WAR PONY
de Gina Gammell, Riley Keough ***
Voici quelques éléments glanés dans les internets concernant la population de Pine Ridge :
- diabète, malnutrition, dépression, alcoolisme (85 % des familles sont touchées), toxicomanie (meth),
- mortalité infantile : 300 % supérieure à la moyenne nationale
- espérance de vie : 47 ans pour les hommes, 52 pour les femmes,
- chômage : 90 %,
- ni électricité ni téléphone ni eau courante pour 1/3 des familles dont 97 % vivent au-dessous du seuil de pauvreté.
Le film n'est pas un documentaire mais il se déroule sur les terres souveraines des Oglala Lakota dans le Dakota du Sud et j'ai tenu à aller chercher des informations pour m'assurer de ce que j'avais vu tant ce film désespérant, sans espoir (ben oui désespérant) m'a secouée. Si vous voulez constater par vous-mêmes sans lire de texte, vous trouverez ICI*,1009 photos qui donnent un aperçu de la réalité. Je voulais vérifier de quelle réalité, de quelle époque, de quelle histoire je venais d'être le témoin. Elle se déroule aujourd'hui dans une sorte de quart monde et néanmoins dans le pays le plus riche du monde.
Une semaine sans aller au cinéma, c'est rare. Mais plus rien ne me donnait envie de me déplacer (merci Cannes !). Bien qu'éprouvant, je suis contente d'avoir vu ce film qui risque de passer légèrement inaperçu bien qu'il ait reçu la Caméra d'Or (récompensant un premier film) à Cannes en 2022. C'est étonnant de voir à la réalisation à deux têtes, Riley Keough fille et petite-fille de feux Lisa-Marie et Elvis. Encore une preuve qu'il ne faut pas s'arrêter aux a priori et préjugés.
Nous suivons ici quelques mois du parcours de Bill 23 ans sans travail, déjà père de deux enfants de deux mères différentes et celui de Matho 12 ans, petite graine de délinquant (dealer) aux prises avec un père constamment défoncé et violent qui n'hésitera pas à le mettre dehors. Devenu SDF Matho se réfugie en lui offrant une plume chez une dame qui apparemment recueille (et utilise pour son commerce douteux) les chiens perdus sans collier. Elle lui assure le gîte et le couvert sous certaines conditions, ne jamais mentir, aller à l'école. Allez savoir pourquoi cette réplique : "Tu ne ramènes pas tes ennuis dans mon tipi" m'a bouleversée. Le fait que cette femme parle de sa maison comme d'un tipi m'a balancé au visage toute la tragédie des amérindiens, les natifs du continent américain. L'abandon dont ce peuple fait l'objet me fait penser que les gouvernements successifs comptent simplement sur une extinction naturelle.
Bill et Matho ne cherchent pas à maintenir une quelconque culture ancestrale, ils ont même oublié la langue de leurs ancêtres, l'urgent pour eux est de survivre. Bill l'aîné peut compter sur un certain aplomb, une véritable volonté de s'en sortir voire de s'occuper le plus maladroitement possible et en les mettant parfois en danger, de ses enfants, trouver un travail. Mais sa naïveté et son manque de savoir s'y prendre, associés à son alcoolisme, ne cessent de le mettre dans des situations délicates. Et il sera bien "aidé" dans ses difficultés par sa rencontre avec un couple de "blancs" racistes et exploiteurs. Quant à Matho, il a aussi plus d'un tour dans son sac mais son jeune âge, le comportement et le destin de son père lui rendent la vie encore plus impossible. C'est plutôt vers la drogue puisqu'elle est si facilement à sa disposition qu'il se tourne progressivement.
Bill et Matho ne se connaissent pas et j'ai trouvé leur rencontre bouleversante. Les deux jeunes acteurs inconnus et dont c'est le premier passage devant une caméra sont d'une intensité incroyable. On les aime, on a envie de les aider. On a du mal à comprendre qu'ils soient ainsi abandonnés des adultes qui passent le plus clair de leur temps devant la télé dans des logements insalubres. Quelques filles qui semblent ne plus rien attendre des garçons ont l'envie de s'en sortir, les plus jeunes d'étudier, mais comment serait-ce possible dans cet environnement ? Tous les acteurs sont des sioux lakota.
La caméra expose la misère et observe avec beaucoup d'empathie. Elle se permet quelques envolées apaisantes voire oniriques notamment par la présence d'animaux dont un imposant bison en hommage ou en rappel au passé. A un moment, un chant venu de siècles passés se fait entendre par la bouche d'un vieil homme. C'est magnifique.
Contrairement à ce que j'ai lu, je n'ai pas vu l'histoire de deux marginaux mais celle de deux citoyens américains complètement exclus du fameux rêve et dont on cherche à se débarrasser en les ignorant (voire en les persécutant, il semblerait que les indiens fassent l'objet de persécutions).
Je n'ai trouvé la fin ni apaisante, ni rassurante, ni optimiste.
Commentaires
Content que tu sois allee voir ce film que j'ai trouvé très prenant. J'ai aimé suivre Bill et ses techniques pour tenter de s'en sortir. Il essaie de ne jamais être dans l'illégalité j'ai l'impression même si ses combines foirent et lui apportent plus de problèmes que de dollars.
Je me suis aussi demandé comment on peut mettre son gamin de 10/11 ans à la rue. Cette scène m'a vraiment choqué !!
Moi aussi j'étais parti à la pêche aux informations après avoir vu le film je me disais qu'il était impossible que la réalité corresponde à cette fiction... Hélas oui.
Encore une fois chapeau aux 2 acteurs.
J'ai bien cru qu'il s'en sortirait avec son travail auprès des oies... Je l'ai trouvée détestable la bonne femme du couple, encore plus que le mec. Ces gens sont répugnants ainsi que leur soirée débile.
Oui c'est un film prenant j'ai eu tellement peur pour ses enfants.
J'étais tellement triste quand Matho achète la carte pardon et glisse quelques billets dans l'enveloppe...
Ce que fait le père est innommable mais vu l'état dans lequel il se trouve, il ne se rend plus compte de rien. Les adultes sont de toute façon complètement insensibles aux problèmes des enfants n
La rencontre de Matho et Bill dans la cuisine, je l'ai trouvée magnifique. Et les 2 acteurs sont incroyables.
Tu as un peu regardé les photos ?
C'est pas gai, mais tu me donnes envie d'aller le voir quand même.
Pas gai du tout mais important.
Oui une superbes série de photos. Anciennes ou plus récentes qui décrivent un peu le quotidien et le vécu de ce peuple
C'est fascinant et l'élimination progressive de ce peuple en partie par l'alcool et la drogue.
Ah, celui-là me tente bien aussi. Les Sioux Lakotas, ça me rappelle "Un homme nommé cheval". Ici, on est plutôt sur une taille poney. Par contre, ça sent la misère à plein calumet. Quelle tristesse de voir ce peuple jadis mené par des grands chefs tels Red Cloud ou Crazy Horse abandonnés de la sorte.
Ça transpire la misère, l'injustice. C'est incompréhensible et désespérant.
Mais le film a l'air bon.
Décidément, je ne fais pas les bons choix en ce moment.
Ah oui je l'ai trouvé excellent. Autrement surprenant que l'amour dans les forêts...
Mais il y a encore plus surprenant et radical ces temps ci : L'odeur du vent. Comment en parler ???