DÉCEPTIONS
Ce qui rapproche ces deux films est ma déception. Sans doute en attendais-je plus, en espérais-je mieux et réciproquement.
Me vient alors en tête cette réplique de Roxane à Christian (Cyrano de Bergerac - E. Rostand)
"Vous m’offrez du brouet quand j’espérais des crèmes !"
NOVEMBRE de Cédric Jimenez **(*)
Avec Jean Dujardin, Anaïs Demoustier, Sandrine Kiberlain, Jérémy Renier, Lyna Khoudri, Cédric Kahn, Sofian Kammes
"Nous étions au mois de novembre. Les journées étaient redevenues froides et courtes. A cinq heures du soir, il faisait nuit close". - (Alexandre Dumas, Les mille et un fantômes)
Fred, homme d'action de l'anti-terrorisme français traque un terroriste islamiste à Athènes et perd sa trace. Le 13 novembre 2015 en France, alors que chacun rentre chez soi, se rend à un match de foot au Stade de France, en terrasse au restaurant ou à un concert rock au Bataclan, des tirs retentissent à plusieurs endroits de la capitale, des bombes explosent. Il s'agit du désormais lugubrement mémorable 13 novembre qui à l'instar du 11 septembre aux Etats-Unis, n'a plus besoin d'être suivi de précisions.
Le film relate les cinq jours d'enquête et de traque qui ont suivi cette nuit meurtrière qui a fait 130 morts (+ 7 des assaillants), 354 blessés et des milliers de victimes. Le PR François Hollande (qui assistait au match au Stade France) décrète immédiatement l'état d'urgence sur tout le territoire et toutes les forces de police sont mobilisées.
Bon, les faits et tout ce qui a suivi jusqu'au récent procès fleuve qui s'est achevé cet été, tout le monde les connaît et le film n'apprend rien. Il se place exclusivement du côté des forces de l'ordre pour suivre l'organisation, les méthodes et les interventions. La bonne idée est de ne pas reconstituer les attentats eux-mêmes. L'extrême décence du film se situe là. Tout comme il ne sombre jamais dans le pathos inconvenant concernant les victimes. Les quelques interrogatoires à l'hôpital restent très dignes. Pour le reste, on connaît depuis Bac Nord l'efficacité de Cédric Jimenez pour être au plus près de l'action et faire ressentir l'urgence avec du rythme et un indéniable savoir-faire.
Mais le film manque justement parfois de rythme lorsqu'il se contente (souvent) de filmer des responsables assis à leurs bureaux aux baies vitrées qui décrochent des téléphones ou arpentent de longs couloirs. Quant aux nombreux personnages incarnés par un casting français de luxe très impliqué, ils manquent tous un peu de consistance. Mention spéciale à Anaïs Demoustier qui commet une énorme bourde et pleurniche ensuite. J'en ai un peu assez des personnages qui ont des fonctions essentielles ou à hautes responsabilités représentés dans les films comme des êtres fragiles qui s'effondrent à la moindre brise. Ok, elle se ressaisit ensuite.
Une exception concerne le personnage incarné par Lyna Khoudri qui confère beaucoup d'émotion et d'humanité. Les terroristes ne sont pas représentés à l'écran et c'est tant mieux. Mais le personnage de Samia est le pivot, celle qui a les clés pour mener vers les terroristes. La façon dont elle est traitée est injuste et bouleversante.
La scène finale de l'intervention dans un fracas terrible de balles dure très longtemps, elle nous immerge en plein chaos et nous permet de prendre un peu la mesure de ce que peut être un quotidien où le bruit des armes est permanent.
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L'ORIGINE DU MAL de Sébastien Marnier **(*)
Avec Laure Calamy, Jacques Wéber, Dominique Blanc, Doria Tillier, Suzanne Clément
Stéphane est ouvrière dans une conserverie de poissons. Elle loge chez une dame qui ne va pas tarder à la jeter dehors car sa fille doit récupérer sa chambre et elle rend régulièrement visite à son amoureuse qui purge une peine de cinq ans de prison. La vie n'est pas rose mais Stéphane est une femme dynamique et courageuse. A force de recherches elle a retrouvé son père qu'elle n'a jamais connu et se rend chez lui dans sa luxueuse villa en bord de mer. Elle est bien accueillie par Serge, le patriarche mais beaucoup moins bien par Louise son épouse fantasque, George son autre fille ambitieuse, Jeanne sa petite-fille qui ne quitte pas son appareil photos et Agnès la bonne pas commode. Mais Stéphane tout en sourire et gentillesse fait le maximum pour se rendre utile, indispensable et s'intégrer dans sa nouvelle richissime famille. D'autant que les filles du clan ont très envie de se débarrasser du vieux du clan, diminué par un AVC et mettre la main sur le magot. Quel camp Stéphane va-t-elle choisir ?
Malgré un twist réjouissant que grosse naïve je n'ai pas vu arriver et qui promettait de relancer un peu le rythme plan plan de ce jeu de dupes, de menteurs et d'hypocrites, le film m'a paru bien long et la promesse d'un mix de Chabrol, Hitchcock et De Palma n'est pas tenue puisque l'ennui s'installe. A plusieurs reprises j'ai cru le film terminé, mais non il repart pour une nouvelle invraisemblance, un nouveau rebondissement.
