PRISCILLA
de Sofia Coppola *(*)
avec Cailee Spaeny, Jacob Elordi, Dagmara Dominczyk
Priscilla a quatorze ans lorsqu'elle rencontre Elvis qui en a vingt-quatre et effectue son service militaire en Allemagne. La jeune fille y vit avec sa famille car son beau-père (son père est mort) est militaire et affecté à la base de Ray Barracks, à Friedberg.
Elvis ressent le mal du pays et Priscilla est pour lui l'incarnation des Etats-Unis. Les parents de la gamine voient d'un mauvais oeil qu'une star s'intéresse à leur fille si jeune et la ramène trop tard le soir. Finalement, après deux ans de séparation et diverses tractations, les parents acceptent que la petite aille vivre à Graceland (la maison qu'Elvis avait offert à feue sa maman adorée au 3764 Elvis Presley Boulevard (Memphis, Tennessee)). A condition qu'elle vive sous la surveillance de Vernon (le père d'Elvis), tu parles Charles, qu'elle poursuive son année scolaire et obtienne son High School Diploma. En un mot : passe ton bac d'abord. Le reste déroule tranquillement les dix années de la vie du couple qui suivirent jusqu'à sa séparation à l'initiative de Priscilla. Cilla pour les intimes.
Sans chercher à me justifier de m'être précipitée, je dois quand même préciser que c'est la perspective de voir enfin un film de Sofia Coppola qui m'a si vite attirée en salle. Je n'ai strictement jamais été intéressée par le personnage de Priscilla et (même si cela peut paraître idiot comme parallèle et de la réduire à cela) ce qu'elle fait subir à son visage depuis trente ans prouve qu'elle ne doit pas avoir la lumière à tous les étages.
J'avais hâte car depuis Somewhere, je n'ai plus jamais été transportée par un film de Sofia et je n'ai jamais entendu parler de On the rocks sorti direct to Apple Tv en 2020, ce qui n'est pas bon signe. On reconnaît le style de Sofia tout en luxe, calme, volupté mais aussi couleurs pastels, ambiance feutrée où le moindre détail décoratif a son importance et sa place. Et dans ce temple du mauvais goût, devenu mausolée, les talons de Priscilla s'enfoncent de cinq centimètres dans la moquette rose. Toujours envahie par la bande de squatteurs, profiteurs, pollueurs dont Elvis s'est entouré, la maison est constamment surpeuplée. Lorsqu'Elvis est là, Priscilla ne cesse de lui sauter dessus mais il la considère trop jeune pour consommer... Dans ses pyjamas estampillés à ses initiales, au cas où il se perdrait dans les couloirs j'imagine, Elvis et sa chérie en nuisette vaporeuse passent leurs journées au lit à regarder la télé. En bon compagnon toxique, il n'hésite pas à partager avec la petite ses amphétamines pour se tenir éveillé, ses somnifères pour dormir (mais pas plus tard que 15 h) un peu de LSD à l'occasion et des armes à feu. Il la façonne et la transforme aussi. Sa couleur de cheveux, sa (détestable) coiffure, ses tenues vestimentaires, tout est soumis à la volonté et au (mauvais) goût d'Elvis.
Mais rapidement, Priscilla s'ennuie, erre de pièce en pièce pendant que sa star de mari part en tournée, tourne des films. Elle découvre ses infidélités dans la presse et pourtant ils se marient et consomment enfin. Neuf mois plus tard : la pauvre Lisa-Marie dont le prénom ne sera même pas prononcé une fois. Priscilla qui rêve toujours de partager la vie de son mari se retrouve alors plus que jamais cantonnée au rôle de bonne épouse et bonne mère qui attend le retour du guerrier épuisé.
Cela pourrait être intéressant de voir les rêves d'adolescente de Priscilla s'effondrer aussi rapidement alors qu'une bonne partie de l'humanité rêverait être à sa place mais on reste constamment en dehors de l'histoire et surtout en dehors des personnages. A aucun moment on n'a accès à leurs pensées, leurs volontés, leurs désirs et leurs espoirs. Peut-être leur tête est-elle vide auquel cas c'est parfaitement démontré. Mais lorsqu'Elvis assure à Priscilla : "j'aime nos conversations", on aimerait le croire, le comprendre et en découvrir l'amorce du commencement d'une. Mais rien. Ils ne se parlent pas. Ils se regardent, se séparent et se retrouvent dans une banalité qui finit par peser comme un lourd ennui.
