NOÉMIE DIT OUI
de Geneviève Albert ***(*)
avec Kelly Depeault, James-Edward Métayer, Emi Chicoine, Maxime Gibeault, Myriam Debonville, Joanie Martel
Noémie a 15 ans et vit dans un foyer depuis plusieurs années.
Sa mère, complètement paumée et qui semble à peine plus âgée qu'elle est incapable de s'en occuper. Lors d'une nouvelle comparution devant le juge, la mère refuse une fois de plus de reprendre Noémie chez elle. Désespérée, la jeune fille fait une fugue et rejoint son amie Léa qui s'est elle-même échappée du centre quelque temps plus tôt. Elle lui fait rencontrer sa bande en apparence très accueillante. Mais cet accueil a un prix...
Noémie est immédiatement repérée par Zach, le plus beau garçon de la bande, celui que toutes les filles s'arrachent. Les deux jeunes gens tombent amoureux et rapidement Zach propose à Noémie de devenir escort girl lors de l'annuel week-end du Grand Prix de Formule 1 de Montréal. Ce ne sera que pour un week-end et promis, après, ils partiront ensemble, loin. Très séducteur et manipulateur, Zach n'insiste pas trop, même s'il la laisse entre les mains d'un de ses amis avec pour mission de bien s'occuper de lui... D'abord révulsée, Noémie refuse puis, encouragée par Léa qui semble très enthousiaste et pas traumatisée par ce qu'elle fait depuis des mois et aussi tentée par l'appât du gain et de l'argent facile (8 à 9 000 dollars sur le week-end), elle accepte.
Le sujet est on ne peut plus sordide. Il s'agit bel et bien de la prostitution des adolescentes organisée par de jeunes garçons proxénètes. La réalisatrice est particulièrement bouleversée par ce phénomène qui touche les jeunes filles dès 15 ans et notamment lors de ce fameux week-end de grand prix automobile où certains hommes se défoulent aussi bien autour du circuit que dans des hôtels avec de très jeunes filles moyennant un tarif négocié sur internet par les garçons en fonction des exigences des clients. Autant le dire clairement : c'est à vomir d'horreur pour les filles et de honte pour ces mecs dégueulasses, inconscients.
C'est éprouvant mais la réalisatrice a manifestement fait deux choix. Celui de filmer ce week-end interminable sur la longueur, pour ne pas éluder l'abomination de la situation, de faire apparaître sur l'écran les chiffres ahurissants qui peu à peu augmentent et représentent le nombre de types qui défilent dans la chambre d'hôtel, mais aussi de rester à une distance qui rend la mise en scène d'une qualité impressionnante, sans érotisation extrême et voyante (ou voyeuriste) du personnage principal. On ne voit jamais Noémie totalement nue par exemple. Les hommes dont certains répugnants, avinés, brutaux, si.
Pour interpréter le rôle de cette victime prétendument consentante d'un commerce abject, Kelly Depeault (déjà exceptionnelle dans La déesse des mouches à feu) est époustouflante dans ce nouveau rôle éprouvant. Espérons quand même que pour le prochain film elle se sorte de ces personnages d'ados torturées dans tous les sens du terme.
Ce film m'a une nouvelle fois évoqué cette réplique de Fort Saganne d'Alain Corneau. Alors qu'au milieu du désert en 1911 le Capitaine Saganne est chargé de combattre des révoltes en plein Sahara, on lui propose, pour tromper l'ennui, de partager la couche d'une petite indigène. Je n'ai jamais oublié sa réponse :
"Je ne suis pas venu ici pour passer mes nerfs sur des petites filles"...
(et pourtant le Capitaine Saganne c'est... mais c'est une autre histoire).
Commentaires
Devant ce genre de sujet, je me demande comment on élève les filles encore aujourd'hui pour qu'elles considèrent comme acceptable que leur corps soit objet de commerce. Je me demande de la même manière comment on élève les garçons pour qu'ils s'imaginent qu'obliger des filles à se prostituer ne prête pas à conséquences ...
En ce qui concerne Noémie, elle n'a pas été élevée... sa mère est une épave qui vit dans un taudis.
Il me semble qu'il serait plus urgent d'élever les garçons.
Et dans ce film, la réalisatrice nous avait expliqué que cette course automobile était notoirement connue pour permettre aux hommes, adultes, de venir se défouler sur des gamines. Des hôtels accueillent ce "commerce".
C'est un film insoutenable, que je suis incapable de revoir mais utile je trouve. D'autant qu'il est dignement réalisé. C'est une femme donc pas d'exhibition des jeunes filles. Je reste toujours convaincue que les (certains) réalisateurs se rincent parfois l'œil.
Je suis d'accord avec ta conclusion. Je ne pense pas avoir le courage de le voir. Sur ce genre de sujet c'est moins difficile pour moi de lire. Tu ne te prends pas la même violence en pleine poire, sans pouvoir respirer ...
Oui, les garçons ne sont pas d'accord avec cette conclusion et disent que les filles aussi filment des filles nues mais, je me trompe peut-être, je n'y vois pas cette insistance voyeuriste et libidineuse.
La loooooongue scène du week-end qui commence presque en douceur avec un homme qui paie, se soulage et s'en va, je dirais presque poliment, est suivie de dizaines d'autres tout au long d'un week-end cauchemardesque avec des comportements masculins divers et variés. C'est à vomir de dégoût, de honte et de colère. Je ne pense pas que j'aurais pris la mesure de ce qui se passe en lisant. Mais je comprends que le "spectacle" soit difficile à soutenir.
Je n'ai pas prévu de le voir mais j'avais entendu de bons échos sans en connaitre le sujet. Je ne pense pas avoir le temps pour ce film, pour le moins nécessaire pourtant.
Je pense que tu supporterais mal. C'est éprouvant ce film.