UNE ANNÉE DIFFICILE
d'Eric Toledano et Olivier Nakache **
Avec Pio Marmaï, Jonathan Cohen, Noémie Merlant, Mathieu Amalric, Grégoire Leprince Ringuet, Luàna Bajrami, Danièle Lebrun
Bruno et Albert sont en galère. Le premier a été quitté par sa femme et est en passe de perdre son logement. Le second survit grâce à son boulot de bagagiste dans un aéroport (où il dort) et des petites magouilles.
Au début du film, ils ne se connaissent pas et se rencontrent par le biais d'une transaction foireuse. Ils ont ce point commun d'être tous les deux dramatiquement surendettés et comme il s'agit de Pio Marmaï et Jonathan Cohen, le timing comique est calibré au petit poil, on peut leur faire confiance.
Par inadvertance ils entrent dans une association de militants écologistes. Albert tombe instantanément amoureux de Valentine la cheffe écolo et Bruno qui a toujours faim et n'a plus de logement sent bien qu'il y a moyen d'assouvir ses penchants pique assiette et squatter. Ils se mettent à participer aux manifestations et diverses actions du groupe et c'est la première chose qui coince dans ce film. On ne saura jamais si au-delà du fait de tomber amoureux pour l'un, d'être un profiteur pour l'autre, ils vont réellement évoluer vers une conscience politique (n'ayons pas peur des mots). A mon avis non, ils restent des crétins jusqu'au bout. Cela peut être drôle, mais pas toujours, vraiment pas. Le comique de répétition fait parfois lever les yeux au ciel : le double sens de "est-ce que tu veux t'engager" (politiquement ou amoureusement ?) ou le "je te hume" répété quinze fois au lieu de "je t'aime". Au bout d'un moment on a envie de dire : c'est bon les gars, on a compris. C'est pourtant la scène du "je te hume" qui m'a provoqué la plus grande (le mot est fort) et belle surprise car Jonathan Cohen y démontre un talent pour le drame et l'émotion inattendu.
Et pourtant ça commençait vraiment bien. En pré-générique et en guise de préambule défilent, droits comme des piquets dans leurs bottes, tous nos chers Présidents de la République de 1969 Pompidou jusqu'à Macron, en passant par Giscard, Chirac, Mitterrand et Hollande. Tous sans exception nous ont prédit au moment des voeux annuels, une année difficile. On ne peut pas dire qu'on n'était pas prévenus. S'ensuit une scène absolument hallucinante que j'ai trouvée très flippante. Le jour du Black friday annuel, des citoyens qui ont l'air tout ce qu'il y a de plus ordinaires attendent l'ouverture d'un magasin que quelques militants écolos essayent d'empêcher. La police intervient, le magasin ouvre et les citoyens que je pensais ordinaires se transforment en une horde de sauvages qui se jettent sous les grilles pas encore complètement ouvertes, se ruent dans le magasin, se battent pour se saisir de tel appareil électro ménager ou du dernier écran plat. Est-ce que cette scène reflète la réalité ? J'espère que non mais je crains d'être naïve.
ATTENTION JE SPOILE. MÊME PAS HONTE.
A partir de ce démarrage en fanfare, les réalisateurs ont dû décider de mettre un gros coup de frein au film et d'y aller mollo jusqu'à un final où ils trouvent la solution au dérèglement climatique, à la surconsommation, au surendettement : un bon petit confinement, tout le monde reste chez soi, les pigeons et un cerf majestueux (un cerf est toujours majestueux non ?) se promènent dans Paris et on peut danser une valse à mille le temps (après avoir signé son attestation de sortie ou pas ?) sur un pont, sous les applaudissements à 20 heures !!!
