LA FAMILLE ASADA
de Ryôta Nakano ****(*)
Avec Kazunari Ninomiya, Hary Kuroki, Satoshi Tsumabuki
Le film s'inspire de l'histoire vraie (oui encore une) de Masashi Asada devenu photographe après bien des doutes et des tergiversations.
Et franchement, moi qui ne suis pas une acharnée de la famille (sauf les 5 précieux), j'aurais vraiment eu envie d'entrer dans celle-là. Pourquoi ? Parce que comme sur l'affiche (qui pour une fois a raison) cette famille a choisi de vivre dans la joie le plus souvent possible. S'amuser parce qu'on ne sait jamais... Dans cette famille atypique le père ne travaille pas, il cuisine et attend chaque jour le retour de sa femme chérie et de ses deux fils adorés. C'est la mère qui fait "bouillir la marmite" en étant infirmière à l'hôpital. La première scène nous plonge directement dans l'ambiance. Le père se blesse en cuisinant, il demande à son fils Masashi d'appeler du secours. L'enfant tombe en se précipitant. Il appelle son grand frère Yukihiro à l'aide qui chute à son tour. Cela pourrait être dramatique mais où ce petit monde se retrouve-t-il ? A l'hôpital devant la mère, hilare d'avoir à soigner ses trois hommes ! Et voilà, plutôt que d'en faire un drame, choisir d'en rire parce qu'au fond il n'y a rien eu de grave. Et ce père merveilleux (la mère l'est tout autant) chaque année photographie ses deux fils en les plaçant dans des situations et des costumes qui ne leur conviennent pas toujours. Et pour ses huit ans, Masashi reçoit le précieux appareil photos en cadeau. A lui de prendre le relai et d'immortaliser sa famille en photos et grâce au retardateur de figurer sur les clichés.
Les années défilent, toute la famille est certaine que Masashi est talentueux et pourra faire de ce talent de photographe son métier. Mais le garçon est pétri de doutes, d'hésitations. Peut-être un peu paresseux aussi. Il lui arrive de disparaître un an ou deux sans donner beaucoup de nouvelles. Squatter l'appartement de Wakana la fille qui l'aime depuis l'enfance parce qu'il a capturé son âme en la photographiant. Car Masashi ne peut déclencher l'appareil que s'il a compris la personne qu'il photographie. Quelle patience a cette fille d'attendre ce garçon qui parfois s'assied et trempe une canne à pêche dans la mer et ne comprend rien à l'amour !
Et puis Masashi décide de mettre en images les rêves de sa famille. Le film prend une tournure comique et les mises en scène sont absolument remarquables. Le père a rêvé d'être pompier, la mère de tomber amoureuse d'un Yakusa, le frère d'être pilote de formule 1... qu'à cela ne tienne, il n'est jamais trop tard pour réaliser un rêve et avec son aplomb, Masashi parvient à trouver les vêtements, les lieux, les situations pour composer le plus bel album de famille qui soit, le plus drôle, le plus touchant qui met en évidence les liens qui unissent les quatre membres de cette famille tellement farfelue et attachante.
Et puis le rire fait brusquement place à beaucoup plus de noirceur, de tristesse (kleenex recommandés pour cette partie) même si l'image restera d'un bout à l'autre lumineuse jusque dans les décombres. Car le Japon a connu en 2011 l'un des plus ravageurs séisme qui soit, un tsunami qui a ravagé une région et fait beaucoup de victimes. On n'en verra que l'annonce faite à la télé et quelques images de paysages et maisons dévastés. Masashi en errant dans les décombres va rencontrer un jeune homme qui n'y connaît rien en photos mais a entrepris le travail de fourmis de collecter et nettoyer les photos retrouvées, couvertes de taches et de boue. Et c'est là que le bel hommage à la photo argentique et ses développements papier prend toute la place et donne tout son sens à ce travail colossal. C'est comme ci Masashi avait enfin trouvé un sens à sa passion voire à sa vie. Redonner une apparence à ces clichés sera sa mission. Et là, miracle du cinéma, de la photo et de l'intelligence du réalisateur, la photo déploie un pouvoir consolatoire infini. Et pour les familles qui ont été séparées et défilent devant les murs de photos dans l'espoir de retrouver celles où apparaissent leurs proches, retrouver un cliché est aussi merveilleusement émouvant que de retrouver un être cher.
C'est un premier film, je n'en reviens pas. C'est du niveau d'un Kore Eda. La famille y est traitée avec douceur et bienveillance jusque dans leurs conflits. C'est magnifique et joyeux même si ça parle de deuil, de mémoire, de souvenirs que les photos nous renvoient comme des caresses. Il nous dit aussi que souvent, l'absent, celui qui n'est pas sur la photo, c'est celui qui est derrière l'appareil pour immortaliser l'instant.
Miracle de ce premier film tendre, émouvant, drôle, humain, tous les personnages sont attachants et l'interprétation est d'une qualité exceptionnelle. Les enfants comme les adultes. Et je vous mets au défi de ne pas vous effondrer en larmes devant cette petite fille qui passe des larmes au rire et nous entraîne avec elle dans la joie et la douceur de son souvenir.
Le réalisateur réussit un dernier prodige, nous permettre de contempler le générique tout en clichés après un dernier éclat de rire. Miraculeux je vous dis, un peu comme un arc en ciel...
Bravo, merci.
Commentaires
Un film à ne pas rater si je comprends bien. Moi qui croyais qu'il n'y avait pas grand chose à voir en ce moment ..
