LE RETOUR DES HIRONDELLES
de Li Ruijun ****
Avec Wu Renlin, Hai-Qing
Ma Youtie surnommé moqueusement Le Cadet par les villageois est un paysan plus tout jeune de la Province de Ganzu située au Nord-Ouest de la Réplique Populaire de Chine.
Pour se débarrasser de lui, sa famille l'oblige à se marier avec Cao Guiying une femme plus jeune que lui mais dont la famille souhaite également se dépêtrer. A force de mauvais traitements elle est partiellement handicapée. Le couple accepte sans broncher et s'installe dans des conditions déplorables en pleine campagne avec un âne et quelques poules. Ils cultivent les champs, récoltent par tous les temps et en toute saison pour leurs propriétaires, s'épuisent à la tâche. Accablés de fatigue et de douleurs à cause de ces travaux harassants, ils développent néanmoins une grande complicité puis une vraie tendresse. Malgré la dureté du travail des champs, malgré le mépris de leur entourage, bien que Ma soit forcé de donner régulièrement son sang parce qu'il est le seul à posséder le rhésus rare du sang de Panda le couple se sent heureux comme il ne l'a jamais été. Mais bien qu'analphabète et n'ayant jamais mis les pieds "en ville" le couple est régulièrement sommé de quitter ce qui lui sert de logement quand on lui propose de s'installer dans un appartement avec vue imprenable sur la ville. Ma rétorque devant l'hilarité générale : "c'est bien pour les gens ici, mais on fait quoi de notre âne ?"
Vous l'avez compris (ou pas) ce film est déchirant et d'une grande beauté. Il se déroule de nos jours dans la Province où est né le réalisateur et semble être la version chinoise de L'arbre aux sabots d'Ermanno Olmi (grand choc de ma jeunesse) qui se situait au XIXème siècle. On comprend et il est important je crois de dire que depuis sa sortie et sa sélection à la Berlinale en février 2022, le film a été revu et corrigé par la censure chinoise et malgré son succès phénoménal dans son pays (le film rapporte 100 millions de yuans en 62 jours pour un budget de 2 millions) il est finalement interdit et le réalisateur assigné à résidence ! Le Parti communiste qui affirme que la pauvreté absolue n'a plus court en son pays ne supporte pas la vision de ces deux personnages qui sur-vivent dans un dénuement extrême. Ce qui semble pourtant être la réalité même si on est stupéfait de découvrir ces conditions de vie et de travail.
Le réalisateur révèle que le titre chinois du film, Yin ru chen yan, signifie "Caché dans le pays des cendres et de la fumée". "Cela signifie que les époques passées, les vies passées, ne sont pas disparues. Elles sont simplement enfouies dans les cendres. Ce que nous ne voyons plus ne cesse pas pour autant d’exister. Ce titre compliqué a un sens bien plus simple qu’il n’y paraît".
Le Parti n'a manifestement strictement rien compris à ce film somptueux tour à tour éprouvant et bouleversant car même s'il détaille une vie de misère, il insiste aussi sur l'histoire d'amour qui ne se dit pas entre deux êtres qui jamais ne se plaignent et ne veulent en aucun cas quitter leur région. Il nous donne à voir le quotidien de tout ce qui fait le travail au champ, désherber, couper le blé, ramasser les bottes, cueillir le maïs, pécher un poisson à mains nues. A aucun moment ce n'est lassant. Mais il montre aussi toutes les petites attentions bouleversantes de Ma et Guiying qui soudent ce couple qui se parle peu et encore moins d'amour mais se le prouve au quotidien. Il lui dessine une petite fleur sur la main à l'aide de grains de maïs, elle l'attend avec un flacon d'eau chaude après s'être inquiétée. Et ensemble ils construisent une maison faite de boue séchée. Les scènes de la construction de la maison sont absolument incroyables. Enfin ils auront leur maison à eux même si on se demande comment elle tient debout. On le verra un peu plus tard... Et alors qu'ils doivent un soir d'orage violent protéger les briques en boue, leur éclat de rire à ne pouvoir bâcher correctement les briques est presque communicatif : "tu ris et tu pleures en même temps" dit Ma en riant à son tour. C'est très beau.
La grande modestie du film n'empêche pas son immense beauté. Et puis il y a les deux acteurs. D'un côté l'oncle du cinéaste qui n'est pas acteur et de l'autre une actrice exceptionnelle (jeune et très jolie femme dans la vraie vie) qui font de ce couple de résistants, honnêtes et d'une grande bonté deux personnages infiniment attachants.
Cinéma et censure, on a déjà entendu ça. C'est incompréhensible. Cette belle histoire, ces somptueuses images c'est vraiment du cinéma.
Commentaires
Tu donnes envie. Merci d'en avoir parlé.
Ah super. De rien. C'est un BEAU film.
Bonjour Pascale, un très beau film qui ne peut qu'émouvoir. Cao et Ma forment un couple inoubliable. On sent qu'ils pourraient déplacer des montagnes. La fin est émouvante. Bon après-midi.
Bonjour dasola. Oui ils sont infiniment touchants. On a envie de dire : mais foutez-leur la paix.
La fin :-('
Bonne soirée.
J'avais déjà très envie de le voir mais tu renforces ce sentiment. J'espère qu'il passera encore la semaine prochaine !
Il va vite disparaître j'imagine mais tu vas tomber sous le charme et être TRES émue, j'en suis convaincue.