SOUDAIN SEULS
de Thomas Bidegain ***(*)
Avec Mélanie Thierry, Gilles Lellouche
En couple depuis 5 ans, Ben et Laura font le tour du monde en bateau. Avant la prochaine escale à Puerto Eden, Ben souhaite faire une halte sur une île sauvage de l'Antarctique.
Lorsque l'on fait la connaissance de Ben et Laura, ils sont déjà bien avancés dans leur périple et la navigation semble ne plus avoir de secret pour eux. Ils "barrent" à tour de rôle et Laura passe beaucoup de temps en cabine à la rédaction d'un mémoire qui, on le saura plus tard, lui permettra d'obtenir un poste qu'elle convoite à Genève. Parfois ils entendent le chant des baleines qui restent invisibles à leurs yeux.
Lorsqu'ils accostent sur la petite île isolée, déserte, le spectacle est somptueux malgré un environnement aride et particulièrement inhospitalier. La balade s'éternise et la météo change brusquement. Un violent orage éclate, ils n'ont pas le temps de rejoindre le bateau. Il s'abritent pour la nuit dans une "baleinerie" (l'endroit où l'on dépeçait les baleines) en ruines. Au matin, la mer est redevenue calme mais le bateau a disparu. La violence de la tempête l'a sans doute emmené vers le fond. Le moment de panique passé, Ben et Laura explorent l'île et décident que les secours mettront sans doute environ dix jours à les retrouver. En attendant, il faut survivre au froid, c'est l'hiver, à la soif et à la faim. Après avoir rafistolé un abri, ils découvrent que l'île est plus vaste qu'il n'y paraît, un gros caillou avec des sommets enneigés qu'on ne peut passer pour aller voir ce qu'il se passe de l'autre côté. Laura est de plus en plus paniquée, Ben, jusque là solide, de moins en moins patient et rassurant et au-delà de leur survie au sens propre c'est également la survie de leur couple qui est mise en question.
Le film est donc un étonnant survivaliste où les Robinson sont deux et ce huis-clos à ciel ouvert est particulièrement éprouvant même pour le spectateur dans le confort de la salle de cinéma. Et il alterne, à mesure que les semaines passent, les moments d'énergie, d'espoir et de total découragement qui frôle aussi le désespoir voire la folie. Le couple évoque sa fragilité lors d'une scène terrible et réaliste où dans la colère les reproches pleuvent et les mots horribles dépassent la pensée, où l'on découvre les faiblesses et les défaillances de l'un et de l'autre. Et la nature s'occupe toujours de se rappeler à leur souvenir en abattant parfois sur eux une indomptable colère qui remet encore en question l'instabilité de leur abri de fortune.
Le film est tiré roman éponyme de la navigatrice Isabelle Autissier et est une totale réussite dans un genre où les réalisateurs français s'aventurent peu. Ce drame intime, profond et spectaculaire compte tenu de l'endroit où il se déroule, est haletant et porté par deux acteurs en totale adéquation. On croit à leur couple, on croit au revirement qui rend le faible plus fort et le fort plus faible, on tremble au cours de certaines scènes vraiment éprouvantes surtout dans la seconde partie évidemment. On partage comme rarement le calvaire, le désespoir des deux personnages en s'interrogeant constamment sur ce que l'on pourrait faire à leur place. Et l'évolution spectaculaire du personnage de Laura offre à Mélanie Thierry, parfaite, une performance physique assez incroyable. Gilles Lellouche est très bien aussi.
Le film a été tourné en Islande, dans le Finistère, à Plouzané et l'Aber-Wrac'h et c'est sublime. La superbe musique a été composée par Raphaël, mais on peut aussi entendre au cours du film Volver de et par Carlos Gardel, Love will tear us apart de Joy Division, la Sonate pour piano N° 26 de Beethoven. C'est dire si tout est soigné ici.
Après le formidable et étonnant Les Cow-boys, Thomas Bidegain démontre qu'en plus d'être un talentueux scénariste il est un formidable et indispensable réalisateur.
Commentaires
Voilà qui est très tentant et Mélanie Thierry, j'adore.
Alors fonce, elle est INCROYABLE.
