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LE LIVRE DES SOLUTIONS

de Michel Gondry ***(*)

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Avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Frankie Wallach, Francoise Lebrun, Vincent Elbaz

Parce qu'il est lâché par ses financiers, Marc décide de quitter Paris et embarque les rushs de son film inachevé, ce qu'il peut de matériel et son équipe, relativement réduite, chez sa tante dans les Cévennes pour terminer le film et son montage.

Arrivé sur place, il s'empresse de jeter dans les toilettes (comme cela se fait dans les films) tous les médicaments qui lui ont été prescrits. Il est persuadé que ces comprimés lui ramollissent le cerveau. Nul doute, Marc est atteint de ce mal diabolique et dévastateur (la bipolarité) qui lui fait répondre à la question anodine :

- "comment vas-tu ?"

- "je me sens triste le matin et manipulé l'après-midi".

Et rien que cette réplique agit (sur moi) comme un appel au secours et me donne l'envie de prendre la personne atteinte dans mes bras pour la bercer et tenter de la consoler, la rassurer. Le livre des solutions n'est pas la comédie débridée à laquelle je m'attendais. Evidemment j'ai souri parfois mais n'ai jamais éclaté de rire comme les autres spectateurs présents dans la salle. Car Michel Gondry et son double de cinéma Pierre Niney ont réussi comme rarement à faire s'exprimer toute la détresse et la difficulté à vivre de ces personnes qui alternent les périodes de profond abattement avec celles où l'énergie est incontrôlée et incontrôlable. D'autant plus lorsqu'il s'agit d'un créateur aussi inventif qui ne parvient pas toujours à faire coïncider sa créativité avec les contraintes bassement matérielles. Mais où est le scoooooootch ? Est-ce que le livre des solutions qu'il entreprend de rédiger va enfin l'aider à trouver des réponses ?

Mégalo et en surchauffe permanente, Marc ne cesse de créer, changer d'avis, bricoler, rafistoler et surtout refuse obstinément de s'atteler à la vision de son film (qui dure 4 heures...) pour en valider le montage. Pour son entourage, Marc est absolument invivable. Mais il a la chance d'être entourée par trois femmes qui l'aiment sans concession et ont développé à son égard des trésors de patience infinie. Que ce soit sa tante, la douce Françoise Lebrun, sa monteuse, Blanche Gardin ou sa directrice de production, Frankie Wallach (la super actrice des "pubs" EDF), qu'il les empêche de dormir, les réveille la nuit, les harcèle, les bouscule, les juge sévèrement... le réalisateur ne s'épargne aucun comportement pénible et insupportable mais aucune ne lui résiste et si elles exigent parfois des excuses pour ses comportements injustes, elles n'abandonnent jamais ce zébulon insupportable et attachant, le soutiennent et tentent sans succès de le rassurer. Ces relations sont particulièrement touchantes.

Constamment inventif (malgré une petite déviation inutile vers la rom-com), le film ne cesse de surprendre, invite une star (très jolie scène) et culmine dans cette scène où Marc évince avec sa méthode inimitable un chef d'orchestre et se met à composer lui-même et en direct la partition du film. Ce moment est un sommet. Une pure folie dans laquelle Pierre Niney met toute sa fantaisie et son énergie. L'acteur parfaitement à sa place a trouvé la parfaite façon d'incarner ce personnage ingérable entre spleen existentiel et énergie débridée. Sans en faire trop, sans jamais dépasser les bornes, il rend Marc aussi insupportable que terriblement attachant.

Artisanal et mélancolique le film s'achève sur une image bouleversante qui s'imprime durablement sur la rétine et exprime la fébrilité que peut ressentir un artiste, ici un réalisateur, au moment de livrer son oeuvre au public. Moment d'autant plus délicat si l'artiste en question est un hyper sensible inquiet qui bricole un cinéma funambule...

Commentaires

  • Bonjour Pascale, ne pas confondre Danièle Lebrun (qui n'est pas dans le film) et Françoise Lebrun (qui, elle, joue dans film) Je ne l'ai pas encore vu. Bonne après-midi.

  • Bonsoir dasola.
    Merci, je rectifie.
    Il faut voir ce film:-)

  • Je note qu'il faut le voir. Et un brin de fantaisie ne peut pas faire de mal dans ce monde de brutes.

  • Je pense que tu aimerais.
    Cela parle quand même de difficultés à vivre...

  • Assurément, LE film de la semaine. Et ton très beau texte me donne raison. J'avoue, j'avais un peu décroché de la filmo de Gondry, un peu lassé de ses délires bricolo-poétiques sans queue ni tête. Je ne suis pas allé voir "l'Ecume des Jours". Là, je me suis pleinement éclaté, j'ai ri très fort à certaines répliques ("dans tous les villages y a un mec qui essaie de faire un disque", j'adore), j'ai tremblé quand il s'en prend à Sylvia. Pierre Niney, on peut le dire sans galvauder le mot, est exceptionnel. Françoise Lebrun, Blanche Gardin, Frankie Wallach (une découvert pour ma part), sans oublier Carlos et son t-shirt de Zappa, tous au diapason. Et ce plan de fin reste dans la tête durablement.
    Je me commande illico "Microbe et Gasoil" et "l'épine dans le coeur".

  • Je n'ai jamais ri très fort pour ma part. Les répliques de Pierre Niney (exceptionnel nous sommes d'accord) sont toujours teintées d'une extrême mélancolie.
    Pas vu L'écume des jours ? Ce film y est pourtant rattaché car c'est au cours de ce film que Gondry voulait disparaître... et que sa bipolarité a été diagnostiquée. Il faut dire que fabriquer un pianocktail avait de quoi effrayer un producteur.

    Tu n'as vu aucune pub Edf ces derniers mois ??? Actuellement il y a Florian Manaudou et l'incroyable Frankie.

  • Ah celle-là ! ça y est, je l'ai en tête maintenant. Je n'avais pas du tout imprimé la fille du spot.

    Le dernier Gondry que j'avais beaucoup aimé, c'était "Be kind, rewind". Date pas d'hier.
    Concernant le trouble psy durant le tournage de "l'Ecume..." j'ai lu ça en effet. Le film à l'époque ne me tentait pas trop. Je n'avais pas adhéré plus que ça à "la science des rêves", et ça me semblait être taillé dans le même carton.

  • Je la trouve géniale cette fille. Et ce nom de star !!! Frankie Wallach. J'adore.

    Je ne me souviens plus de La science des rêves mais de l'Ecume des jours, oui. Le livre est un tel chef d'oeuvre, madeleine d'ado que je ne pouvais rater le film. Gondry s'en sort très bien. Et je me souviens d'un film plutôt désespéré, comme le roman. On demande beaucoup à Gondry de toujours faire la même chose mais chaque film est différent. Evidemment Eternal sunshine... est le sommet.

  • J'ai entendu beaucoup parler des circonstances de création de ce film, et je n'ai pas pu m'empêcher d'éprouver une profonde tristesse pour le personnage qui n'est autre que le double de gondry, assez recemment diagnostiqué bipolaire. Quelle maladie ... elle touche souvent des esprits très brillants, mais font de leurs vies des parcours très difficiles. Et pour leurs proches ... A part la rom com que j'ai moins aimé aussi, j'ai trouvé ce film plein de trouvailles, très subtile et aussi très joliment drôle.

  • Oui c'est terrible d'être dans cet état... alternatif
    Je comprenais mal les gens qui éclataient de rire.
    Pour l'entourage c'est invivable, pour le malade c'est une souffrance. Quand il dit triste puis manipulé... ça me fait une de ces peines ! Niney a bien retranscrit cet état.

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