de Dmytro Sukholytkyy-Sobchuk ****

Avec Oleksandr Yatsentyuk, Stanislav Potiak, Solomiya Kyrylov

Leonid, Pamfir pour les intimes, rentre chez lui, dans un village à l'Ouest de l'Ukraine après avoir travaillé plusieurs mois en Pologne.

Il a promis à son fils Nazar d'être là pour son match de base-ball le traditionnel carnaval annuel Malanka, au cours duquel les hommes se vêtent d'une cape en paille qui leur couvre complètement le corps et portent un masque assez effrayant. C'est d'ailleurs caché sous ce déguisement que Pamfir fait la surprise de son retour à son fils qui lui saute au cou. Il est également accueilli avec beaucoup d'enthousiasme par sa femme Olena.

Dans ce village, sous la coupe d'un édile corrompu, on vit plus ou moins de contrebande mais Pamfir entend entrer dans le droit chemin et trouver un travail honnête. Mais son idiot de fils commet un acte criminel et Pamfir bien que très pauvre doit réparer le préjudice. Les sommes à rembourser sont énormes et il n'a d'autre choix que de retomber dans l'illégalité pour un dernier coup qui lui permettra de s'en sortir. On craint dès ce moment qu'un piège sans issue se referme sur lui. Pourtant, lorsque tout tourne au vinaigre, Pamfir est capable de tenir tête et d'anéantir une dizaine d'hommes qui l'assaillent. Sa force physique, son imposante stature sont en totale contradiction avec le calme et la douceur qu'il démontre lorsqu'il est avec sa femme et son fils. Même si ses soupirs de plaisir ressemblent aux grognements d'une bête sauvage, jamais il n'élève la voix au sein de sa famille.

Ce premier film est d'une maîtrise impressionnante. Après un démarrage où il est un peu difficile de savoir qui est qui, tout se met en place pour se diriger vers un épilogue dont la noirceur semblait annoncée dès le début. Il a été tourné avant l'invasion du pays par la Russie, il n'est donc pas du tout question ici de la guerre. Mais la région rurale où se déroule l'action du film se situe à l'ouest de l'Ukraine, à la frontière avec la Roumanie et semble touchée par la pauvreté, l'exil obligatoire pour trouver du travail.

Des dames très bon chic étaient assez choquées à la sortie de la salle et avaient vécu ce film comme une épreuve : "comment est-il possible de vivre autant dans la boue en Europe ?"... En effet, l'hiver est rude dans cette contrée, le froid et l'humidité sont constants et certains jours le soleil semble ne pas se lever. Cela donne au film entre brume et grisaille un aspect quasi onirique parfois. Mais la photo est très belle. La traversée de la forêt par les contrebandiers est un moment à la fois inquiétant et grisant. Le carnaval au cours duquel tout le monde se confond ressemble à un rite tribal au son d'une musique primitive. La fête est-elle joyeuse ou menaçante ? L'atmosphère est un élément essentiel de ce film où se rencontrent plusieurs genres, le thriller, la chronique familiale et parfois même la comédie.

De plus savants que moi feront sans doute le parallèle entre le destin de Pamfir et sa famille et la mythologie, un des personnages funestes s'appelle Oreste, mais je leur laisse ce soin.

En plus de la beauté formelle, de la tragédie qui se joue, le film est sublimé par l'interprétation, la présence puissante de l'acteur qui interprète Pamfir : le très beau Oleksandr Yatsentyuk dont il semble que ce soit le premier film.