SHE SAID
de Maria Schrader ***(*)
Avec Carey Mulligan, Zoé Kazan, Patricia Clarkson
Le 5 octobre 2017, deux jeunes journalistes du New York Times Megan Twohey et Jodi Kantor font paraître un article livrant au grand jour et au monde entier plusieurs décennies d'abus sexuels, harcèlements et viols de la part du tout puissant Harvey Weinstein, producteur de cinéma et patron des sociétés Miramax et The Weinstein Compagny.
Aucune surprise et peu de révélations (quoique, le mode opératoire et les manipulations sont assez étonnantes) puisque cette affaire a largement été relayée et commentée mais ce film-enquête qui nous entraîne dans la salle de rédaction bouillonnante du prestigieux journal et sur les pas des deux journalistes est malgré tout passionnant.
L'affaire commence en 1992 en Irlande où une toute jeune fille ravie, éblouie par le tournage d'un film est l'assistante de la scripte. Plus tard, elle court dans la rue, en larmes, ses chaussures à la main. On la retrouve 30 années plus tard. Elle a quitté le monde du cinéma et peut-être serait-elle la première victime d'Harvey Weinstein. A un moment, un de ses proches dit aux journalistes : "pourquoi vous intéresser aux années 90, alors qu'il y a tant à découvrir sur ces dernières années !" En effet, l'homme ne s'est jamais arrêté, a toujours continué à harceler, pourchasser, manipuler, tyranniser toutes les femmes qui avaient la malchance de l'approcher. L'une d'elle dira qu'il valait mieux éviter de s'asseoir sur le même canapé que lui car il était incapable de se contrôler. Une autre portait deux paires de collants pour se donner du temps au cas où... Et il a brisé les carrières de certaines récalcitrantes telles que la courageuse Rose McGowan (la première à dénoncer le machisme à Hollywood et le viol dont elle a été victime) ou Ashley Judd, présente dans le film (mais qu'a-t-elle fait à son beau visage ?). Mais la présence de Gwyneth Paltrow au rang des accusatrices semble particulièrement obséder Weinstein.
L'une des grandes forces du film est sa grande dignité. Mais en temps que spectatrice (et femme) et alors que Weinstein n'est représenté à l'écran que deux fois, et de dos, il est difficile de ne pas avoir constamment en tête l'apparence et la hideur libidineuse du personnage. Je ne suis pas en train de dire que s'il avait été beau, il serait excusable, mais il se trouve qu'il est physiquement repoussant et une de ses techniques était de se présenter en peignoir face à ses victimes, d'exiger d'elles un massage ou de leur demander de le contempler nu ! La jeunesse des victimes qui se mettaient parfois "en mode survie" (d'après les propres termes de l'une d'elle), c'est-à-dire qu'elles attendaient que l'horreur se termine en fermant les yeux et en vomissant intérieurement, fait vraiment mal à entendre.
Le film a également la grande pudeur de ne montrer aucune agression. Juste parfois un couloir d'hôtel vide avec une jeune femme seule, tremblante, en pleurs. Ou l'écoute d'un enregistrement caché dans lequel le prédateur insiste avec une lourdeur écoeurante quand sa victime ne cesse de lui répéter : non !
C'est un homme, un avocat ou partenaire de Weinstein, qui parlera de consentement. En effet, cette "affaire", interroge au premier chef les hommes sur cette notion de consentement. Ils vont doivent finir par la comprendre. Un non répété sans fin, souvent, ça veut dire : NON. Et n'est-il pas des milliards de fois plus flatteur et plaisant d'avoir entre ses bras une femme consentante ?
La détermination et la rigueur des deux enquêtrices, soutenues par leur hiérarchie rendent l'enquête efficace. Et ce qui surprend aussi est la grande pudeur, politesse... je ne sais comment appeler ça. Les victimes interrogées, pour celles qui osent parler, si elles sont encore pour la plupart, brisées, traumatisées ne parlent de leur prédateur qu'avec une sorte de respect. Aucune insulte (qui encombraient mon esprit à moi), elles l'appellent toutes Harvey. Comme si, malgré tout, il gardait une forme d'emprise sur elles et qu'au-delà de son abjection il méritait encore une forme de respect. Très étonnant de voir cet homme dégueulasse, sans regret, sans remords, prétendre "faire un travail" sur lui mais seulement après la révélation des accusations tout en contunuant de menacer, tenter d'influencer ou manipuler la presse.
Et le film, très très féminin, ne fait pas de TOUS les hommes des prédateurs. Loin s'en faut. Les journalistes, jeunes mères de famille, dont l'une subit une dépression post-partum peuvent compter sur l'appui indéfectible de leurs deux maris (et des spectateur-rice-s) et de leur supérieur.
Megan Twohey et Jodi Kantor sont deux soldats admirables. Les actrices qui les interprètent Carey Mulligan et Zoé Kazan sont formidables.
Et après I'm your man, Maria Schrader démontre qu'elle sait faire du cinéma.
