le couple formé par Carl et Yaya sont au restaurant, ils discutent puis finalement s'engueulent copieusement au sujet de l'addition qui a finalement été payée par Carl alors que Yaya gagne plus d'argent que lui. Entendre ce garçon hurler : "je veux être ton égal" est vraiment marrant.
Sur l'immense yacht de luxe, les consignes au personnel sont claires, on ne doit entendre que des "yes m'ame, yes sir", quelles que soient les exigences et même si une milliardaire botoxée exige que tout le personnel cesse le travail pour se jeter dans la mer via le toboggan. L'influençeuse passe son temps à se prendre en photo ou se faire prendre en photo dans toutes les situations pour alimenter son compte Insta et ravir ses followers. Le riche russe, vulgaire et tonitruant raconte sa réussite. Le capitaine, ivre mort ne peut sortir de sa cabine mais finalement le fera le soir de "la soirée du commandant". C'est précisément ce soir là que tout va partir en cacahuète. Le navire perd toute stabilité à cause d'une forte houle et peu de convives au repas très haute cuisine ne résistera au mal de mer. A ce moment là, il faut pouvoir soutenir un bon quart d'heure de geysers de vomi et de merde. J'ai préféré en rire et parfois fermer les yeux plutôt que m'offusquer et quitter le spectacle de ce navire en perdition.
Je vous laisse découvrir la suite à laquelle je ne m'attendais pas du tout. Et encore une fois, le réalisateur ne perd rien de ses outrances et après nous avoir assommés du délire éthylique d'un russe capitaliste et d'un américain communiste, il nous démontre que dans chaque être humain même le plus déclassé qui soit, sommeille un (petit) dictateur. Réjouissant ou consternant ? Moi je me suis amusée à cette leçon de misanthropie. Mais hélas, la fin est un peu ratée.
Commentaires
Complètement d'accord avec toi, aussi malaisant que réjouissant un très bon moment qui ne peut laisser de marbre
Voilà, difficile de jeter le bébé avec l'eau du bain. Je n'ai pas vu le temps passer mais je ne trouve pas que ce soit une Palme d'or.
Pas vu encore.
Film dédié à la mémoire de la jeune femme sur l'affiche, morte cet été à 32 ans. Beaucoup trop jeune.
Oui j'ai vu ça. Maladie foudroyante... Affreux.
A voir.
Même s'il y a quelques longueurs, même si, au début, on sent, de la part du réalisateur, un peu de fascination pour le monde qu'il est sur le point de traiter à l'acide, ce film... C'EST LA KIFFANCE !
Il maltraite les riches, les pauvres, les beaux, les laids (et les bidets...), les hommes (surtout), les femmes (un peu). Quant à la dame victime d'un AVC, je crois qu'elle sert surtout de "running gag". Vu la diversité des situations dans lesquelles elle profère son "in den wolken", il ne faut pas forcément y chercher quelque chose de très profond.
Ostlund a un côté sale gosse que j'aime bien.
La seule scène un peu longue est celle des cacas vomis... sinon ça se suit vraiment sans ennui.
Je n'ai pas cherché de sens à in den volken, cest un peu son "je s'appelle Groot".
J'ai préféré The square mais je continuerai à suivre le sale gosse avec intérêt.
Effectivement, un très bon film mais de là à avoir la Palme...
Oui, ce n'est pas une palme.