Qu'une adolescente de quatorze ans soit fascinée par un garçon de vingt-quatre qui s'intéresse à elle on peut le comprendre. D'autant qu'il s'agit d'Elvis, déjà star internationale que le monde et surtout les filles s'arrachent. Mais que lui trouve-t-il en dehors de son joli minois ? Elle ne parle strictement jamais et l'actrice n'a pas dû se faire d'entorse au cerveau en apprenant ses dialogues. Elvis n'est guère plus loquace et se montre par ailleurs très versatile, instable et lunatique. Tout et son contraire dans la même minute. J'ai davantage vu la déception d'une gamine recluse dans une cage dorée qui s'ennuie copieusement que l'émancipation d'une femme qui veut s'épanouir. Je suppose que certains iront de leur couplet féministe. Bien sûr, il faut sans doute un certain courage pour quitter Elvis Presley qui n'est pas le premier péquin venu. En dehors de ça, pas grand chose.
Les seconds rôles inexistants ne peuvent relever la sauce. Quant au casting du duo vedette, la réalisatrice a choisi deux parfaits inconnus (pour ceux qui ne connaissent pas certaines séries dans lesquelles ils ont besogné). Cailee Spaeny, 25 ans, est ravissante et a surtout le talent de pouvoir interpréter une gamine de 14 ans et une femme de 24 (tout est dans la coiffure) dans le même film. A Jacob Elordi, géant maigre et sans grand charisme, incombe la tache insurmontable de passer derrière Austin Butler qui le temps d'un film est devenu Elvis.
Priscilla Ann Wagner Beaulieu Presley elle-même assurant la production déléguée (le producteur délégué est le responsable juridique et financier d'une œuvre) personne n'est diffamé mais pas plus encensé et Sofia n'a pas dû avoir accès aux chansons d'Elvis car on n'en entend aucune dans le film (à part un vague petit pianotage de Love me tender). Dommage. Et j'ai trouvé que Thomas Mars (Monsieur Coppola) n'était pas très inspiré.
P.S. : notons également que le couple de cinéma est particulièrement mal assorti. Etrange idée en voulant montrer la différence d'âge entre le garçon et la fille (j'imagine) de mettre une actrice d'1.50 m face à un acteur d'1.96 m. Ils sont ridicules. Je suis donc allée vérifier. Elvis mesurait 1.82 m et Priscilla 1.63 m.
Commentaires
Je n'avais pas l'intention d'aller le voir, ça ne m'inspire pas du tout ces histoires de stars. Je n'avais pas vu de photo de Priscilla depuis longtemps. Ah oui, quand même, faut oser. j'espère qu'elle a attaqué son chirurgien.
Priscilla a surtout le talent d'avoir été la seule femme légitime d'Elvis. Quant à son visage (la photo date de septembre, elle était à Venise, elle a 78 ans), il doit la satisfaire car l'évolution fut progressive pour arriver à ce résultat. Elle devait en vouloir toujours plus. Ça me paraît insensé.
Il ne me tente pas du tout, ça fait un moment que j'ai abandonné le cinéma de Mademoiselle Coppola.
Je comprends. Elle s'applique à décevoir mais je persiste.
Zut...
Tu es sûre ?
parce que j'avais prévu d'aller le voir ce week-end (en plus mon magazine télé a plutôt bien aimé)...
C'est que le cinéma de Sofia m'a interpellé.... (bon ok, c'était déjà il y a quelques années)
Virgin Suicides et Lost in Translation... ça me paraît si proche et à la fois si loin finalement...
Depuis... ??? ...
Oui hélas je suis sûre, j'aurais tellement aimé taper des mains et des pieds.
Virgin, Lost, Marie-Antoinette et le merveilleux Somewhere... depuis ? Rien.
Pour te donner une idée, Les proies était meilleur.
Et idem pareil, je ne pensais pas qu'il y avait 14 ans depuis Somewhere et plus de 20 pour Lost in translation.
