SOUS LE VENT DES MARQUISES
de Pierre Godeau ***
Avec François Damiens, Salomé Dewaels, Romain Kolinka, Anne Coesens
Alain a consacré sa vie à sa carrière d'acteur, ses infidélités ont provoqué son divorce et il s'est éloigné de sa fille unique Lou devenue adulte et qui s'est parfaitement débrouillée sans lui.
Alors qu'il tourne un biopic sur les dernières années de la vie de Jacques Brel lorsqu'il a tout plaqué pour faire le tour du monde en bateau, son médecin apprend à Alain qu'il est atteint d'un cancer. Ce film et cette révélation vont l'inciter à reprendre contact avec sa fille. Il quitte le tournage et s'installe en Bretagne où sa fille l'accueille fraîchement.
Je ne savais rien de ce film et c'est évidemment la présence de François Damiens qui m'a tirée en salle. Je ne regrette pas, il porte le film, il est le film. Sa présence de plus en plus magnétique à la fois surprend tant il nous a d'abord convaincus par ses talents comiques et est une évidence quand on le voit tellement à l'aise dans les emplois dramatiques.
Evidemment, dans ce genre de film on ne doute pas un instant que l'hostilité va faire place à l'indulgence puis à la compréhension et que l'on va s'acheminer tranquillement vers une réconciliation. Mais elle est finalement plus subtile que prévue parce que pas mièvre puisqu'elle aboutit à une forme d'émancipation.
L'intrication entre la vie d'Alain et celle de Brel est habilement montée puisque Lou prend place à côté du voyageur au long cours. Et si Brel ne chante pas, on entend des extraits de quelques interviews où il révélait sa soif de liberté mais aussi sa misogynie et son égoïsme. Le chanteur et l'acteur de fiction ont en commun cet égoïsme, cette forme de naïveté, de mauvaise foi aussi. L'un et l'autre font passer leur carrière puis leurs rêves d'ailleurs avant tout sans se préoccuper des dégâts collatéraux. Brel comme Alain a toujours privilégié ses aspirations au détriment de sa famille.
François Damiens réussit l'exploit de nous attendrir avec ce personnage narcissique, individualiste, de nous le faire aimer aussi. Sa grande carcasse perdue, déboussolée, sa douceur, sa sincère incompréhension face aux ressentiments de sa fille le rendent profondément bouleversant. Ce film m'a touchée. Ou plutôt François Damiens.
Salomé Dewaels, Roman Kolinka et Anne Coesens sont très bien mais on ne voit que lui.
P.S. : je trouve que François Damiens en perruque, ressemble étonnamment à... Jacques Dutronc. Par contre, il parvient admirablement à imiter la démarche et l'attitude de Brel sur scène, sa façon de fumer aussi.