COUP DE CHANCE
de Woody Allen ***
Avec Lou de Lâage, Melvil Poupaud, Niels Schneider, Valérie Lemercier et plein d'acteurs franco français qui viennent faire coucou, alors coucou les acteurs français !
Fanny et Jean sont parfaitement embourgeoisés dans un appart XXL des quartiers chics de Paris, même si Fanny d'un milieu plus modeste, hésite un peu à porter les bagues trop voyantes et hors de prix que son très amoureux époux lui offre régulièrement.
Mais Fanny qui ne cherche que paresseusement à comprendre si les activités professionnelles très lucratives de Jean sont toutes bien légales, se laisse finalement bercer dans ce cocon douillet où elle est considérée et traitée comme une princesse. Jusqu'au jour où elle croise la route d'Alain (appréciez les prénoms !) qui était amoureux d'elle au lycée et n'avait jamais osé lui avouer ses sentiments. Après plusieurs rendez-vous inoffensifs et sans conséquence les deux jeunes gens cèdent à leur attirance réciproque. Comment cacher la liaison à Jean ? Ce dernier va-t-il la découvrir ?
J'ai eu peur en entrant dans le ciné, en prenant mon billet, quand la lumière s'est éteinte et que n'a pas retenti un doux son jazzy familier mais une BO, jazz certes, mais contemporain plus difficile aux oreilles, peur parce que les critiques me semblent hostiles, peur aussi quand le film a démarré et que la première scène et les premiers échangent ont sonné étrangement faux, peur quand j'ai vu Paris (sans voiture ni papier gras ni trottinettes) constamment illuminé d'une clarté automnale jaune orange (Vittorio Storaro est fatigué ?), les feuilles mortes et la pluie c'est tellement (CHIANT, même à Paris, même à Venise, PARTOUT) romantique, peur en voyant les costumes improbables (blazer bleu marine à boutons dorés pour Lou (elle est très riche), veste en velours côtelé pour Niels (il est très pauvre bien que son studio mansardé donne sur l'avenue Montaigne) et plus tard les pauvres gilets sans manches tricotés mains de Valérie Lemercier (ranafout' du look), peur en découvrant l'appartement de grands bourgeois de Lou et Melvil qui se déplacent dans la capitale en voiture avec chauffeur, ont une bonniche, constamment un plumeau à la main qui balance des "monsieur est sorti", variante "madame n'est pas rentrée" et s'entend commander des "vous servirez un cognac à Monsieur"... Bref, j'avais peur d'être d'accord avec ce genre d'affirmations inrockuptiblesque : "désolant de constater l’état de dégradation de l’œuvre de l’auteur de “Manhattan”. Et puis...
Et puis, après un petit quart d'heure d'adaptation où j'étais ratatinée de terreur dans mon fauteuil à l'idée de ne pas aimer ce film, je me suis redressée et ai entendu gazouiller à mon oreille, une douce et savoureuse musique allénienne qui n'a cessé de se confirmer et se concrétiser à mesure que le film progressait jusqu'à un épilogue délicieusement cruel. Imaginez bien que je ne suis que joie et allégresse de me placer du côté de ceux qui trouvent que Woody Allen n'a rien perdu de sa fantaisie décalée et de son imagination déchaînée. Je l'affirme avec une grande satisfaction, le réalisateur sait encore et toujours nous raconter une histoire, bifurquer progressivement de la banale comédie sentimentale adultérine vers le polar teinté de masculinité toxique où les hasards et les coïncidences tiennent une place centrale. Et l'ironie du titre apparaît tardivement...
Evidemment je rêve que Woody retourne (dans tous les sens du terme) à Manhattan pour conclure sa si prestigieuse carrière, qu'il nous régale encore (puisque nous, français, acceptons encore qu'il le fasse) de ces histoires qui ne nous emmènent pas forcément là où l'on croyait aller, de son humour délectable, mais ce cru allénien qui lorgne gentiment du côté du merveilleux Match Point, est bien plus que fréquentable.
Légèrement désuet, il est indéniablement un hommage rendu aux polars français des années 50 et 60. Et si les compositions de Lou de Lâage ravissante et naïve, Niels Schneider séduisant et crédule, Valérie Lemercier très à l'aise (et très Diane Keatonesque) en agitatrice du quotidien plan plan, c'est bien Melvil Poupaud qui renverse la table avec son interprétation mielleuse, hypocrite et inquiétante de Jean. Passionné de modélisme, de campagne, de dîners mondains, de chasse aux cerfs, éperdument amoureux de sa jeune femme trophée, jaloux et envahissant, il ennuie tout le monde mais manipulateur (et très riche), personne ne lui résiste. L'acteur fait une nouvelle fois la démonstration d'une interprétation nuancée mais irrésistible d'un humour pince sans rire voire involontaire. Ses rencontres avec des truands envers lesquels il n'est pas ingrat sont absolument désopilantes mais chacune de ses interventions et apparitions instille le malaise, le doute et l'inquiétude tout en provoquant le sourire. Il suffit de voir sa tête sur l'affiche :-)
Commentaires
Et voilà, nous avons succombé aussi au charme de ce "sous" Match Point... plein de clichés (oui, l'appartement romantique sous le toit, la Parisienne chicissime etc.) Mais on a l'impression que Woody s'amuse et nous aussi on s'est bien amusées en voyant arriver les tueurs. Et c'est vrai, Melvil Poupaud est tout simplement formidable. Alors pourquoi se priver d'un bon moment ?
Je crois aussi que tout ce qui fait too much est parfaitement voulu.
S'il n'y avait qu'une raison de voir ce film, ce serait Melvil, mais plus les jours passent plus je le trouve formidable.
Un petit tour pour savoir où en est ma boussole. Tiens justement ce film là j’ai envie de le voir et il passe cette semaine chez moi. À plus donc pour un autre petit message
Comme un phare dans la nuit :-)
J'ai aimé et suis contente d'avoir aimé.
Je crois que tu es le premier avis positif que je lis sur ce film ... Pourquoi pas, mais j'ai d'autres priorités avant celui-là.
Ça se passe chez les chicos mais c'est drôle car les aspects "vulgaires" de la caste sont bien moqués.
Je me suis bien amusée.
Pour être honnête, ça fait un bout de temps que j'ai arrêté de regarder Woody... Et même si il y a Melvil !
Ah dommage, Melvil vaut le détour :-)