Je l’ai vu hier et ne peux que confirmer ton commentaire. J’ai particulièrement aimé ce film, en effet on croit à ce couple, mais il est surprenant d’apprendre qu’ils ont pris la décision de faire ce tour du monde dans les conditions du départ (j’essaie de ne pas spoiler). Et la fin est également assez inattendue…
Mais les paysages sont magnifiques et me donnent encore plus envie de visiter l’Islande… Reste à convaincre mon amoureux, qui n’est pas trop partant.
L'Islande n'est vraiment pas une destination qui me tente mais à l'écran, no problem, au contraire.
Sans spoiler je dirais que la fin est cohérente par rapport à ce qui s'est passé. Certains événements font prendre conscience de certaines choses je pense.
Effectivement Laura semble plutôt hostile quand on prend leur histoire en cours...
Ce sera pour cette semaine et donc, je ne te lis pas tout de suite !
Aujourd'hui : "Perfect days" ! Je repasse tout à l'heure (ou demain).
Aaaaaaaaaaaaaaaaaah Perfect days. Excellentissime choix.
Revu hier en ce qui me concerne. Encore mieux la deuxième fois.
Comme je venais juste de lire le roman d'Isabelle Autissier, j'étais curieux d'avoir ton ressenti à travers le film, version survivaliste. L'Islande, c'est plus près de la Patagonie mais je pense que coté décor tout aussi beau, les ossements de baleines en moins... Physiquement, ça a du être effectivement une performance d'acteurs, d'après les scènes que j'imaginais sorties du livre.
Et pour revenir au roman d'Isabelle Autissier, j'avoue avoir préféré, il y a quelques années, les amants de Patagonie, à ce Soudain, seuls...
L'Islande est proche de la Patagonie ? Il faut que je révise ma géo.
J'ai relu plusieurs fois, je n'ai pas compris si tu as vu le film. Mais je suis fatiguée :-)
Belle performance d'acteurs en effet.
Je n'ai rien lu d'Isabelle Autissier. J'essaierai de feuilleter.
Non, je me suis contenté du livre, pas vu le film...
Pour l'Islande, j'ai lu comme lieu de tournage, je ne sais pas si le film géolocalise bien cette île isolée... Mais j'imaginais en lisant le roman mal qu'on envoie toute une équipe de tournage à l'autre bout du monde, donc l'Islande et ses côtes escarpées peut faire un bon compromis...
Par contre, les voies maritimes islandaises ou même nordiques me semblent plus fréquentées que les voies patagones, alors attendre l'éventualité d'un bateau huit mois après à la belle saison...
En fait, la lecture du roman m'a suffit, je me suis fait mes propres images, je le verrais du coup plus sur un petit écran quand ces images seront plus estompées de ma mémoire...
Isabelle Autisser est une belle écrivaine, amoureuse de la Patagonie. Je pense que je continuerai à la suivre mais sur son oeuvre romanesque, ses exploits maritimes m'intéressent moins...
Tu reviendras me dire dans 6 mois comment tu as trouvé.
La Patagonie islandaise est vraiment très cynégétique et ya pas vraiment d'embouteillage autour des cailloux. Ce sont deux endroits qui ne m'attirent vraiment pas. En ce moment je me sens plutôt attirée par les komorebi japonisants.
Je pense que je préférerais sans aussi la prose romanesque que les exploits de marin.
Bien aimé, notamment grâce aux acteurs, quelques incohérences "techniques" (pilosité, hygiène, chasse et pêche) mais l'émotion est parfaitement rendue,
Oui les acteurs sont formidables, ce qui m'étonne pas de ces deux là.
Gilles a eu très grosse barbe avant la fin.
La distribution donne envie, mais je ne suis pas fan des sujets survivalistes... Et puis pas forcément envie de partager un tel calvaire !
Ah moi j'adore les survivalistes, ça donne des idées au cazou ;-)
Le film est très fort, prenant, grâce aux acteurs et à l'ambiance que Bidegain a réussi à créer. Les paysages sont de plus superbes. Je mettrais un bémol à mon enthousiasme en raison de certains aspects du scénario (perfectibles en terme de vraisemblance). Je suis en train de lire le livre d'Autissier et l'intrigue m'y paraît mieux construite que dans le film. Celui-ci apporte la force visuelle et l'incarnation des acteurs, vraiment formidables tous les deux.
J'ai été captivée de bout en bout et les acteurs sont formidables.
Je tenterai peut-être le bouquin mais là je sors des Naufragés du Wager et j'ai le mal de mer.