LE TEMPS D'AIMER
de Katell Quillévéré ***
Avec Anaïs Demoustier, Vincent Lacoste, Paul Beaurepaire, Dylan Hawkes, Morgan Bailey
Madeleine et François se rencontrent fortuitement sur une plage bretonne.
Il est étudiant et issu d'une famille riche. Elle est serveuse dans un hôtel restaurant où elle vit avec Daniel son petit garçon. Ils se revoient et Madeleine révèle immédiatement à François que son fils est né de sa liaison éphémère avec un officier allemand, qu'elle a été tondue à la Libération et que ses parents l'ont chassée. Rapidement ils se marient, François rédige une thèse, adopte Daniel.
Les premières images (inédites) du film reprennent des archives d'époque et montrent le calvaire physique et moral qu'ont subi "les poules à boches" par les comités départementaux de libération sous les ovations de la foule. Si elles sont insoutenables, la réalisatrice a été bien inspirée de ne pas avoir essayé de les reproduire sous forme de fiction. La scène suivante nous montre Madeleine tentant d'effacer la croix gammée qui a été peinte sur son ventre arrondi. Seule, elle s'occupe matériellement de son fils mais lui refuse toute l'affection qu'il réclame, un bisou le soir alors qu'elle le laisse seul pour aller travailler, un voeu dans une église pour qu'elle l'aime enfin. La présence constamment implorante du petit Daniel est un crève-coeur. On a même l'impression qu'elle ne serait pas contre sa disparition lorsqu'à plusieurs reprises il s'approche dangereusement de l'eau. Chaque fois il est sauvé in extremis dont une fois par François qui vient démentir la crainte de Madeleine de ne pas avoir droit au bonheur.
Dès l'union de François et Madeleine, la réalisatrice déroule le récit de l'histoire d'un couple, une histoire d'amour presqu'ordinaire qui traverse l'après-guerre, les années cinquante puis soixante. Les sincères moments de partage, de joie et les autres plus cruels et tristes où l'on craint constamment qu'une catastrophe ne survienne. Car on le sait, et Madeleine finit par le comprendre, François aussi cache un secret, inavouable à cette époque où l'homosexualité est encore un délit. Le poids de leur culpabilité respective ne cessera de peser sur leur relation avec au milieu un enfant, puis un autre et malgré tout ce qui le sépare, le couple ne cessera de se soutenir et de s'aimer. A leur façon. Car l'amour, Katell Quillévéré le démontre, a plusieurs visages et mille façons de s'exprimer. Elle s'appuie pour l'explorer sur une partie de son histoire familiale, la découverte que sa grand-mère qui n'en a jamais parlé a eu un enfant d'un officier allemand, le reste est le fruit de son imagination qui a envisagé l'histoire de ce couple.
Le film est inégal, trop long malgré des ellipses qui perturbent un peu la cohérence, très linéaire, les scènes de sexe beaucoup trop nombreuses et interminables, certains personnages disparaissent (Nicolas, Jimmy) sans laisser d'adresse et il manque selon moi le lyrisme et l'émotion, alors que le romanesque de l'histoire aurait dû nous emporter et nous bouleverser.
Mais il reste dans ce film deux acteurs absolument magnifiques dans des rôles beaucoup plus "adultes" que ceux qu'ils ont eus jusqu'ici. Anaïs Demoustier avec son personnage accablé mais pas immédiatement sympathique bien qu'on lui accorde toute l'empathie du monde. Et surtout Vincent Lacoste, d'une sensibilité, d'une finesse, d'une douceur qu'on ne lui connaissait pas. Mais cet acteur de plus en plus magnifique devrait cesser de (me) surprendre. Il est chaque fois un peu plus étonnant.
Et puis, il y a une révélation, le jeune Paul Beaurepaire dans le rôle de Daniel (jeune adulte). Il est d'une justesse exceptionnelle et la réalisatrice s'attarde un peu sur lui mais son personnage et son interprétation auraient mérité encore bien plus d'attention, car le grand sacrifié de l'histoire, c'est lui.
Commentaires
J'ai écouté la réalisatrice hier sur F.I. et ça donnait envie d'y aller. L'histoire sort des sentiers battus. Malgré les défauts que tu évoques, je suis toujours tentée.
Oui ce film est à voir.
La grande émotion je l'ai enfin eue... au Japon ♡♡♡♡
Telerama l'a classé dans son top! La BA me disait pas tellement, mais si j'ai le temps j'irai peut-être.
Il ne sera pas dans mon top. Il y a quand même de grosses faiblesses mais un grand Vincent Lacoste.
Coucou Pascale :) Je l'ai vu ! J'ai bien aimé mais en effet, pas un film à se retrouver dans mon top.
Bonjour Aurore, Je n'ai pas aimé les deux parallèles au début et à la fin où Madeleine est chauve... Douteux non ?
D'accord avec toi, un joli film, même si je trouve que le secret de l'un vampirise un peu celui de l'autre, les images d'archives sont alors un procédé un peu racoleur. Mais ça reste un mélo qui ne peut laisser indifférent, un bon moment
Ce qui aurait été racoleur aurait été de retourner ces scènes à la place des images d'archives.
Mais mettre en parallèle Madeleine chauve au début et chauve à la fin est LA GROSSE erreur.
J'en sors tout juste. Je suis allée le voir parce que le premier tiers du film est tourné dans ma ville, Dinard. Et puis j'aime bien Anaïs desmoutier.
Oui c'est très bien joué, mais je rejoins pas mal ton avis. Que de longueurs, que de froideur... Les scènes de sexe m'ont mises très mal à l'aise, un peu plus d'implicite aurait été bienvenue.
En fait, c'est le tout début et la toute fin qui m'a touchée, et la vie de ce pauvre Daniel m'a été insoutenable.
Ah les bords de mer... J'en suis si loin et cela me manque !
Comme je le dis dans d'autres commentaires, en plus des faiblesses et lourdeurs du film, je trouve douteux de mettre en parallèle au début et à la fin le fait que Madeleine soit chauve.
La vie cauchemardesque de Daniel est un crève-coeur, hélas le pauvre est oublié autant de ses parents de cinéma que de la réalisatrice. En gros : film à refaire :-)
J'ai beaucoup aimé le film jusqu'à la disparition de Jimmy. Après j'ai eu l'impression qu'il y avait parfois de la haine entre eux... Et surtout pas trop compris le grand rapprochement qui donne naissance à la petite fille... Daniel (très beau prénom) jeune adulte est vraiment très bien interprété et les deux acteur principaux de même.
Les ellipses sont assez insupportables dans ce film je trouve. Apparemment après le départ de Jimmy, ils ont pris un rythme plan plan de couple "ordinaire".
Daniel est un prénom hors du commun en effet :-)
J'ai revu l'excellent Paul Beaurepaire dans le nullissime Vénus d'argent. Il était encore très bon dans un rôle de connard.