SUZUME
de Makoto Shinkai ***(*)
Il était une fois à Kyushu dans la Province de Miyazaki (hommage au maître) au sud-ouest du Japon une jeune Suzume de 17 ans.
Inconsolable de la mort de sa maman alors qu'elle était encore une toute petite fille, elle est élevée par sa tante parfois décontenancée face aux tentatives d'indépendance de la jeune fille. Malgré ce deuil, Suzume est une enfant joyeuse et énergique qui, ce matin là comme tous les autres se rend au lycée.
Une vie sans histoires.
Elle dévale les pentes à vélo, le nez au vent et... le destin tient à peu de choses, elle croise sur un pont un être de lumière, beau comme le Sorcier Hauru, cheveux en bataille, mine ténébreuse, démarche nonchalante. Le rêve éveillé de toute adolescente. Et, sans même le moindre eye-contact le garçon s'adresse à elle et lui demande son chemin. Il cherche une porte qui se trouverait dans un village de vacances abandonné depuis des années. Elle connaît l'endroit, le lui indique, se rend quand même en cours mais obsédée par cette rencontre décide finalement de rejoindre le jeune homme.
C'est elle qui trouve la porte. Elle l'ouvre, ramasse une pierre qui se transforme en chat... Erreur. Suzume a ouvert une des portes du désastre. Il en existe des quantités à travers le Japon et les ouvrir provoque l'irruption d'un ver géant qui se répand sur la ville et à moins de refermer la porte à temps, déclenche des séismes ravageurs. Avec l'aide de Sota (le beau garçon), elle parvient à refermer cette première porte mais le chat semble s'amuser à les ouvrir. Suzume et Sota vont donc ensemble traverser le Japon du Sud-Ouest au Nord pour fermer les portes et tenter de prévenir les catastrophes. Mais le petit chat tout mignon et facétieux qui va devenir une star et ravir les réseaux sociaux du pays (il est en fait une divinité, ce que Suzume découvrira beaucoup plus tard), jaloux qu'elle ne lui réserve pas son affection, transforme Sota en petite chaise. C'est donc une chaise qui parle et marche et une gamine qui se retrouvent en charge de sauver le monde, ou tout au moins le Japon.
Si comme moi vous avez quelque curiosité, vous irez peut-être découvrir sur les Internets la Province de Miyazaki et la petite ville de Kuyshu où démarre l'aventure. Elle est réputée pour ses volcans en activité, ses plages, ses sources chaudes naturelles, son climat subtropical et c'est de toute beauté. Le réalisateur restitue l'émerveillement que procurent ces paysages avec une animation et des coups de pinceaux prodigieux. Le film est d'une beauté incroyable.
Je n'ai pas la connaissance suffisante pour parler de l'animation japonaise même si j'ai vu (presque tous) les Miyazaki, des Shenkai, des Hosoda, le renversant Tombeau des lucioles de Takahata mais j'aime ce cinéma. Et ce film-ci est sans doute parmi les plus beaux que j'ai vus, le plus accessible aussi car souvent les réalisateurs d'animés japonais profitent souvent des pouvoirs de l'animation pour nous transporter dans des univers parallèles qui me font décrocher de l'histoire. Ce n'est absolument pas le cas ici. Enfin si, il y a bien un univers parallèle que l'on découvre lorsque les portes s'ouvrent et que Suzume les franchit intentionnellement ou par inadvertance mais le réalisateur ne s'y attarde pas outre mesure et les choses restent toujours limpides.
De Makoto Shinkai j'avais vu et apprécié Your Name et les Enfants du Temps sans être totalement convaincue malgré la beauté du spectacle. Ici la problématique reste plus "terre à terre" (relativement) sans nous embarquer continuellement dans des multivers abscons. Je dirais que les préoccupations des personnages sont plus existentielles. En bref, il faut sauver le monde ou au moins empêcher qu'une nouvelle catastrophe touche le pays.
Les détails, la lumière, les personnages, tout ici est somptueux et si l'on s'égare un peu, il reste toujours la possibilité de contempler les paysages magnifiés par le délicat nuancier de Makoto Shinkai. Les personnages sont infiniment attachants, élégants, gracieux et comme il s'agit d'un road movie, les personnages rencontrés en chemin parviennent tous à être incarnés le temps d'une scène ou deux parfois. Et bien sûr, il s'agit finalement une nouvelle fois d'une histoire d'amour d'abord contrariée mais je mets au défi quiconque de ne pas tomber sous le charme XXL de Suzume et Sato emportés dans une aventure commune et constamment obligés de ne pas succomber à leur coup de foudre.
Le film aborde aussi la terreur permanente des japonais dont les portables se mettent régulièrement à sonner pour leur annoncer l'imminence d'une prochaine secousse avec pour seule précision l'amplitude de la secousse. Habitués à ces alarmes et malgré l'angoisse les japonais savent y faire face et l'on pourra apercevoir, comme un symbole, le bateau échoué sur le toit d'une maison, photo quasi emblématique du tsunami de 2011. On peut penser que la mère de Suzume (il n'est jamais question du père) est morte lors de ce raz de marée et que la jeune fille en reste profondément traumatisée. Les choses se compliquent lorsqu'elle pense apercevoir sa mère de l'autre côté d'une porte.
Mais j'en ai trop dit. Laissez vous emporter, foudroyer par la beauté du film et ses thèmes universels que sont le deuil, l'envie de grandir, la finitude du monde et le grand sentiment intemporel qu'est l'amour.
Et avant d'entreprendre le voyage, je vous invite à vous rendre ici.
Commentaires
C'est beau... Mais le scénario est un peu fouilli et peu limpide, par exemple on se demande pourquo et comment les portes s'ouvrent après la première. Sinon un peu plus de fantaisie aurait été la bienvenue dans cette histoire qui reste triste et finalement plus fataliste qu'optimiste. Mais c'est beau...
Je crois que c'est la 1ère ouverture qui programme l'ouverture des autres et le chat montre le chemin sans que Suzume le sache.
Pour moi c'est le 1er animé japonais limpide.
Et c'est vraiment BEAU.
Moi, je me laisserai bien foudroyé par cette histoire...
D'ailleurs Your Name et Les enfants du temps doivent être les deux dernières animations japonaises vues...
Alors fonce, celui-ci est bien supérieur ! Laisse toi foudroyer :-)
Je ne suis pas sûre qu'il soit sorti chez moi, mais de toute façon il arrivera. En général j'aime tous les dessins animés japonais.
Je ne savais pas que tu aimais ce genre. Celui-ci est de toute beauté !
Tu as donc vu « Your name ». Revu dans la foulée de « Suzume » je peux t’assurer qu’il est encore plus bouleversant que celui-ci (je vais aller lire ce qui tu en disais à l’époque).
Cela ne minore nullement cette merveilleuse épopée qui nous entraîne à travers le Japon, de la campagne vers la ville, des tunnels vers les ruines de séismes en invocations divines sous un ciel capricieux. Dieu que c’est beau
Je n'ai pas trouvé Suzume bouleversant mais je me souviens de la dernière scène de Your name qui m'avait bouleversée mais pas le film dans son ensemble. Il faudrait peut-être que je le revois mais je n'ai aucune plateforme, comme tu le sais car tu pourrais écrire ma bio ;-)
Le DVD ou br, y a pas mieux.
Certes, mais moi j'ai besoin d'écran géant.
Je l'ai beaucoup aimé moi aussi. Je l'ai trouvé drôle, très beau et émouvant.
Oui c'est tout ça. Une réussite.