Erreur il y a à voir et celui-ci en priorité :-)
Un arc en ciel ! Waou tu me donnes très envie de le voir
Sera-t-il à l'affiche vers chez moi...
Bises
Je te le souhaite.
La scène de l'arc en ciel est TRES émouvante.
Cinquième film en réalité de Nakano, mais le premier à parvenir jusqu'à nous, sans doute grâce au succès public en son pays. Et on comprends pourquoi ! Au-delà de l'enthousiasme communicatif du projet photographique, il y a cette rencontre d'une problématique familiale avec celle d'une multitude d'autres emportées par la catastrophe. Je trouve que ce changement d'échelle aux deux tiers du film est formidable. Par contre le rythme baisse un peu à ce moment-là, ce qui n'enlève rien à la qualité de ce très beau film.
Ah je comprends mieux pourquoi cette maîtrise.
Je suis d'accord, les scènes avec la gentille dame qui aide à nettoyer les photos... bref, les scènes face à la table des photos avant qu'ils obtiennent une salle dans l'école sont un peu répétitives. C'est ma seule réserve. Ce film est merveilleux.
Incroyable, on est 100 % raccord !
Vivement qu'on arrose ça.
Et qui plus outre, elle joue mal la dame contrairement à tous les autres. Tu m'agrées mon canard ?
Coin coin chez les inhumains ! Tu m'agrées, je t'agrée ;-)
Repos Carpentchier.
Bonjour Pascale, merci de l'avoir conseillé. j'ai adoré et la salle était pleine. Un film drôle et émouvant en même temps ou alternativement. Bon samedi.
Plus j'y repense, plus ce film me plait.
Et ben voilà :-)
Bonjour dasola. C'est un film admirable. On rit beaucoup et on pleure. J'adore. Et c'est TRÈS beau.
Même si jai trouve le protagoniste un peu égoïste par rapport a sa famille.
L'aventure vécue. La reconstitution de rêves. La quête de photos perdues pas la catastrophes sont de bons moments partagés.
Il est un peu à côté de la plaque mais sa famille est fière de lui.
Je te sens moins enthousiaste.
Mais j'ai vraiment aimé découvrir cette belle aventure
:-)
Pour moi, avec "Babylon" (d'un style très différent), c'est le meilleur film de ce début d'année. C'est subtil, malicieux, émouvant, un peu dingo parfois.
The Fabelmans risque de bousculer tout ça...
Mais Asada reste une petite merveille.
Pas compris l'hilarité des photos ni la pseudo singularité du photographe mais ça reste un joli film et bel hommage à la photographie
Tu ne trouves pas ça drôle toutes ces mises en scène ??? Et tu ne comprends pas la singularité du photograhe qui parvient à "capturer" l'âme de ses modèles ? Et ben...
Merci merci merci !
Oui j'ai pu voir le film dans une salle ou nous étions 7 personnes seulement !
J'ai vraiment beaucoup aimé, oui j'ai rigolé et j'ai pleuré
Une très belle ode à la photographie et aux souvenirs qu'elle compose dans nos vies.
Vu en VO sous titré, j'adore entendre cette langue si "chantée"
Bonne soirée et merci encore pour les étoiles et l'arc en ciel
Et bien de rien. Je n'y suis pour pas grand chose mais je suis ravie que ça t'ait plu autant qu'à moi manifestement. :-)
Et tant mieux pour la VO. En générale les films asiatiques ont un doublage catastrophique.
Ben non, je connais personnellement plein de monde qui font des photos "amusantes" et/ou de talents similaires... Ca ne m'as pas paru "original" ou "innovant" bien au contraire... Mais à côté de ça ça reste un joli film et un bel hommage à cet art
Je retrouve dans ton article toutes les émotions qui m'ont traversées au visionnage de ce très beau film ! Il joue sur de nombreuses cordes et le fait avec virtuosité.
Il est encore à l'affiche chez moi, je crois que je vais tourner le voir.
Je rattrape encore mon retard avec ce chef d'oeuvre...
Même si l'affiche me faisait un peu peur, le côté comédie, c'est que je suis pas un gars drôle, et ça me fait plutôt fuir... Par contre il me faisait tout de même envie, c'est japonais alors forcément intéressant...
Et plutôt qu'une comédie, j'y ai vu un film magnifiquement mélancolique, superbement humain.
Et quel plaisir de retrouver l'homme d'a man... le beau Satoshi...
Et quel plaisir de côtoyer cette famille Asada, moi non plus je ne suis pas très famille, mais cette famille-là, elle me plait, elle est belle, elle est souriante, elle est bienveillante, elle est humaine...
Et du coup, je relis à nouveau ton billet, et j'ai les larmes qui me reviennent. Quel beau billet, tu as su capter, toi aussi, l'émotion et la mettre en image comme sur une photo argentique.
Un grand film, un bel hommage que tu lui rend. Tout est si beau dans ce film, les rapports humains, les histoires d'amour ou de frangin...
Je crois que vers le cinéma japonais on peut se précipiter.
Moi non plus, l'affiche ne m'inspirait guère comme la BA qui je crois insistait sur le côté comédie.
Et finalement le côté comédie est admirablement réussi. On rit, on pleure et on l'aime cette famille miraculeuse qui déploie tant d'amour sans se planter devant toi comme un reproche !
Merci pour ton appréciation de ma prose.
J'ai acheté le DVD mais n'ai pas encore pris le temps de le revoir.
Je vais m'y mettre ce soir je crois.
Et puis le beau Satochi...