Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

SUR L'ADAMANT

de Nicolas Philibert ***(*)Sur l'Adamant

L’Adamant est un Centre de Jour unique en son genre : c’est un bâtiment flottant. Édifié sur la Seine, en plein cœur de Paris, il accueille des adultes souffrant de troubles psychiques.

En montant à bord de l'Adamant on assiste d'abord à l'ouverture de l'impressionnant mécanisme de volets en bois. La beauté de l'édifice n'échappe pas et alors qu'alentour bouillonne la Capitale dont on entend les bruissements de l'agitation quotidienne, le bateau apparaît rapidement comme un havre de paix, de calme, de tranquillité à l'abri de l'effervescence du monde, voire de sa violence. Pas de doute, l'Adamant, magnifique bâtiment flottant situé quai de la Rapée dans le 12ème arrondissement de Paris au pied du pont Charles de Gaulle offre un cadre privilégié à ceux qui y travaillent (psychiatres, psychologues, infirmiers, ergothérapeutes, éducateurs spécialisés, psychomotriciens, coordinateurs des soins, secrétaire médicale, agents de service hospitalier) et divers intervenants extérieurs (artistes et art-thérapeutes)) comme aux patients. Ce bâtiment respecte les normes de Haute Qualité Environnementale et a été spécialement créé pour être un Centre de Jour. Il accueille des adultes souffrant de troubles psychiques. La pratique de la psychiatrie institutionnelle dans cet établissement met l'accent sur la dynamique de groupe et la relation entre soignants et soignés. On ne verra aucun docte psychiatre en blouse blanche protégé derrière un imposant bureau.

Le film a fait forte impression à la dernière Berlinale qui lui a décerné son Ours d'or, la récompense suprême. La Présidente du jury, Kirsten Stewart a dû peser fort dans la décision du jury. Elle en parle ainsi : "Depuis des milliers d’années, on tourne en rond pour essayer de définir ce qui peut être considéré comme de l’art. Qui est autorisé à le faire et ce qui en détermine la valeur.(…) Ce film place la réflexion, le sentiment, le son et l’image relatifs à ces questions à un niveau profond, à un niveau humaniste, qui nous a tous touchés et submergés. C’est la preuve cinématographique de la nécessité vitale de l’expression humaine, et c’est magistralement réalisé. (…) Les paramètres invisibles établis par l’industrie et l’académisme n'ont aucune chance face à ce film."

Difficile de dire mieux mais je vais quand même évoquer quelques instants de ce film pas comme les autres, tout comme ses "acteurs". Nicolas Philibert a tourné pendant sept mois à bord de cette péniche immobile. La scène d'ouverture est musicale. Un patient accompagné à la guitare par un intervenant extérieur interprète La bombe humaine du groupe Téléphone. Son interprétation d'une intensité exceptionnelle donne toute sa puissance à ce texte sidérant. J'ai craint que la prestation ne soit interrompue tant elle est solide et d'une grande justesse et qu'elle prend tout son sens par la force de son interprète. Mais non, nous entendrons la chanson dans son intégralité, et c'est aussi ce qui fait l'efficacité et la beauté de ce film : il prend son temps, s'attarde, donne la parole sans l'interrompre ni l'orienter par des questions ou des interventions. Nicolas Philibert nous a habitués à cette façon de procéder : privilégier la parole des intervenants. Et pourtant, certains "malades" parviennent par leur insistance à faire intervenir le réalisateur ou le caméraman derrière l'objectif. Ils sont très forts. Parce qu'au-delà de leur pathologie (dont on ne saura rien), les patients s'intéressent aux autres.

Le réalisateur documentariste filme les activités regroupées dans ce lieu incroyable sous forme d'ateliers où chacun participe librement pour finalement s'exprimer sur leurs créations. Il les regarde en face sans les interrompre et la parole si elle n'est pas toujours limpide est remarquable. D'une sensibilité extrême on l'imagine bien, les participants font preuve d'une incroyable lucidité sur eux-mêmes et leur(s) souffrance(s). Ils ont tous ce point commun de pouvoir s'exprimer par la création artistique, que ce soit la musique, la peinture, l'écriture mais aussi la cuisine.

Les regarder bouleverse parce que c'est souvent leur regard inquiet, insistant qui frappe. Ils ont pour certains des "trucs" ou des artifices pour tenter de calmer les voix dans leur tête, pour éviter qu'elles ne prennent le dessus, ne leur fassent faire n'importe quoi ou simplement ne les fassent devenir... fous. Ils n'éludent pas la camisole chimique qui les protège aussi : "sans les médicaments, je me prends pour Jésus". Ils sont parfois inspirés voire habités par l'esprit de Jim Morrisson, Vincent Van Gogh ou la Nouvelle vague au cinéma. Ils peuvent aussi être drôles quand ils analysent leurs oeuvres.

Allez les voir, les regarder, les écouter, ils sont infiniment attachants, bouleversants et intéressants.

photo de l'adamant

Sur l'AdamantSur l'Adamant

Commentaires

  • Un film fort dans un bel endroit.

  • Ah c'est dommage. Les documentaires sont souvent surprenant au meilleur sens du terme.

  • Elle cause drôlement bien la Kristen. Elle m'a donné l'envie d'embarquer sur l'Adamant.
    Toi aussi bien sûr, je te sens déjà bouillir.

  • Tu as raison, en ne voyant que la 1ère partie de ton commentaire, je ruminais déjà une réplique cinglante et indignée.
    Avec ce mal que je me donne pour donner envie !

  • Par moments oui.

Écrire un commentaire

Optionnel