Peut-on rire de tout ? Sans doute (sauf la maladie, j'ai du mal) mais est-ce vraiment le bon moment pour faire des écolos une petite bande d'illuminés, naïfs pour ne pas dire couillons jusqu'à l'over dose ? Emmenés par une cheffe (Noémie Merlant, toute en gencives), une "mademoiselle de" qui vit dans un 800 m² en plein coeur de Paris, mais sans chaises ni table car il faut être cohérent et si un objet entre dans l'appartement, il faut qu'un autre en sorte, le groupe s'affuble de petits pseudonymes tels que Cactus, Poussin, Lexo (mais c'est provisoire), Qinoa, Sirène ou Antilope... L'association regroupe tout ce qu'il y a de caricatures de bobos, écolos, anticapitalos et nos deux surendettés qui ont vu de la lumière et sont entrés. Le film manque de subtilité et traite le surendettement de façon complètement farfelue avec scènes au Tribunal ou dans une commission où Henri (Mathieu Amalric) essaie par le biais d'une association d'aide aux surendettés de les défendre. Mais il est lui-même atteint d'une addiction : le casino. Tout cela devrait être très rigolo et les surendettés apprécieront sans doute qu'il suffit (peut-être) de passer du tipp-ex sur le I et le R de son dossier pour devenir RECEVABLE.
Et bien moi tout cela ne m'a pas faire rire. Rien n'est proposé et entre Valentine-Cactus fille de riches qui n'a pas à se préoccuper de la fin du mois mais qui est frigide (notons au passage que l'écologie rend frigide, méfiance) et Albert-Poussin qui n'a aucune solution pour se sortir de sa mouise, le monde continue de tourner ici avec les ultra riches et les ultra pauvres sans que cela défrise cette comédie poussive et mal fagotée qui ne sait pas où elle va et nous mène.
Je n'ai pas aimé non plus le "gag" récurrent, répétitif, poussif aussi de la fille un peu ronde, pas très jolie (mais pas repoussante non plus), plus toute jeune qui tombe amoureuse de Lexo-Bruno et dont on se moque à chacune de ses apparitions. En gros, les belles peuvent tomber amoureuses, les moches : restez chez vous ! Beurcque. Et ce n'est pas la tentative foireuse de réhabilitation finale démontée en une réplique qui peut excuser cela.
Ce qui sauve (vaguement) le film c'est son casting. En tête Jonathan Cohen qui nous livre un peu plus que son show habituel vraiment très drôle avec quelques séquences émotions. Noémie Merlant hérite d'un personnage pas très bien écrit. Sa naïveté finit vraiment par desservir son rôle. Pio Marmaï a un peu tendance à se répéter mais il se répète bien. Et il y a Mathieu Amalric, caïd de la comédie qui parvient malgré des scènes et des gags répétitifs à être vraiment drôle. Et puis Grégoire Leprince Ringuet impressionne dans un rôle très secondaire très mal écrit (quelles sont ses réelles intentions ?). On se demande comment il arrive à se frayer un chemin dans cette abondance de clichés sans nuance et pourtant il y arrive. Chaque fois qu'il apparaît, on ne voit que lui.
Les musiques qui ornent le film sont vraiment super mais je me suis demandée ce que venait faire This is the end des Doors, titre à haute teneur dramatique, ici.
Voilà, à vous de vous faire votre opinion.
Commentaires
Je ne suis pas surprise de ton avis. Les quelques extraits que j'ai vus m'ont paru mal fichus et les dialogues pas drôles du tout.
Il m'a bien agaceece film malgré de rares bons moments.
Malheureusement, la première scène est d'une triste vérité, les gens prêts à marcher sur les autres pour un rabais de 25% sur un écran plat... C'est ça, notre monde.
Par contre, moi j'ai plutôt bien aimé, le film. C'est pas hilarant, ça prête plus à sourire, quelques gags par ci par là. Moi qui ne suis pas adepte (mais alors très peu) des comédies, françaises ou pas, je me suis découvert une grande passion pour Jonathan Cohen. Je ne sais pas ce qu'il a de plus, mais il me fascine, son air perdu...
Bon, j'ai passé un bon moment, mais tu as raison, les Doors, c'était un peu trop dramatique pour la scène... même si je ne boude pas mon plaisir, écouter The End, est toujours un grand moment, comme The Freak...
Ni Jonathan, ni Pio, me semble-t-il, n'acquièrent une conscience écologiste, c'est juste un opportunisme de situation qui les fait traîner dans cette bande de doux illuminés
Cette première scène m'a foutu une angoisse !!! Je ne m'attendais pas à ça.
