LA BABALLE À MALABAR
Il y a bien des années que je n'ai partagé avec vous mes impressions sur la soirée des César. Pourtant je n'ai pas dû en rater une seule retransmission depuis... OMG ! passons !
Déjà, prenez une inspiration et admirez cette somptueuse affiche réalisée par le réalisateur Michel Ocelot.
Comme chaque fois, la cérémonie a duré 3 heures environ (sans compter le tapis rouge qui précède) et ne m'a pas semblé interminable et lestée de moments gênants ou sketches lourdingues qui essaient de dire des choses sans en avoir l'air. Juste une (fausse) petite cabriole (plutôt drôle) de Jean-Pascal Zadi et Ana Girardot pour impressionner Christopher Nolan qui a reçu un César d'honneur et n'a pratiquement pas lâché la main de son épouse et productrice Emma Thomas, trop mimis tous les deux.
Je craignais de m'agacer fort tant je sentais l'affaire pliée dans tous les sens par le rapt incompréhensible que devait commettre Anatomie d'une chute. Ce fut un peu le cas (6 récompenses pour 11 nominations) mais pas tant que ça et j'ai réussi à garder mon sang froid. Même s'il est pour moi très déconcertant qu'un téléfilm qui pourrait faire partie de la série Meurtre à... (Grenoble ici) soit ainsi encensé depuis des mois. Justine Triet sacrée meilleure réalisatrice et Sandra Hüller meilleure actrice ont osé chacune un : "je ne m'y attendais pas du tout" et l'on se demande donc si elles n'étaient pas dans le coma ces dernières semaines pour feindre ainsi l'étonnement. Justine Triet a commencé ses deux discours par "merde", ce qui m'a profondément agacée au point de ne pas retenir le reste. Arthur Harari (compagnon de la dame) s'est fait traiter de connard à deux reprises (c'était de l'humour bien sûr) et aussi sa douce moitié a assuré : "il n'est pas scénariste" (encore de l'humour). Je ne serais pas surprise que Wikipédia nous annonce la séparation du couple prochainement. Et en tout cas, j'espère que des connards tels qu'Arthur Harari vont continuer à nous pondre des films tels que Onoda, Diamant noir . Voilà, ça soulage de le dire.
Pour le reste je suis plutôt satisfaite du palmarès et enchantée de la grande force, de la grande dignité des femmes présentes dont aucune n'a forcé le trait de l'engagement, du féminisme et de la lutte contre les violences sexuelles exercées sur les femmes, les jeunes filles voire les petites filles dans le cadre très verrouillé d'un tournage de film. Le nom d'aucun prédateur dont on est sidéré d'apprendre comment ils se sont comportés tant on était loin de l'imaginer, n'a été cité mais leur ombre terrible a parfois recouvert la salle et on en connaît certains désormais.
Pour dénoncer l'inconcevable, Judith Godrèche s'est présentée, plus seule que jamais face aux regards silencieux... Forte, courageuse, émouvante et digne, sans agressivité et à peine quelques trémolos dans la voix, elle a déroulé un discours de plus en plus bouleversant dont le point d'orgue me semble être :
"Deux mains dégueulasses sur mes seins de quinze ans"
pour une scène qu'elle a dû répéter 45 fois alors que le réalisateur, insatisfait répétait la scène avec et SUR elle.
La fin de ce discours vous cloue sur place :
"Il faut se méfier des petites filles. Elles touchent le fond de la piscine, se cognent, se blessent, mais rebondissent. Les petites filles sont des punks qui reviennent déguisées en hamster. Et, pour rêver à une possible révolution, Elles aiment se repasser ce dialogue de 'Céline et Julie vont en bateau' :
Céline - Il était une fois.
Julie : Il était deux fois. Il était trois fois.
Céline - Il était que, cette fois, ça ne se passera pas comme ça, pas comme les autres fois."
Après elle, Bérénice Bejo et Ariane Ascaride ont repris leur souffle et calmé les battements de leurs coeurs (https://dai.ly/x8t7qw2)...
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J'ai donc placé au frontispice (allez zou) de cette chronique le film qui a remporté le César du Meilleur premier film, Chien de la casse de Jean-Baptiste Durand qui est une évidence dans cette catégorie et la récompense nous a donné l'occasion de découvrir l'esquisse d'un sourire sur le visage de son (timide) réalisateur mais aussi le bonheur d'entendre, de voir, d'écouter le discours drôle, émouvant et engagé de l'inénarrable Raphaël Quenard qui obtient le très mérité César de la Révélation masculine de l'année et que l'on a pu voir cette année dans Je verrai toujours vos visages, Cash, Sur la branche, Jeanne du Barry, Yannick.
Faites vous plaisir, regardez ces remerciements !
Je suis ravie que Arieh Worthalter ait reçu le César du meilleur rôle masculin, il est prodigieux dans le fascinant Procès Goldman de Cédric Kahn qui ne sort pourtant pas d'une salle d'audience de Tribunal.
