HOKUSAI
de Hajime Hashimoto ***
Avec Yûya Yagira, Min Tanaka, Hiroshi Abe
Vers la fin du XVIIIème siècle à Edo (ancien nom de Tokyo) un jeune peintre se fait expulser de son école de dessin à cause de son tempérament bouillonnant.
Il prendra le pseudonyme de Hokusai et deviendra un génie de l'estampe, auteur de la célébrissime Grande Vague de Kanagawa et des non moins célèbres Trente six vues du Mont Fiji. Il influencera les peintres impressionnistes français Monet, Degas, Manet ainsi que Van Gogh et Claude Debussy pour son poème symphonique La mer.
Dans le même temps, l'atelier du maître Tsutaya subit une sorte d'autodafé. Le pouvoir de l'époque imposait une censure autoritaire sur la création artistique jugée souvent moralement corruptrice et n'hésitait pas à détruire les oeuvres. Imperturbable Tsutaya (interprété par le superbe Hiroshi Abe, vu et revu chez Kore-Eda, Après la tempête, I wish, nos voeux secrets, Still walking) ne cesse de s'entourer de nouveaux talents qu'il recrute parfois chez les dames aux moeurs légères qui répugnent à poser trop longtemps pour les peintres exigeants. Il est immédiatement impressionné par l'originalité voire l'excentricité des créations d'un jeune homme pour qui peindre et dessiner sont les raisons de vivre. L'une des originalités du film est que pendant toute la première partie du film, on ne sait lequel des jeunes hommes sera la star Hokusai.
Hélas, amputé d'une demi-heure par rapport à la version initiale, le film nous arrive dans une mouture qui rend parfois son déroulement un peu abrupt. Alors qu'on a plutôt tendance à souhaiter que certains films soient moins longs (Ari Aster (achète-toi des ciseaux) si tu me lis...), celui-ci semble parfois étrangement elliptique. Cela ne gâche en rien le plaisir esthétique à la vision de cet ouvrage d'une rare beauté même si cela gêne parfois légèrement à la compréhension de "l'intrigue".
Totalement obsédé par son art Hokusai devient maître admiré à son tour, marié, père d'une fille qui sera peintre comme lui. Il sera jusque dans sa vieillesse soucieux de parfaire ses dessins, de saisir à la moindre occasion les scènes de la vie quotidienne qui donne lieu à un des plus beau et insolite moment du film lorsqu'un coup de vent violent vient perturber le bel ordonnancement d'une rue aux échoppes ouvertes.
Il est aussi illustrateur des écrits d'un de ses amis écrivain mais également samouraï, qui connaîtra un funeste sort et sera le sujet d'une estampe terrifiante.
C'est lorsque les peintres sont au travail que le film est encore le plus beau. La façon de tenir les longs pinceaux qui semblent ne jamais sécher, les attitudes pour travailler, accroupi, à genoux, tout est singulier dans cet art particulier. Comme les promenades d'Hokusai au bord de l'eau qui semble découvrir émerveillé la silhouette massive, grandiose presque triomphale du Mont Fuji et l'amène à son oeuvre majeure La Grande Vague de Kanagawa et ses curieuses griffes pour représenter l'écume. Rarement l'acte même de peindre aura été aussi bien rendu au cinéma. Ces moments où le pinceau crisse sur le papier sont remarquables.
"Le processus de production des peintures japonaises traditionnelles n'implique pas beaucoup de mouvement. Plutôt que d'avoir recours à des artifices de mise en scène pour le rendre spectaculaire, j'ai essayé de montrer la particularité de chaque peintre à travers la façon dont il tient ses pinceaux, par exemple", précise Hajime Hashimoto. C'est très réussi, on se trouve au coeur même de l'oeuvre.
A noter également la très belle scène où l'on assiste à la fabrication des estampes. Elles sont gravées sur bois et le réalisateur précise encore : "les techniques ancestrales de production des estampes ont été fidèlement transmises jusqu'à nos jours, et des tirages réalisés de la même manière qu'à l'époque d'Edo ont pu être utilisées dans le film."
Hosukai jeune est interprété par un acteur qui a bien grandi depuis qu'il avait été l'aîné admirable d'une fratrie en souffrance dans Nobody knows le drame bouleversant de Kore Eda et la sensation de Cannes 2004 où il avait remporté le Prix d'interprétation masculine à 14 ans.
Ce film esthétiquement somptueux n'est pas un biopic ordinaire.
Commentaires
J'ai moi aussi beaucoup aimé, la forme et le fond.
Le film est un véritable hommage à la peinture et au dessin (au pinceau).
Il contient aussi me semble-t-il un message adressé au monde contemporain. Les artistes et écrivains encourent les foudres des puissants. Hier comme aujourd'hui, certains politiques et religieux n'aiment pas être caricaturés et veulent contrôler la création...
L'art c'est comme les femmes, ça fait peur. Je ne sais pas pourquoi je dis ça, c'est hors sujet.
Tant pis.
Ce film est beau et j'ai adoré ces pinceaux/crayons incroyables. ça donne envie de s'y mettre.
J'ai vu plusieurs fois des expos d'Hokusaï, sans connaître la vie du peintre ; ne serait-ce que du point de vue esthétique, j'ai très envie de voir le film.
Ah j'aimerais voir une telle expo.
Le film est TRÈS intéressant.
Très intéressant et beau esthétiquement, j'ai juste trouvé que ça manquait un peu de "chair" et de passion, trop "sage" mais surtout il manque des pans importants de sa vie alors que le film s'attarde sur des "détails". Mais ça reste un film magnifique à conseiller
N'oublions pas que le film est amputé d'une demi heure. Ceci explique peut-être cela.
Encore un film que j'ai sur ma liste mais que je ne suis pas sure d'avoir le temps de voir avant sa disparition des écrans :( on a pas mal de propositions très intéressantes en ce moment !
Oui c'est très original et tellement beau.