J'ai moi aussi une grande attirance (je n'irais pas jusqu'à passion) pour Jonathan qui me fait vraiment beaucoup rire. J'aime son tempo, son air ahuri un peu perdu oui comme s'il s'excusait de jouer l'idiot du village.
Entendre The end fut un immense plaisir mais franchement je me demandais ce qu'elle venait faire là cette chanson.
Et je suis d'accord, je pense que les deux urluberlus restent des crétins jusqu'au bout.
Je me suis ennuyée et j'ai détesté cette conclusion bêta.
Je te trouve un peu sévère mais... Je suis d'accord avec toi sur le fond, trop de séquences trop capillotractées, et surtout des militants trop anti-"tout" sans cohérences et souvent en toute contradiction qui empêchent un propos solide et pertinent. Heureusement, le trio d'acteurs est merveilleusement au diapason
Oui je suis sévère, quand je ne sais pas où on m'emmène et que je m'ennuie malgré quelques bons moments, je suis un peu vénère. Jonathan n'a pas suffi. Pio est moins drôle, Noémie, pas du tout.
Je ne suis ni surendetté ni militant écolo extrémiste (le film ironise sur les activistes, mais pas sur leur cause qui, d'ailleurs, conquiert au moins l'un des deux gugusses)... et j'ai souvent ri. Je trouve que Jonathan Cohen sort du lot, aussi bien dans le registre de l'humour que dans celui de l'émotion (en effet, même si la scène durant laquelle il "hume" est trop appuyée, l'acteur est touchant parce qu'à ce moment-là, son personnage baisse le masque).
La vraie leçon du film est qu'il ne faut pas oublier de vivre, un peu à l'image du Brassens prêt à mourir pour des idées... "mais de mort len-en-teux".
P.S.
Malheureusement, la scène du début, qui montre la ruée des consuméristes sur les produits en solde, n'est pas une exagération. Chaque année, on voit des images de ce genre aux informations, même si les scènes de bagarre sont plus fréquentes (davantage médiatisées ?) en Belgique et dans le monde anglo-saxon.
Ironiser sur les militants est (un peu) ironiser sur la cause, c'est très malvenu je trouve.
Un des 2 gugusses conquis ? Je ne trouve pas.
Jonathan Cohen domine clairement l'interprétation et le film. Même dans l'histoire de la fille pas assez jolie pour avoir le droit d'être amoureuse, il se montre plutôt subtil. C'est un incroyable acteur.
Ne pas oublier de vivre, je valide mais avec 84 000 € de dette et sans logement, les réalisateurs ne donnent pas la solution pour la sérénité dans ce cas.
La leçon du film ? Amour et confinement.
Bof.
Et pourquoi pas une bonne guerre tiens, c'est de saison !
PS. : Je suis contente donc de ne jamais regarder les infos.
Pour moi deux niveau de lecture :
1) un film détendant où l'on rit mais sans plus.C'est ce que j'ai fait.
2) un film où si l'on réfléchit, tout est un peu absurde, pas cohérent, trop de banalités écologiques sans aucune analyse, des personnages imbéciles.
J'ai souri et beaucoup apprécié Jonathan Cohen.
Je n'ai pas particulièrement réfléchi :-) mais des personnages aussi crétins (et mal assumés) ça a fini par m'ennuyer.
Pas le meilleur du duo. C est vrai que cela commence en fanfare mais s'essouffle vite.
Très content de voir Danièle en mamie très embarrassée par son chien....
Je le veux le chien :-))))
Voilà ce film rhabillé pour l'hiver, et je ne suis pas étonnée. Et pourtant le duo de réalisateurs, adoubé par la presse, était prometteur... Mais déjà la bande annonce ne me disait rien qui vaille.
Quant aux scènes d'ouverture d'hypermarché que tu décris, elles existent bien hélas, on a même vu la même chose pour des pots de nutella vendu à moitié prix... Triste monde...
Je réalise en parcourant mon blog qu'à part Hors normes, je n'ai jamais aimé les films de ces réalisateurs. Pourtant j'aime rire, mais il ne m'amuse pas.
ah oui maintenant que tu en parles, sans les avoir vues, je me souviens qu'il y avait eu des émeutes pour du Nutella !