POUR LA FRANCE
de Rachid Hami ***
Avec Karim Leklou, Shaïn Boumedine, Lubna Azabal, Laurent Lafitte, Samir Guesmi, Lyes Salem, Slimane Dazi
Lors d'un rituel d'intégration, très con comme tous ces rituels/bizutages, à la prestigieuse Académie militaire de Saint-Syr Coëtquidan, le jeune Aïssa 23 ans se noie.
La famille a du mal à admettre que l'Armée cherche à minimiser sa responsabilité et surtout celle des personnes présentes cette nuit-là et le manque de respect total des règles de sécurité encadrant en principe ce genre d'évènements. Si la mère reste modeste dans ses griefs et réclame pour son fils les honneurs militaires qui lui sont refusés car il n'a pas perdu la vie sur le "terrain des actions militaires", le frère aîné Ismaël se montre plus agressif. En essayant de comprendre, il va se pencher sur le passé de sa famille, en Algérie, en France mais aussi sur ce séjour au cours duquel il a rejoint son frère à Taipei.
Le réalisateur revient sur ce drame personnel qui a touché sa famille il y a 11 ans. Le Aïssa du film n'est autre que le petit frère de Rachid Hami et il a confié son personnage à Karim Keklou qui l'endosse avec toute la force et la sensibilité qu'on lui connaît. Il est le mouton noir de la famille, celui qui magouille et perd son temps alors qu'Aïssa est un modèle d'intégration et de réussite. Ne serait-ce que par ses brillantes études.
La façon de restituer ce récit de ce drame qui doit être encore bien vivace dans la tête et le coeur de la famille, et surtout les suites et conséquences m'a paru particulièrement intelligente et digne. En ne cherchant pas à faire de l'Etat et de l'Armée la bête nuisible à abattre et de mettre en opposition David contre Goliath, le bien contre le mal, le réalisateur donne à son film une grande intelligence et une superbe dignité. Et contrairement à ce que j'ai entendu (Laurent Delmas si tu m'entends), le film n'a pas le petit doigt sur la couture du pantalon, il est au contraire infiniment respectueux du jeune homme mort et surtout du choix qu'il avait fait d'intégrer l'armée. Le drame évidemment est encore plus terrible puisqu'il n'est pas mort lors d'une opération militaire mais d'un exercice complètement con (désolée mais j'ai du mal à trouver un qualificatif), une mise à l'épreuve appelée "bahutage". Il s'agissait cette nuit là de traverser un étang à la nage dans une eau à 9°C au son de la Walkyrie de Wagner. On apprécie toute l'intelligence et l'utilité de la chose ! Cette mort stupide était parfaitement évitable. Mais ce film n'est pas une charge contre l'armée, c'est un hymne, une ode, un hommage à un frère qui selon la formule avait tout (et tout fait) pour réussir et est mort bêtement. La famille ne se résigne pas pour autant et tient tête sans hystérie et sans haine aux institutions françaises.
Rachid Hami évite tous les clichés et parle de l'épopée de sa famille venue d'Algérie. Sa mère (magnifique Lubna Azabal) quitte un mari violent (incroyable Samir Guesmi) avec elle mais aussi avec les enfants. Il refuse de partir et elle débarque en France avec ses enfants. Le dernier naîtra en France. Les deux grands frères sont très différents mais lorsque le plus jeune s'éloigne jusqu'à Taïpei pour parfaire ses études, l'aîné finit par le rejoindre. Leur relation n'est pas toujours facile mais c'est en revenant sur ces évènements qu'Ismaël comprend son frère et l'admire. C'est très beau. Le film est une déclaration d'amour à ce frère disparu. Un cadeau pour la famille sans doute aussi.
Karim Leklou, valeur de plus en plus sûre de notre cinéma et son petit frère de cinéma Shaïn Boumedine, sont magnifiques et infiniment touchants. Laurent Lafitte est très bien en général désolé.
Commentaires
Il y a plein de gens que j'aime, dans ce film, et du coup... ça me tente. Mais en plan B.
J'allais te demander pour Samir Guesmi, mais si, en plus, il est à contre-emploi ici, ça m'intéresse d'autant plus. Le truc, c'est que j'ai du retard de visionnage en salles par rapport à toi ! Je vais avoir du mal à voir tout : c'est même sans doute impossible. Surtout si j'ajoute les plans B.
Bon... j'avoue que, pour le coup, avec ce "Pour la France", je craignais un peu le film "à dossier". Dans le genre, il y a "Animals" aussi, en ce moment, mais cet autre film me fait plutôt peur pour autre chose... et ça reste un plan B aussi.
Ah oui, Samir Guesmi est complètement à contre emploi. Et ce n'est pas un film dossier je trouve.
Je ne sais pas quels sont tes plans A mais il me semble que Asada est inratable surtout que tu aimes le cinéma japonais. Désolée si tu m'as dit l'avoir vu.
Animals... je ne vois pas de quoi il s'agit
J'ai dû lever un sourcil quand j'ai vu la bande-annonce et puis j'ai laissé filer. J'ai entendu Lolo Delmas et "le doigt sur la couture" en effet, mis il n'en disait pas spécialement du mal d'ailleurs. Simplement que le réal aurait pu se laisser aller un peu plus. Après c'est Lolo, si Hami avait voulu en faire plus, il aurait trouvé ça trop prétentieux. Mais bon, comme Martin, en plan B. Plan A : Steven.
C'est ça, si ça avait été différent et une charge contre l'armée ça n'aurait sans doute pas encore convenu à Lolo.
Steven c'est la semaine prochaine. LE CHOC !!!
Rien cette semaine ?
Cette semaine, je mise sur les films qui s'accumulent sur mes étagères.
Ah oui cette étagère, j'ai la même.
11 ans déjà, j'ai l'impression que c'est beaucoup plus récent ; mon premier mouvement a été de ne pas y aller (l'Armée !!) mais j'ai compris que c'était nettement plus. Et l'avis de Delmas, franchement, on s'en passe, il est toujours négatif.
Oui moi aussi j'aurais dit deux trois ans maxi.
L'armée est présente mais ce n'est finalement pas le coeur du sujet même si elle est mise en cause.
Les avis de Lolo, je suis presque addict ! ça me conforte dans l'idée d'aller voir tel ou tel film.