Elle ne dort pas la nuit et une nouvelle fois elle se sent humiliée quand une toute nouvelle (et très jeune) arrivée lui souffle un poste qu'elle convoitait. Chez elle, elle a peu d'autorité sur ses deux enfants et son mari à qui elle a demandé de s'installer ailleurs, vit une relation extraconjugale peu satisfaisante. Malgré leur séparation, John et Philippa sont toujours très complices. Leur relation fait plaisir à voir.

Lors d'une représentation théâtrale du Richard III de William Shakespeare, Philippa a l'impression que le personnage s'adresse à elle. Elle se prend de passion pour ce roi désavoué, présenté comme infanticide par ambition, cruel et tyrannique en général et difforme. Pour faciliter l'avis qu'on se fait du personnage : une apparence disgracieuse ne peut appartenir qu'à un être moralement repoussant. C'est un peu court pour Philippa jeune homme ! Cette déplorable réputation semble largement généralisée par Shakespeare lui-même et beaucoup d'historiens qui ont suivi cette époque. La réalité serait beaucoup plus subtile et Philippa va s'employer à réhabiliter le roi. Elle découvre l'existence d'une association qui cherche à restaurer l'image de ce roi disgracié. Mais elle va aller plus loin. L'histoire suppose que le corps de Richard a été jeté dans une rivière, les "ricardiens" s'en accommodent. Philippa est persuadée qu'il n'en est rien et ses recherches d'historienne amateure va la conduire avec certitude jusqu'à un parking qui abriterait une chapelle et la dépouille du roi. Evidemment, compte tenu de l'apparence fragile et timide de Philippa et de son manque de professionnalisme, elle n'est pas prise au sérieux et malgré des tentatives d'approche de la faculté et des édiles locaux, elle ne recueille qu'écoute condescendante et sourires amusés. Grâce à un crowdfunding (financement participatif) elle parvient à lever suffisamment de fonds pour réaliser quelques fouilles qu'elle dirige selon son intuition... ce qui n'a rien de très scientifique.

Après le délicieux et émouvant Philomena, Stephen Frears se penche sur une nouvelle injustice qui touche à nouveau une femme. Philippa estime que dans son combat elle manque furieusement de pénis ! Un homme évidemment serait pris au sérieux. Cela ne fait strictement aucun doute.

Il n'y a peut-être que les anglais (ou les monégasques voire les luxembourgeois) pour s'émouvoir et se préoccuper du sort d'un roi disparu il y a cinq siècles et lui accorder enfin des obsèques royales mais Stephen Frears s'y prend tellement bien pour nous raconter cette histoire d'un pot de terre contre un pot de fer qu'on se prend au jeu de cet escape game grandeur nature et réelle. Pour plus de révélations scientifiques, je vous invite à vous documenter par vous-même, mais j'ai trouvé ce film absolument passionnant. Il s'agit ici du combat, de l'obstination d'une femme seule, fragile et vulnérable contre une meute d'universitaires (à une exception près) et politiciens lamentables qui s'attribueront finalement le mérite des découvertes de Philippa dès lors qu'elles deviendront de plus en plus concrètes.

Ces recherches datent de 2012 puisque l'histoire est authentique et la ravissante et délicieuse Sally Hawkins s'empare de ce personnage décalé avec à la fois beaucoup de sérieux et de fantaisie. Contrairement à beaucoup j'ai aimé les apparitions du roi Richard III avec qui elle converse dans les rues d'Edimbourg (où le film a été tourné). Il est interprété par le très charmant Harry Lloyd, l'odieux Viserys Targaryen de Game of Thrones. Autour de Sally Hawkins gravitent Steve Coogan (quel merveilleux acteur !) déjà au côté de Dame Judi Dench dans Philomena du même Stephen Frears et Mark Addy, jadis strip-teaseur dans Full monty (également Robert Baratheon dans Game of Thrones mais je m'égare).

C'est charmant, ludique, plaisant, parfois drôle, élégant. Un régal !