Programme de deux courts métrages de 30 minutes (chacun) que je vous recommande vivement, contrairement au Masque et la Plume qui a vomi son venin sur ces deux films. Le réalisateur y démontre encore une fois sa créativité. Un bonheur.

STRANGE WAY OF LIFE de Pedro Almodovar ****

Avec Ethan Hawke, Pedro Pascal

Silva traverse le désert à cheval et retrouve Jake, shérif d'une petite ville. Les deux hommes se sont connus et aimés vingt-cinq ans plus tôt lorsqu’ils étaient tueurs à gages et ne se sont jamais revus. Après une nuit de retrouvailles, Jake doute que Silva soit revenu uniquement pour le revoir. Je n'en dis pas plus et vous laisse découvrir l'autre motivation de Silva.

Il y a deux réactions simples à ce film : on l'aime ou on le déteste. Quel bonheur de faire partie de la première catégorie ! Dès la première image où un homme chevauche à cheval une étendue désertique heurtée de reliefs comme surgis de nulle part, le film est visuellement magnifique. Il le sera tout du long. Je ne m'étends pas sur ce fait, c'est splendide.

Alors qu'on était loin de s'y attendre, Pedro place son aventure gay, son histoire d'amour impossible dans un genre étonnant : le western. Tout y est, le saloon, la ville presque fantôme, le shérif étoilé, le soleil accablant, la poussière, les chevaux et les grands espaces. Quant aux deux héros à la virilité éclatante, ils sont deux hommes romantiques, sentimentaux, dépassés par leur sensualité et l'attraction irrépressible qui les pousse l'un vers l'autre. C'est d'une beauté et d'une douceur !!!

Comme dans Le secret de Brokeback mountain d'Ang Lee que je ne rechigne pas à évoquer tant il est la référence en matière de western queer et auquel il est difficile de ne pas penser, l'un des deux hommes a le dos brisé par trop de chevauchées et l'histoire d'amour qui les lie est follement émouvante. La toute dernière réplique est elle bouleversante. Et contrairement à tout ce que l'on peut dire de grand nombre de films actuels, la grande frustration vient de la durée du film. Il s'achève alors qu'on aimerait connaître la suite qu'il ne nous reste qu'à imaginer...

L'art de Pedro est de mettre dans les bras l'un de l'autre deux acteurs que l'on attend pas forcément là et qu'à aucun moment ce ne soit ridicule ou déplacé. L'art des deux acteurs est de rendre leurs regards et leurs caresses torrides et touchants.

Prenez le temps d'écouter la BO. Alberto Iglesias, complice de Pedro depuis 12 films a encore frappé TRES fort.

Et une merveilleuse chanson de Caetano Veloso.

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LA VOIX HUMAINE de Pedro Almodovar ***

Avec Tilda Swinton

Une femme seule avec son chien dans un appartement. Les deux tournent en rond fébrilement. La femme parce que son amant la quitte après quatre années de bonheur. Il doit venir chercher toutes ses affaires qu'elle a préparées pour lui. Elle l'attend depuis trois jours. Le chien quant à lui renifle les valises et ne comprend pas l'absence de son maître.

Lorsqu'enfin le téléphone sonne, la femme entame un long monologue où elle explique à son homme son état d'esprit, sa résignation, sa compréhension. Elle ment et finit par laisser toute la place à sa véritable humeur. On frôle la folie. Et c'est magistralement interprétée par une Tilda Swinton seule en scène (le dispositif devient théâtral, je vous laisse découvrir comment), qui change de toilette (toutes magnifiques) toutes les trois minutes et semble nous murmurer à l'oreille que ce n'est pas une bonne idée de rompre avec elle alors qu'elle aime encore...

Ce court métrage est l'adaptation lointaine de la pièce de Jean Cocteau du même titre. Comme je ne connais pas cette oeuvre, je ne peux crier au scandale mais il semble que Cocteau aussi parlait d'une femme seule pas ravie de se faire quitter au téléphone.

Dans cet exercice de style, Tilda Swinton est remarquable. Capable d'alterner les humeurs, les émotions, de modifier sa voix, de déambuler nerveusement, de manier la hache maladroitement... l'actrice magnifique s'est admirablement glissée dans un appartement aux couleurs très almodovariennes et partage avec nous les difficultés d'être une actrice de plus de cinquante ans.

A noter que le générique de début est une merveille visuelle ainsi que l'affiche (fait rarissime).