de Christopher McQuarrie ***(*)

Avec Tom Cruise, Hayey Atwell, Tom Cruise, Ving Rhames, Tom Cruise, Simon Pegg, Tom Cruise, Rebecca Ferguson, Tom Cruise,  Vanessa Kirby, Tom Cruise, Pom Klementieff, Tom Cruise, Esai Morales, Tom Cruise, Shea Whigham, Tom Cruise, Greg Tarzan Davis, Tom Cruise

Cette nouvelle mission si vous l'acceptez : traquer une effroyable nouvelle arme dévastatrice avant que celle-ci ne tombe entre de mauvaises mains et menace l’humanité entière.

Et je dirais que l'intrigue est presque secondaire tant on imagine pas un instant qu'Ethan et son équipe de geeks ultra réduite (Benji-Simon Pegg-Dunn et Luther-Ving Rhames-Stickell) puissent planter la mission et laisser le monde dans une panade internationale. Quoique provisoire la panade, puisque "la" clé de l'énigme est justement une clé (mais qu'elle est drôle !) scindée en deux dont la serrure est bêtement égarée en mer de Béring dans le Sébastopol (pas la ville de Crimée, le sous-marin russe). En rassemblant les deux moitiés de la clé qui tomberaient dans de fâcheuses mains mégalos, le cataclysme nucléaire total serait imminent. Tout au long des 163 minutes que dure cette première partie, la clé et ses moitiés très convoitées car très intéressantes d'un point de vue bassement lucratif, vont évidemment passer de main en main. Ethan Hunt a donc du boulot pour partir à la recherche de la chose d'autant que le vilain de l'histoire, un certain Gabriel qui est loin d'être un ange (oui, j'ai bouffé du clown au petit déj') est suppléée par une AI (intelligence artificielle pour les béotiens) qui a parfois un peu tendance à devenir ingérable et à prendre le contrôle de la situation. Malgré des embûches en cascades, Ethan Cruise a plus d'un tour de passe-passe dans son sac, une facilité déconcertante à faire le tour du monde sans contrarier son brushing (moi, une sortie vélo et je ressemble à Bozo le clown), sans compter qu'il est le champion du monde des acrobaties et qu'il peut/doit en même temps protéger les quatre filles qui gravitent et papillonnent autour de lui (sans pour autant n'être que des faire-valoir, les filles, vilaines ou gentilles mais toutes badass, "assurent" grave dans cette mission).

Donc l'histoire, je vous l'ai dit, on s'en fiche un peu même si elle tient la route et que pour une fois elle n'est pas trop tarabiscotée et complexe à suivre (retrouver une clé, ça va, c'est dans mes cordes). Ce qui compte ici, c'est le plaisir, le spectacle. Les deux heures 43 on ne les voit pas passer. Des profondeurs de la mer de Béring dans un vieux sous-marin gris tout droit sorti de la guerre froide, en passant par Abu Dhabi pour la partie ensablée, Rome et Venise pour les pavés humides, la beauté des sites, la petite partie romantique (la scène la plus érotique : deux mains qui s'effleurent, une tête qui se pose sur une épaule... c'est chaud, c'est chaud) jusqu'aux Alpes autrichiennes, on voyage, on admire le paysage parfois à toutes berzingues, on s'enthousiasme, on s'émeut (un peu) et on rit. Oui, on rit et à plusieurs reprises. La scène parmi les plus réussies (et il y en a beaucoup) étant celle où... Je laisse le réalisateur lui-même l'évoquer : "nous ne parlons pas de n'importe quelle course-poursuite : d'abord, Grace vole une voiture de police et Ethan la poursuit à moto, puis, après une fusillade palpitante sur le Foro Imperiale, ils se retrouvent menottés ensemble, s'échappent à bord d'une BMW M5 Competition puis tentent de co-piloter une Fiat 500 jaune équipée d'un moteur électrique moderne à hautes performances". C'est très drôle d'abord parce qu'Ethan, de la vieille école, n'a manifestement pas l'habitude de piloter un engin, si petit soit-il, équipé de beaucoup d'électronique. Le pouvoir comique de Tom Cruise est d'ailleurs ici parfaitement exploité. La scène drôle, épique, mouvementée dure le juste temps qu'il faut pour ne pas se lasser. La poursuite à pied (les quelques courses d'Ethan montrent un Tom Cruise toujours parfaitement en forme et parfois au-delà de sa zone de confort à l'allure vraiment impressionnante) dans les venelles de Venise est aussi sensationnelle. Mais là où le film prend son envol électrisant c'est lorsqu'il emmène son infatigable héro sur une moto puis dans un train.

La dernière demi-heure vaut presque à elle seule le détour tant on est accroché au fauteuil. Même si on sait qu'il est impossible de se tenir debout sur le toit d'un train lancé à grande vitesse, ce qui se passe à l'intérieur puis à l'extérieur puis de nouveau à l'intérieur du train est absolument exceptionnel et ferait presque battre des mains de plaisir.

Côté "acting", ça joue plutôt bien. Les quatre filles sont vraiment épatantes : Hayey Atwell en Grace la pickpocket de talent, Rebecca Ferguson en Ilsa Faust double sentimental d'Ethan, Vanessa Kirby en toujours vénale et impitoyable Veuve blanche et Pom Klementieff en vilaine fille cruelle. Et comme cette dernière est française, elle donne l'occasion à Tom Cruise de baragouiner quelques phrases impeccablement et phonétiquement apprises dans la langue de Molière (pour cela il faut voir le film en VO) et c'est délicieux. La star se montre particulièrement attentionnée avec tout l'aréopage féminin qui l'entoure et le lui rend bien. Le garçon semble irrésistible et l'acteur n'ayant plus rien à prouver semble détaché de toute performance. Loin de certains cabotinages de ses débuts, il n'a qu'à paraître pour imposer une vraie présence. Ce doit être cela le charisme ! Le réalisateur lui offre même une petite apparition en mode Orson Welles dans Le troisième homme...

Pour le titre voici l'explication du réalisateur : "Dead Reckoning" est un terme de navigation. Et il se traduit par "navigation à l'estime" : Cela signifie que vous choisissez de suivre un chemin en vous basant uniquement sur votre dernière position connue. Et cela devient une métaphore, aussi bien pour Ethan que certains personnages. (…) Plusieurs choses venues du passé [du héros] vont refaire surface".

J'ai trouvé ce film vraiment épatant, enthousiasmant et plein d'autres mots en "ant". Il se termine de façon maligne mais pas en points de suspension ou d'interrogation et donne furieusement envie d'en reprendre un peu. Mais cela ne sera pas avant juin 2024.