ACIDE
de Just Philippot ****
avec Guillaume Canet, Patience Munchenbach, Laetitia Dosch, Suliane Brahim
Selma est une ado ronchon qui semble avoir mal supporté le divorce de ses parents Michal et Elise.
Elle vit près d'Arras avec sa mère à qui elle reproche de l'avoir "placée" dans un internat où elle suit une formation autour de l'élevage équin. Quant à son père, il s'est rendu tristement célèbre lors d'une grève dans son usine au cours de laquelle il a tabassé son patron. La scène a été filmée, tourne sur les réseaux sociaux et Michal porte un bracelet électronique pour quelque temps. A cause de cet "exploit" Selma fait l'objet de moqueries de la part de ses camarades gloussantes et finalement réagit comme son père, par la violence.
Lorsque des pluies acides se mettent à tomber à l'autre bout du monde, l'info tourne en boucle aux infos. Lorsqu'elles atteignent la France, l'heure est à la réaction urgente. Par un concours de circonstances, Selma se retrouve avec ses deux parents pour tenter de gagner l'Est qui pour l'instant est épargné de l'orage dévastateur. Le couple séparé garde beaucoup de rancoeur, d'hostilités et de reproches l'un vis-à-vis de l'autre et Michal a surtout envie de rejoindre son nouvel amour Karin, hospitalisée en Belgique. Le réalisateur nous épargne donc le couplet sur la famille idéale en mode survie, l'improbable réconciliation dans l'adversité. Michal a vraiment envie d'être ailleurs et le dit à Karin au téléphone lorsque les communications sont provisoirement rétablies "c'est avec toi que je veux être". Les rencontres au cours du périple de tous les dangers ne seront également pas forcément des modèles d'empathie et de solidarité. Les banalités, les clichés et les réactions attendus sont donc écartés et cela donne un film dingue à la tension croissante avec deux scènes en particulier absolument sidérantes qui m'ont fait m'enfoncer dans mon fauteuil et mettre une main devant la bouche pour ne pas crier.
C'est donc par l'eau dont on risque de cruellement manquer dans les années à venir que le réalisateur choisit d'évoquer une forme de fin du monde. Cet élément le plus indispensable à notre survie sera donc inapprochable et cramera tout sur son passage, rongeant la tôle des voitures comme la peau des humains, s'infiltrant peu à peu dans les logements pour les grignoter lentement mais inexorablement. Fuir semble être l'unique solution mais pour combien de temps et pour aller où ? Just Philippot pétri d'un pessimisme abyssal ne propose pas un film à solutions. Il ne cherche pas à livrer des alternatives à une catastrophe écologique inéluctable. Il anticipe le carnage à venir. Le film est un film de survie sans alien ni guerre totale avec des personnages que l'on peut taxer d'égoïstes car leur seul objectif est leur propre survie mais très réalistes je trouve malgré (ou à cause de) leur individualisme forcené. Si le réalisateur est misanthrope il propose simplement aux humains de crever sous la pluie mais chacun pour soi. C'est un point de vue qui donne un film à la fois spectaculaire, anxiogène où la tension est parfois proche du cauchemar.
Il faut donc solidement s'accrocher, avoir les nerfs solides pour suivre la fuite éperdue de cette famille pas idéale du tout. Les effets spéciaux sont remarquables et les deux scènes évoquées plus haut restent fixées dans l'esprit. Celle que j'appellerai la scène du pont, presque semblable à celle de La guerre des mondes, mais je dirais que Just Philippot (et Just c'est son prénom... pardon) va encore plus loin que Spielberg, est un sommet de tension et absolument bouleversante. A égalité avec celle de l'engin de chantier où se retrouve perchée Selma et offre une scène de courage et d'abnégation démente à Guillaume Canet. Terrible et bouleversante également.
La réalisation, les effets spéciaux, tout m'a semblé parfait dans ce film. Et l'interprétation également. Les trois filles Laetitia Dosch, Patience Munchenbach et Suliane Brahim sont vraiment bien. Mais celui qui est époustouflant ici c'est Guillaume Canet. Son personnage, pas vraiment sympathique, pas très bon père qui huuuuuurle "ferme-la" à sa fille dans un moment particulièrement difficile, facilement colérique voire violent, à la fois terriblement efficace puis totalement démuni dans l'urgence est sans aucun doute son meilleur rôle à ce jour. Il est solide, perdu, rassurant, agaçant, émouvant, vraiment très, très impressionnant jusque dans les intonations de sa voix.
Je n'ai pas vu le premier film très bien accueilli de ce réalisateur "La nuée" (les insectes qui font scritch scritch, j'ai pas pu), mais je crois que je vais me faire violence...