Bonjour Pascale, je passe mon tour. Je ne suis pas du tout intéressée par l'histoire. Et puis Sofia Coppola depuis Marie-Antoinette, j'ai laissé tomber. Bonne journée.
Bonjour dasola.
Je comprends mais j'espère que tu as vu Somewhere qui était très beau et émouvant.
J'ai assez aimé, notamment dans la cohérence artistique de Sofia Coppola dans les sujets abordés, et j'ai aimé le côté recto de "Elvis" de Luhrmann. Par contre c'est un peu sage, et Priscilla se retrouve dans comme la petite américaine vertueuse prise au piège, un peu caricatural. Mais dans l'ensemble j'ai passé un bon moment
C'est sûr on reconnaît le style Sofia même si j'ai trouvé l'image bien sombre au début.
Le personnage m'a paru aussi inintéressant que mes a priori l'imaginaient.
Oh my god Cilla ! Désolé, je devient monomaniaque depuis que la terre a tremblé à l'autre bout du globe.
Je viens tout juste de terminer mon propre article, bien peu inspiré je dois dire par ce film bien peu inspirant. Tu l'as été bien plus que moi pour en cerner les défauts. J'abonde totalement, restant comme toi bloqué sur "Somewhere" comme dernière merveille signée Coppola fille.
Que Zilla nous vienne en aide !!!
Plus monomaniaque que moi c'est impossible. Je suis plongée dans Ozu (une femme (poule) dans le vent est mon coup de coeur), un ami m'a offert pour mon anniversaire (avant hier) un Daruma que j'ai prénommé Koji...
Mais Priscilla (le film, la femme) n'a vraiment strictement aucun intérêt. Elle me fait penser à la famille K, célèbre... pour sa célébrité ! Sans Elvis, elle n'est rien et le film la rend encore plus idiote et insignifiante que jamais.
Somewhere, quel choc ce fut ? On l'a perdue Sofia.
Oui, j'avais encore moins aimé "the bling ring". Quantà son film Apple, pas vu. Et les "Proies" sans Clint n'a que peu d'intérêt.
J'ai justement fait un parallèle avec "Jackie" de Larrain. Sans être bouleversant, le Chilien avait au moins la bonne idée de proposer un portrait éclaté et trouble de la première dame. Ici, on sent l'ombre de Priscilla qui veille dans celle de Cailee.
Beurcke le Bling ring et moyen les Proies.
Le film est aussi fade que doit l'être le bouquin de Cilla. Ce personnage n'est vraiment pas intéressant.
Mais HALLELUYAH, j'ai enfin vu mon premier bon, que dis-je EXCELLENT film de l'année. To be continued...
Le cinéma finit toujours par nous cueillir. Mais visiblement ce n'est pas Laure Calamy qui a troqué son âne pour un troupeau de mecs.
Une vraie calamy-té sans son ongulé.
Mais le Seydou de mon film m'a fait pleurer des rivières.
Si Cilla semble s'ennuyer profondément à Graceland, le spectateur que je fus s'ennuya aussi pas mal... Je ne retiens pas grand chose, y étant aller surtout pour le nom de Sofia Coppola espérant toujours retrouver quelques émois de ses premiers films... Mais rien... J'ai eu l'impression de voir un défilé de mode sur les tenues de sixties, et puis c'est à peu près tout. Déception... (Pourtant, on m'avait prévenu avant :-))
Tout ça manque un peu d'émotion en effet. On te l'avait dit pourtant.
Nous avons fait le voyage pour LA même raison. Et puis j'aime Elvis. Je pensais entendre quelques ritournelles.
Oui pour le défilé. Il y en a d'ailleurs dans le film où Elvis affirme qu'il n'aime pas le marron. C'est essentiel.
Oui tu avais été prévenu mais la meilleure façon de savoir ce qu'on pense d'un film est de l'avoir vu.
A défaut d'Elvis, j'ai eu le droit à un excellent Santana, des années que je n'avais pas écouté ce titre. (ouais, à défaut, on se prend les petits plaisirs là où on peut les trouver)
Se faire plaisir : règle numéro un.
Je ne connais pas trop Santana. Oui je sais, c'est effrayant voire incompréhensible (ou l'inverse).