de Andrew Haigh ***(*)

Lors d'un exercice d'alerte incendie Harry répond à l'appel de la sirène, sort de l'immeuble et observe Adam resté seul dans la tour. Plus tard dans la soirée, Harry, très ivre, sonne à la porte d'Adam, mais effrayé par son ivresse, il refuse de le laisser entrer. Finalement la rencontre des deux hommes se fait. Adam pourtant réservé se livre beaucoup alors qu'Harry beaucoup plus démonstratif reste mystérieux.

Adam est en train d'écrire un scenario mais bute sur la page blanche. Un jour de désoeuvrement il se rend dans la ville de banlieue où il a grandi. Il passe devant la maison de son enfance et s'aperçoit que ses parents, morts trente ans plus tôt dans un accident de voiture alors qu'il avait douze ans, occupent toujours la maison. Invité à entrer, il retrouve ses parents qui sont restés les mêmes et ont donc le même âge que lui. Les retrouvailles avec ces fantômes sont chaleureuses. Elles lui permettent de renouer avec ses parents disparus trop tôt, d'éclaircir quelques points mais aussi de faire quelques révélations.

Deuil, solitude et homosexualité sont au coeur de ce beau mélo déchirant qui convoque des fantômes, fait croire en l'amour, en la réconciliation, au pardon, apporte la consolation et fait surgir la tolérance là où on ne croyait pas la trouver. Adam révèle séparément à ses parents qu'il est homosexuel. Les réactions sont différentes et inattendues.

Avec une infinie douceur, au cours de rencontres et de conversations apaisées, consolatrices et réconfortantes, d'explications et de révélations qui peuvent aider à vivre, le réalisateur fait fusionner dans son récit romantique vibrant, la naissance d'un amour et convoque les fantômes du passé. Si l'improbable irruption de parents morts peut effrayer, elle est aussi l'occasion ici de s'offrir les étreintes qu'on a pas pu avoir, les explications qui manquaient, de porter à nouveau le pyjama qu'on portait à douze ans, de se faufiler dans le lit de ses parents parce que la nuit est effrayante. Tous ceux qui ont perdu des êtres chers rêvent de ces moments libérateurs qui pourraient peut-être alléger le chagrin. Le réalisateur réussit cette part fantastique de son récit avec une tranquillité et une douceur exceptionnelles. Refaire un sapin de Noël ensemble, dévorer des yeux sa maman qui chante doucement you're always on my mind et l'on comprend qu'Adam ne veuille plus laisser partir ses parents une seconde fois.

Le petit miracle de croire à ce que l'on voit est possible grâce au quatuor d'acteurs qui accomplit des merveilles. Chacun leur tour, chacun à leur façon Andrew Scott, Paul Mescal, tendres et beaux comme des anges nous font croire au pouvoir de l'amour. Claire Foy (la seule et unique Queen de The Crown) est une mère enveloppante et Jamie Bell (mon dieu, Billy Elliot a presque 38 ans) d'une profondeur, d'une douceur, d'une tranquillité incroyables est le père qu'on rêve d'avoir (en plus de Jack Pearson...).

Récit d'un deuil et récit d'un amour, le film marche en funambule sur ces deux axes et nous foudroie de tristesse dans les dernières minutes dont je ne vous révèlerai rien.

P.S. : je n'aime pas le titre français Sans jamais nous connaître qui ne veut rien dire ou qui en dit trop. Le titre anglais qu'on peut traduire par nous sommes tous étrangers est ambigu aussi. Pourquoi n'avoir pas simplement repris le titre du roman japonais de Taichi Yamada dont le film s'inspire, Présences d'un été (異人たちとの夏), ou celui du film Les désincarnés de Nobuhiko Obayashi sorti en 1988 ?