Être flic est tout ce qui rapproche deux personnages de ces films, l'un lumineux et doux, l'autre sombre, violent et poisseux.

LES AVENTURES DE GIGI LA LOI de Alessandro Comodin ***

Avec Pier Luigi Mecchia, Ester Vergolini, Annalisa Ferrari

Gigi est un policier municipal quinquagénaire dans une petite ville de campagne de la Vénétie. Son quotidien se limite à patrouiller en voiture officielle dans la ville et la campagne environnante où il ne se passe strictement jamais rien. Jusqu'au jour où des restes de corps sont retrouvés sur la voie ferrée. Dès la découverte faite par Gigi et son binôme, l'affaire est placée entre les mains de la criminelle mais Gigi a tendance à voir des suspects et des gens louches partout, quitte à les suivre sans jamais les aborder. Un gars à vélo, une passante qui passe...

Je reproche parfois à certains films d'être mollement mous (plus mous que mous) et je peux dire que celui-ci l'est mais qu'il est quand même follement réjouissant. Cela ressemble à un docu fiction où une caméra embarquée suivrait le quotidien d'un flic mais c'est aussi une comédie doucement mélancolique sur un type sympa, un peu content de lui, sans ambition mais qui révèlera finalement un spleen certain.

La looooongue scène d'ouverture est réjouissante. A la nuit tombée Gigi se promène comme chaque soir sans doute dans son jardin quasi tropical. De l'autre côté de la haie son voisin l'apostrophe et lui reproche d'envahir son propre terrain avec sa végétation luxuriante. Pendant de longues minutes hilarantes, les deux hommes vont s'engueuler sans que jamais on ne voit le voisin. Et la dispute va s'interrompre comme elle a commencé, brutalement. Rien que pour ce moment délirant, d'une drôlerie rare, il faudrait voir ce film.

Le reste du film à la lisière de la comédie et du documentaire suit Gigi dans ses déambulations quotidiennes dans un village qui semble abandonné. La canicule oblige sans doute les habitants à se calfeutrer chez eux. Régulièrement et pour son plus grand plaisir Gigi est interpellé par une voix via sa radio et il se met à flirter avec celle qu'il ne connaît pas mais dont il trouve la voix charmante. Le réalisateur parvient à installer un mini suspense à partir de ces conversations d'une banalité presque consternante mais qui semble plaire à son interlocutrice. Gigi va-t-il rencontrer sa charmante collègue que les autres décrivent comme belle, sympathique, un peu timide avec de beaux yeux bleus ? Parfois Gigi est accompagné d'un binôme dans ses tournée, un homme ou une femme. Ils discutent ou chantent du Julio Iglesias. D'autres fois, Gigi ramasse un jeune qui traîne seul dans la campagne et il se met à faire l'andouille avec son scooter débridé. Et puis sans qu'on s'y attende surgit la séquence émotion...

Gigi m'a agacée, amusée, émue. J'ai passé un délicieux moment.

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BOWLING SATURNE de Patricia Mazuy ***

Avec Arieh Worthalter, Achille Reggiani

Guillaume est flic, son demi-frère Armand est un marginal SDF. Les deux hommes n'ont pas été élevés ensemble, se connaissent à peine et ne sont d'ailleurs pas très chaleureux l'un envers l'autre quand ils se croisent. Lorsque leur père meurt, il leur reste un bowling sur les bras. Guillaume ne peut s'en occuper et en propose la gérance à Armand qui hérite à la fois d'un travail, d'un appartement et d'un chien... Ce bowling d'un genre spécial, accueille ses clients la nuit et surtout il est le repaire d'un groupe de chasseurs auquel appartenait le père. Autour du bowling sévit une activiste écolo.

Vous l'avez compris, tout ce petit monde ne va pas faire bon ménage et Patricia Mazuy entraîne ses personnages et le spectateur sidéré dans une spirale de violence ahurissante. Pendant que Guillaume travaille sur une série de meurtres sordides de jeunes femmes retrouvées dans un cimetière, Armand essaie de s'opposer aux chasseurs qui envahissent son bowling comme s'ils étaient chez eux.

Ce film TRES noir va jusqu'au bout, jusqu'au fond je dirais même de l'horreur et de la violence. Le premier meurtre est le seul qui sera montré dans son intégralité. La violence y va crescendo. Dès lors on ne cessera de trembler pour toutes les femmes qui entreront dans le champ de la caméra. Car c'est de cela dont il s'agit, de la violence faite aux femmes, gratuite, imbécile, dégueulasse. Mais d'où vient-elle ? Il semblerait qu'elle fasse partie de l'héritage paternel dans lequel un fils représenterait l'ordre et l'autre le chaos.

La scène où les chasseurs organisent leur repas annuel et diffusent des films de leurs exploits lors de safaris en Afrique où ils se félicitent, s'admirent presque la larme à l'oeil est saisissante de réalisme. La masculinité et la virilité triomphantes, nocives, toxiques sont portées ici courageusement par des acteurs plus vrais que nature.

Pour les frères, la réalisatrice a choisi Arieh Worthalter intense et énigmatique et Achille Reggiani (son fils dans la vraie vie) au visage d'ange parfois mais absolument terrifiant. Les femmes sont malheureusement très mal incarnées par Y Lan Lucas (l'activiste écolo) au personnage mal écrit il me semble. Censée être une tronche scientifique, elle est constamment dans la séduction et se révèle une proie sans jugeotte. C'est la grosse lacune du film qui par ailleurs n'est pas à mettre devant tous les yeux.