SHOWING UP
de Kelly Reichardt *
Avec Michelle Williams, Hong Chau
Lizzie prépare le vernissage de sa prochaine exposition : de petites figurines en terre cuite représentant des femmes dans diverses postures.
À sept jours de la date fatidique le stress monte, d'autant que Lizzie est confrontée à bien des problèmes. Elle n'a plus d'eau chaude depuis deux semaines, sa voisine Jo, propriétaire et amie (? là je doute un peu) tarde à faire réparer ou à changer la chaudière, son chat lui apporte un pigeon à l'aile cassée, elle s'en débarrasse en le jetant par la fenêtre ("va mourir ailleurs"), Jo le récupère et le soigne. Gros bouleversements dans la vie de Lizzie.
Kelly Reichardt a peut-être (je n'en sais rien) mis beaucoup d'elle-même dans ce portrait. On imagine guère la dame faisant des mondanités et participant aux soirées de l'ambassadeur en minaudant. Mais alors pourquoi ce film sur une artiste à la limite de l'autisme si c'est pour éluder complètement le processus, l'acte de créer qui se limite à montrer Lizzie donner quelques coups de pinceau, s'éloigner des oeuvres, regarder le résultat et faire la gueule. Un artiste, aussi original, atypique soit-il, doit-il obligatoirement être introverti, renfrogné, asocial ? Et surtout, la critique crierait-elle une nouvelle fois au génie pour ce film s'il n'était signé de Kelly Reichardt ?
Pourtant depuis Wendy et Lucy, je suis (du verbe suivre) la réalisatrice pas à pas, jusqu'au merveilleux et incroyable First cow en passant par La dernière piste, Night moves, Certaines femmes. Ses personnages sont rarement sympathiques (sauf dans First cow) car ils sont souvent au prise avec les difficultés d'une vie pénible mais ici, sa Lizzie est particulièrement antipathique. D'ailleurs il faudrait que je cesse de dire que tel ou tel personnage est antipathique parce que ce n'est absolument pas un critère pour aimer ou pas un film. Bien des personnages détestables sont passionnants. Pas Lizzie. Elle regarde ses concitoyens comme s'il s'agissait d'insectes méprisables. Pourquoi faire mine de s'intéresser au sort de son frère, encore plus renfermé (restons poli) et perturbé qu'elle si c'est pour lui balancer "ne m'adresse pas la parole... ne mange pas mon fromage" dès qu'il réapparaît (oui, il y a un gros suspense, le frère disparaît... 42 secondes). Le couple dysfonctionnel et séparé et particulièrement caricatural des parents doit y être pour quelques raisons dans le comportement de leurs enfants artistes.
Les oeuvres de Lizzie ? Je les ai d'abord trouvées très laides, à la limite du ridicule. Puis je m'y suis habituée à force de les observer sous toute les coutures pour finir par les aimer et les trouver merveilleuses lors de l'expo. C'est déjà ça.
Mais regarder le nombril d'un microcosme d'artistes de Portland aussi inaccessibles que ceux qu'on découvre ici, je ne peux pas dire que ça m'ait fait sauter de bonheur et passionnée. Le quotidien de Lizzie est plus banal que le mien, il ne la réjouit pas mais on ne sent pas non plus la passion créatrice l'habiter. Elle semble totalement absente aux choses, aux autres, à la vie. Elle souhaite prendre une douche et c'est compliqué sans eau chaude. Alors oui, même les artistes rencontrent des problèmes aussi bassement terre à terre que le manque d'eau et c'est contrariant. Alors Lizzie affiche une mine contrariée.
En sortant de la séance, plutôt déçue voire accablée, j'ai pensé que peut-être Kelly avait eu envie de filmer une nouvelle fois son alter ego, sa muse de cinéma Michelle Williams qui d'ordinaire n'est jamais meilleure que chez son amie Kelly. On peut saluer son audace et son éclectisme car passer du rôle glamour de mère fantasque chez Spielberg (The Fabelmans) à celui de Lizzie, sapée comme (jamais) l'as de pique et constamment grognon est sans doute la preuve qu'on est devant une actrice qui ne craint pas les grands écarts. Mais encore faudrait-il que les deux copines aient quelque chose à nous raconter, à nous mettre sous la dent et devant les yeux.
Avec une réalisation plate, sans effets, un scenario minimaliste qui avance sans but à l'aveuglette, je bâille pas mal et je m'interroge sur ce qui rend les critiques tellement enthousiastes ! Mais c'est peut-être dans celle-ci que je pourrais trouver la réponse à mes doutes et mes questions : "Showing up est une satire empathique d'une communauté bohème arty, avec ses ateliers, ses vanités, ses ridicules. Kelly Reichardt se moque, mais jamais de façon ricanante, jamais en surplomb. Elle ne se cache pas d'appartenir à ce monde, celui des créateurs, qu'ils soient géniaux ou pathétiques". Je n'ai pas trop compris cet humour détaché.