Commentaires
Je n'aurais pas pensé avoir envie de voir ce film-là, mais voilà, ce que j'en entends et que j'en lis va me faire craquer je le sens.
C'est TRÈS surprenant. J'avais un peu la même sensation que toi.
c'est une blague ?
Après un premier film hyper prenant et réussi, J. Philippot( un peu comme J.J. Abrahms ?? ) a pondu cette mocheté !!
Canet ( je fais la gueule pendant une heure trente..... il devait cogiter sur son Astérix), Bosch( bien dans tous ses films sauf là... pas de direction d'acteurs peut-être ? ) et Patience ( patience, patiente un peu en prenant des cours de théâtre par exemple) font le minimum dans cette noyade sans espoir !!!
Les spectateurs dans la salle étaient autant gênés que moi... Nous aurions du tous ensemble retourné voir Barbie parce que là .... voir Acide et mourir !
j'oubliais dans ta critique: s'accrochez madame oui s'accrochez pour mériter le générique de fin et l'ouverture des portes libératoires
Je n'ai pas vu son premier film. J'espère y remédier.
Guillaume, Laetitia et Patiente n'ont pas vraiment de raisons de ne pas faire la gueule. J'ai aimé qu'ils ne soient pas "lisses" et que le réalisateur nous épargne la famille idéale et les moments de "comédie" où l'on rit malgré les circonstances.
Je n'ai pas fait de sondage sur les personnes autour de moi...
Rien ne t'empêchait de sortir avant la fin. On ne t'a pas dit que les portes n'étaient pas verrouillées. Moi en général, j'essaie de ne pas m'infliger ce genre d'épreuve.
J'ai trouvé un peu excessive la 1ere scene dans l'usine. Trop violente pour moi. Mais elle permet un peu de nous faire connaître la personnalité du personnage principal.
Avec peu de moyens le réalisateur arrive à mettre en place une situation catastrophique qui nous tiens en haleine et moi ausi j ai été happé par ce film catastrophe où les protagonistes antipathiques et égoïstes changent des héros que l'on rencontre souvent dans ce genre de film.
Oui franchement les héros et les familles parfaits on n'en peut plus.
Ici c'est chacun pour soi. Cela me paraît plus réaliste. Et il y a des scènes très fortes.
J'ai adoré la nuée, autant qu'il m'a perturbée. Mais d'acide j'avais entendu surtout de mauvais échos, voire très mauvais. Du coup, ta critique me donne envie d'aller voir par moi-même ! J'espère en avoir le temps.
J'espère voir La nuée maintenant parce que pour moi ce film est de grande qualité.
Un film qui fait l'unanimité c'est rare.
rien de bien neuf dans le genre, et trop d'incohérences comme la gomme des pneus ou les semelles anti-acides...
L'aluminium ne me semblait pas une mauvaise idée.
Les sauterelles sont passées par Arte il y a peu mais je ne les ai pas attrapées.
J'aurai peut être plus de chance de me doucher à l'Acide. On verra.
Je pense d'abord me mettre à l'abri dans le tribunal de Cédric Kahn.
Ratées volontairement parce que les sauterelles me faisaient peur. J'espère le voir un jour.
L'aluminium est venu bien tard... Et il n'y en avait pas pour les pneus...
Il a préféré protéger les pieds de sa fille que les pneus de la voiture.
Mais je sais, quand on aime pas un film on lui trouve tous les défauts même (surtout) dans les détails.
J'ai aimé ce film de genre pas très politiquement correct, qui n'hésite pas à présenter un avenir non radieux, y compris dans les scènes familiales. La séquence du pont est effectivement une grande réussite dramaturgique. En revanche, je trouve la fin (avec notamment l'engin de chantier enlisé) décevante, convenue. (Mais cela cadre avec le projet du réalisateur, pour qui le véritable cœur de l'histoire est la relation père-fille.) Guillaume Canet est très bon dans un type de rôle dans lequel on ne le voit pas souvent.
Ah j'ai bien aimé cette fin moi. Et contrairement à ce que j'ai lu où les gens s'insurgent que le personnage ne soit pas particulièrement sympathique, j'ai trouvé cela plutôt audacieux et une vraie nouveauté (au cinéma) que le gars veuille avant tout sauver sa fille et son ex femme. La scène où il expédie un gars hors de la voiture est représentative de son état d'esprit.
La scène du pont est formidable. Tom Cruise s'il la voit va engueuler Steven...
Guillaume Canet est épatant dans ce rôle. Oser dire : "c'est avec toi que j'ai envie d'être" alors que sa fille est à côté, je trouve ça formidable (dans le genre audacieux).