de Kim Chapiron ***

Avec Abdulah Sissoko, Hady Berthe, Issaka Sawadogo, Moussa Cissé

Ali, 14 ans est devenu ingérable pour sa maman seule avec trois enfants à Montfermeil dans le 9-3. Elle décide de le ramener au Mali afin de le remettre dans le droit chemin

Elle le confie à Boubakar (le très charismatique Issaka Sawadogo), sorte de chef de village qui aura en charge de veiller à son éducation au sein d'une école coranique. La façon dont la mère laisse Boubakar, vite surnommé le parisien, sans se retourner, ressemble davantage à un abandon. Une dizaine d'années plus tard, Ali revient avec pour tout bagage ses études de théologie et d'islamologie. Il cherche pourtant par dessus tout à reconquérir l'amour de sa mère toujours inquiète qui ne l'appelle que "fils" et lui garde peut-être une forme de rancune. D'abord tenté par un business supposé lucratif de vente d'invendus d'une célèbre plateforme, Ali se fait remarquer lors d'une prière à la Mosquée. Poussé par les fidèles surpris par la beauté de sa voix et enthousiastes à l'idée d'avoir un imam jeune, Ali cède peu à peu et succède à l'imam en place.

Charismatique, éloquent et doux, il prône un islam humaniste et apaisé. Progressivement, la Mosquée quelque peu désertée se remplit à nouveau. Il assure des consultations et dispense des conseils à qui le souhaite. Et surtout, grâce aux réseaux sociaux et à la publication des vidéos de ses prêches il se fait rapidement une solide réputation auprès des imams plus âgés. Il n'entend pas en rester là.

Le rêve de tout musulman d'ailleurs considéré comme un devoir inscrit dans le Coran et comme le 5ème pilier de l'Islam est le voyage à La Mecque. S'offrir le voyage constitue un véritable sacrifice financier. Chaque pèlerin doit débourser entre 5 et 7 000 €uros pour obtenir le précieux visa spécial "hajj". Si des agences agréées profitent légalement de ce "tourisme" religieux, il est évident que des personnes mal intentionnées s'emparent du marché pour proposer des voyages à prix réduit mais qui hélas n'aboutissent pas toujours à la destination. Cela conduit à des situations désastreuses lorsque les économies de toute une vie sont englouties par ces escroqueries. Ali va se retrouver au centre d'une de ces arnaques et le scenario du film s'inspire de plusieurs faits divers réels.

Loin de l'Islam fondamentaliste largement relayé par les media, le propos du film concernant la pratique de la religion musulmane détonne ici par rapport à toutes les représentations qui en sont faites la plupart du temps au cinéma et ailleurs. Aucun fanatique ici mais des citoyens croyants qui entendent pratiquer leur foi banalement, tranquillement. A ce titre, le film est une réussite. Il démarre par une scène qui ne laisse pourtant aucun doute sur l'issue de l'entreprise et on y retrouve la "patte" de Ladj Ly co-scénariste et dont on est pas près d'oublier le percutant Les misérables.

J'ai trouvé passionnant de voir enfin une banlieue calme, généreuse, chaleureuse et une religion paisible loin de tout intégrisme ou prosélytisme ; ça fait un bien fou. L'arnaque décrite ici est par contre bouleversante car elle touche des personnes le plus souvent âgées qui ont économisé toute leur vie pour effectuer le voyage. J'ai trouvé dommage que la période d'Ali au Mali ne soit pas plus longue et que la fin nous laisse dans l'approximation la plus totale en ce qui concerne l'avenir d'Ali mais c'est de loin je pense le meilleur film de ce réalisateur.

De Kim Chapiron j'avais très moyennement apprécié l'halluciné Sheitan, beaucoup plus apprécié Dog pound et pas eu du tout envie de voir La crème de la crème. Me voilà réconciliée avec Kim Chapiron. Je vous recommande ce film dominé par la superbe interprétation d'Abdulah Sissoko dont c'est le premier rôle. Et sublimé par celle de sa maman de cinéma, Hady Berthe qui semble ne pas être une actrice professionnelle même si elle tenait un petit rôle dans Haute couture. Elle est époustouflante.