La famille est ici le pire endroit du monde mais la galerie de portraits monstrueux aurait pu être largement plus réjouissante si le rythme avait été un peu plus soutenu. Mais non, les scènes s'enchaînent mollement comme si tout était programmé dans cette comédie humaine de la haine. Les personnages d'abord bien incarnés finissent par perdre un peu de leur cohérence. Et Laure Calamy (actrice adorée par ailleurs) n'a pas la noirceur inhérente à son personnage.
Néanmoins le jeu de massacre se laisse voir et mériterait le déplacement ne serait-ce que pour la présence et l'interprétation exceptionnelles, je dirai presque monstrueuses de Jacques Wéber et plus encore de Dominique Blanc (prodigieuse).
Commentaires
C est vrai que j'ai été abasourdi par le sort réservé à Samia et ceux qui ont pu aider à une quête de la vérité.. L assaut final est un vrai chaos et lorsque l'on entend la voix de la jeune cousine "prisonnière" de l'appartement on (je) la plains vraiment d'avoir voulu aider ce garçon jusqu au bout ....
La durée et ton billet auront eu raison de mon envie de voir l'origine du mal...
C'est affreux le sort de Samia et de sa cousine et cet assaut final est marquant.
Ah zut pour l'origine du mal. Les acteurs jouent bien mais ça vire au grand porte nawak.
Il conviendrait de se renseigner à propos de la véritable "Samia". La personne qui a inspiré ce personnage ne se reconnaît pas dans la représentation qui en est faite, celle d'une intégriste voilée (mais qui dénonce les terroristes). Il reste à savoir si elle a été aussi maltraitée par les enquêteurs que ce que montre le film. Les auditions de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats ne permettent pas de conclure dans ce sens... mais ce sont des policiers qui ont été interrogés.
Concernant la cousine, qui aide activement les terroristes, je ne suis pas tenté de pleurer à chaudes larmes. Je réserve ma compassion aux victimes et à leurs familles. Sur ce point, le film se fait discret, presque délicat. Il évite le pathos et c'est très bien.
Pour moi, le polar est prenant, de bout en bout.
Un "arrangement" a été trouvé pour Samia et elle vit sous une autre identité si j'ai compris. Mais au début ça n'a pas été simple. A ce titre le personnage d'Anais Demoustier est vraiment mal écrit.
Pour la cousine, j'ai même pensé qu'elle avait peut-être une ceinture mais ses cris sont déchirants.
Le premier je n'ai pas l'intention d'aller le voir. J'ai vu "l'origine du mal" cette semaine et c'est vrai qu'il y a gros cumul de noirceur et de haine. Pas un pour rattraper l'autre, à la fin ça devient presque risible. Mais je suis trop contente de retourner au cinéma et j'ai aimé l'interprétation (Jacques Weber est monstrueusement époustouflant), Dominique Blanc pareil. Et rassure-toi je n'ai pas vu le twist arriver non plus.
Ouf pour le twist :-) c'est assez incroyable d'ailleurs.
Jacques et Dominique, on voit qu'il y a du métier. Quelles prestations !!! Jacques en slip et Dominique en voiles transparents, ils osent tout.
"L'Origine du mal" vaut le détour pour la prestation des acteurs, les deux Augustes, mais aussi Laure Calamy et Suzanne Clément. C'est vénéneux comme un Chabrol, mais avec moins de maestria.
Moi j'aurais bien repris un peu de Jacques et Dominique.
J'avais prévu "Novembre" hier et puis bim, gros mal au crâne. Désolé de raconter ma vie mais quand je lis ta chronique, je n'ai que des regrets. J'espère que ma tête ne me fera pas faux bond pour le bourricot de Skoli dans quelques jours...
Tu t'es mis un coton tige géant dans le pif ? Sinon tu reviens masqué hein ?
Et si, raconte ta vie.
Hi han.
Ah mince alors, des déceptions ! Je n'avais pas spécialement d'attente sur ces films, et j'ai été plutôt agréablement surprise sans qu'ils n'entrent dans mes préférés de l'année !
Je n'étais peut-être pas assez bien disposée pour apprécier. Mais j'en attendais mieux.
Nous avons aimé Novembre. Pour son parti pris de pudeur puisqu’il ne montre pas les scènes traumatisantes des assassinats sur les terrasses et dans le Bataclan mais aussi parce qu’il met à l’honneur l’implication de tous, pas tant de ceux qui sont dans les bureaux mais des enquêteurs de terrain, plus obscurs et souvent plus efficaces.
Montrer les attentats aurait été la pire idée.
Je crois que j'ai du mal à exprimer ce qui m'a manqué dans ce film. L'efficacité et le professionnalisme sont au premier plan.
Deux très très bons films, Jimenez nous offre une autre facette à "Revoir Paris", et Marnier signe un Chabrol aussi savoureux qu'effrayant. Deux très bons moment cinoches à défaut d'être de grands films.
Un défilé d'acteurs et quelques scènes fortes pour le 1er.
Pour le second, je somnolais poliment jusqu'au twist qui m'a fait me redresser et j'ai re somnolé jusqu'au final risible.