93 femmes accusent Weinsten de harcèlement, attouchements ou viols. Il plaide toujours non coupable mais a cessé de sévir.
l'actrice et réalisatrice Asia Argento
l'actrice Rosanna Arquette
l'actrice Jessica Barth
l'actrice Kate Beckinsale
la mannequin Zoë Brock
l'autrice Liza Campbell
l'actrice Florence Darel
l'actrice Emma de Caunes
la mannequin et actrice Cara Delevingne
l'actrice et réalisatrice Lacey Dor
l'actrice Dawn Dunning
l'actrice et réalisatrice Lina Esco
Hope Exiner d’Amore, ancienne employée de la compagnie de production de Weinstein
l'actrice et scénariste Louisette Geiss
la directrice générale de l'organisation Echo Parenting & Education Louise Goldbold
l'actrice Judith Godrèche
l'actrice Eva Green
la productrice Elizabeth Karlsen
la mannequin et chanteuse Myleene Klass
l'employée de Miramax Laura Madden
l'actrice et autrice Sarah Ann Masse
la présentatrice de télévision Katya Mtsitouridze
l'employée Emily Nestor
l'actrice et réalisatrice Jennifer Siebel Newsom
l'ex-mannequin Samantha Panagrosso
l'actrice et réalisatrice Sarah Polley
la professeur de psychologie Tomi-Ann Roberts
l'employée de Miramax Lisa Rose
l'actrice Melissa Sagemille
Commentaires
Le film n'avait nul besoin d'abuser de la "paranoïa mafieuse" (c'est déjà un monstre pervers de là à croire que HW pouvvait tuer...) mais ça reste un très bon film, magnifique jouer à voir forcément
Je ne comprends pas ce que tu dis : paranoïa mafieuse... pouvait tuer !!!
Je suis entièrement d'accord avec toi ; j'ai beaucoup aimé ce film. C'est une riche idée de ne rien avoir montré des agressions, elles sont d'autant plus angoissantes. Les scènes de vie de famille des deux journalistes apportent des bouffées d'oxygène, tout en montrant en effet des hommes très différents de l'autre dépravé. Même de dos on sait qu'il est moche. Et suivre l'enquête pas à pas est captivant. Que de rebuffades avant de décrocher quelque chose ... Paranoïa mafieuse ? quesaco ?
PS. Et j'ai oublié, bravo pour ta liste ! on se rend mieux compte de l'ampleur du problème.
J'aurais détesté voir les agressions et que cette pourriture soit représentée à l'écran.
J'adore quand on le voit de dos le regard de Carey Mulligan. Un regard de femme sur ce sous hommes.
Ce film est vraiment très fort et digne. Je ne m'attendais pas à ça.
Oui la liste est longue, c'est effrayant. Elles me font une de ces peines ces filles qui ferment les yeux "parce qu'il faut bosser ".
Quelle ordure ce mec. Il me donne envie de vomir.
Il mourra sans doute en prison.
Je crois que j'ai compris la "paranoïa mafieuse"... A un moment Jodi pense être (ou est) suivie par une voiture. Mais à aucun moment le film ne dit que Weinstein pourrait être un meurtrier.
Passons.
Mouais, dans le contexte où ces filles enquêtent, c'est assez normal d'avoir peur de tout ce qui paraît anormal à ce moment-là. Ce n'est pas de la parano, mais quasiment de la prudence la plus élémentaire ! (l'avertissement du supérieur hiérarchique leur disant qu'elles sont écoutées et surveillées n'est pas une vue de l'esprit).
Mais oui tu as raison, elles sont sur écoute les paranos...
Je pense que les hommes sont TRÈS indulgents avec le comportement d'un Weinstein.
Je n'ai pas vu le film mais j'avais vu le documentaire sorti au ciné (l'Intouchable) sur cet horrible personnage, j'avais été horrifiée. Je pense que je n'irai pas voir le film, mais il en faut des comme ça, on est en post metoo et il ne faut pas cesser de faire changer la peur de camp !
Je n'ai pas vu le doc.
Le film vaut le coup, mieux que ce que je supposais.
C'est un film su notre liste, mais peu d'occasion pour aller au ciné...et ça nous manque !
Maria Schrader nous avait déjà impressionnées par "Unorthodox"
Ah dommage.
Je ne connais pas ce film de Maria Schrader.
C'est mini-série sur Netflix
Ah ok. Je n'ai pas.
J'aime les choix de la réalisatrice (notamment le fait de ne quasiment pas montrer le violeur). C'est un bon film de facture classique, comme les Américains savent en faire. La cause le mérite. Les actrices sont très bonnes. Je conseille de se dépêcher pour le voir : il ne fait pas un malheur dans les salles.
Oui TRES bonne idée de ne pas montrer le pourri. Il aurait fallu un acteur bien courageux et c'est difficile d'être aussi laid à l'intérieur qu'à l'extérieur.
Les actrices sont formidables. Dommage que ça ne marche pas plus ce film.