Commentaires
J'avais envie d'aller le voir ; tu ne m'encourages guère là ... j'espérais mieux.
Ce film m'a déçue, ennuyée mais c'est gênant de ne pas le voir si tu as vu tous les autres.
Bonjour Pascale, j'ai entendu du mal sur ce film au Masque et la Plume. Dommage car je voulais le voir et ton billet me conforte de ne pas y aller et pourtant j'aime ce que fait Kelly Reichardt Bonne journée.
Bonjour dasola. Je n'écoute plus le masque. Ils ne m'amusent même plus.
M'ennuyer autant au cinéma, je déteste. Je n'ai rien compris à cette fille et ces gens qui l'entourent (quand ils arrivent à l'approcher...).
Bon, je sens qu'il va rejoindre ma liste de films d'avion : si je m'endors je ne rate rien, et si je me réveille à la fin, je ne comprendrai pas plus que si j'avais perdu mon temps à tout regarder.
Ca faisait longtemps qu'on n'en avait plus eu.
Si tu te réveilles à la fin tu peux avoir l'impression d'avoir tout vu. Et pour te rassurer, le pigeon s'en sort.
Pas détesté, loin s'en faut. Par contre ma femme m'a maudit à la sortie de la salle.
"Les œuvres de Lizzie ? Je les ai d'abord trouvées très laides, à la limite du ridicule. Puis je m'y suis habituée à force de les observer sous toute les coutures pour finir par les aimer et les trouver merveilleuses lors de l'expo." Le voilà le processus de création que tu recherchais, tu l'avais sous les yeux.
Mais je comprends la déception, comme si Kelly Reichardt, après les beautés naturalistes de "First Cow" avait voulu salir son image (ce grain vidéo, ces effets de zoom sur le plan d'ouverture qui donne le ton, très moche), se dévaloriser. J'ai aimé cette posture que résume très bien l'extrait de critique que tu cites à la fin de ton article.
Ta femme a très bon goût il me semble. Je pense qu'elle aurait préféré Le principal.
La posture bohême arty fait trop intello pour moi. Je comprends que ça te parle aussi, tu es souvent trop intello pour moi. Sans vouloir me dévaloriser moi aussi.
Intello ? Tu écris ça à quelqu'un qui vient de publier un article sur une série B avec des Loups-Garous quand même. ;-)
Je ne perds pas espoir que mes arguments sur ce très beau "Showing up" finissent par te convaincre. :-D
Même ta façon de traiter les lycantropes est intello. Et puis Les cahiers et Positif pour moi c'est de l'hébreu. Ce n'est pas un gros mot. Disons que je n'ai pas ce sens de l'analyse. Moi ce sont toujours mes tripes qui réagissent. C'est fatigant mais pas intello.
Il m'est arrivé de changer d'avis sur certains films. Pour celui-ci il y a peu de chances. Je me suis trop ennuyée à observer ce microcosme nombriliste.
Tu dis que j'ai trouvé le processus créatif du film. Pour moi il est absent. C'est mon processus d'observation qui était en marche c'est pourquoi j'ai fini par aimer les figurines. Mais pour moi le film est raté. Il insiste surtout sur tout ce qui empêche Lizzie de "créer" (le pigeon, l'eau, le frère). Même l'expo l'emmerde. Je peux comprendre que ça la terrorise mais même sa créativité semble l'enfermer en elle. Rien ne l'élève. Elle est terne, sans enthousiasme.
Tu as raison, mais c'est le personnage qui est comme ça. Je trouve moi que le processus de création est très bien montré par ces gestes, ces essais, ces accidents avec la statue cramée qu'elle finit par intégrer à son expo mais oups, je spoile un gros twist du film :-D
Et puis j'aime beaucoup Michelle Williams contrairement à toi, ça doit m'aider. Je trouve la voisine Jo assez bien jouée aussi : dans la posture mais en étant toujours consciente de son statut d'artiste.
On aura du mal à se retrouver sur ce film que je conseille de mon côté.
Je crois que la statue cramée tout le monde s'en cogne. Le cuistot a bien failli me faire rire. Il en avait rien mais alors RIEN à battre de la mauvaise cuisson.
Michelle je ne l'aime (relativement) que chez Kelly et j'étais toute surprise de la voir rire et danser chez Steven. Elle est atteinte de sinistrose cette nana.
Je recommande ce film pour bien dormir.