Adèle Exarchopoulos sort le magnifique Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry du manque de reconnaissance dont il fait l'objet alors que ce film est utile et bouleversant. Elle reçoit le César (amplement mérité) de Meilleure actrice dans un second rôle. Dans ce film elle tient le rôle de la petite soeur de Benjamin interprété par un certain Raphaël Quenard, dans un rôle à total contre emploi...
Le César de la meilleure révélation féminine revient à Ella Rumpf qui est époustouflante dans l'étourdissant Le théorème de Marguerite peut-être un peu passé inaperçu et c'est très dommage. Vous pouvez y découvrir également l'étonnant Julien Frison de la Comédie française à qui échappe le titre de révélation masculine de l'année. Mais personne ne peut vraiment rivaliser avec Raphaël Quenard.
Le César du meilleur film documentaire est très justement attribué à la réalisatrice tunisienne Kaouther Ben Hania pour son admirable et sidérant Les filles d'Olfa. Même si j'avais également beaucoup aimé Little girl blue de Mona Achache et encore plus Sur l'Adamant de Nicolas Philibert.
Le discours vibrant et politique de Kaouther Ben Hania mérite d'être écouté. Elle y évoque Julian Assange, Alexei Navalny, les journalistes assassinés et les massacres perpétrés actuellement sous nos yeux.
"Les films ne changent pas le monde mais changent notre rapport au monde...
Il faut que le massacre cesse... Personne ne peut dire : je ne savais pas. C'est le premier massacre en live screen, en direct sur nos téléphones, nous le savons, il faut que ça s'arrête"..
Bien que son film soit tout à fait charmant et loin d'être indigne, Monia Chokri coiffe au poteau des réalisateurs tels que Marco Bellochio, Aki Kaurismaki, Christopher Nolan et Win Wenders (et son vertigineux Perfect (Koji) Days) pour le César du meilleur film étranger accordé à Simple comme Sylvain. Elle en semble la première surprise et s'en excuse auprès de Christopher Nolan.
Je suis entièrement d'accord également avec le César du meilleur film d'animation remis à Linda veut du poulet. C'est le plus beau et plus original film d'animation que j'ai vu cette année et les réalisateurs Chiara Malta et Sébastien Laudenbach rappellent à quel point c'est utile et qu'il ne faut pas craindre de faire des films pour les enfants (qui plaisent aussi énormément aux adultes).
Les 5 César des Meilleurs costumes, Meilleur son, Meilleurs effets visuels, Meilleure photographie et Meilleure musique n'ont hélas pas permis à Thomas Cailley de monter sur scène et d'évoquer son étonnant, audacieux, formidable et fantastique film Le règne animal mais je vous invite à voir ce film et aussi à écouter la musique d'Andrea Laszlo de Simone que j'ai écouté en boucle pendant des semaines après avoir vu le film.
Le César d'honneur remis à Agnès Jaoui a été en grande partie rendu très émouvant (larmichette assurée) grâce au discours beau, tendre, émouvant sur lequel plane l'ombre réconfortante de Jean-Pierre Bacri et la belle déclaration d'amour que Jamel Debbouze lui a faite.
Merci de m'avoir lue, vous pouvez aller au cinéma.
Commentaires
Je n'avais pas regardé la cérémonie de l entre soi depuis une dizaine d année.
Mais hier, j ai fait l effort pour un acteur.
Raphaël Quenard.
Un diamant brute au milieu d une brochette de mou....avec des discours de soupe froide ( Agnès, djamel, Dany, Benoît et kad au cachot pour jeu et humour foiré )
Content pour lui, content pour Adèle, mécontent pour Jeanne Herry ....mais de l espoir c est le principal
La spontanéité de Raphaël Quenard est un ravissement permanent. J'espère qu'il ne va pas se laisser grignoter mais ce qu'il fait dans Je verrai toujours son visage prouve qu'il en a sous la semelle.
Ignorer chaque fois Jeanne Herry est pénible mais son cinéma plaît beaucoup au public je crois.
J'ai trouvé la cérémonie très plaisante. Saul Kad Merad a raté ses effets.
Je ne regarde plus la cérémonie des Césars depuis bien longtemps, je vais récupérer les meilleurs moments le lendemain. J'en ai récupéré plus que d'habitude cette année. Judith Godrèche est décidément très courageuse et juste. Raphaël Quenard est excellent, il va aller loin celui-là.
Je me dis que chaque fois cela va être interminable avec des sketches parfois lourds, des intermittents contre productifs qui ne savent pas s'exprimer et sont éjectés violemment etc. Mais je ne peux m'empêcher de regarder. Je ne dois jamais rien avoir à faire ce soir là et ça tombe très bien :-)
Les mots et la présence de Judith Godrèche, impressionnante, étaient simples, forts, dignes.
J'en ai vu des bouts, un peu au début, l'essentiel à la fin. Et je t'imaginais bouillir devant ton écran en voyant Justine Triet monter, puis remonter les marches (quand ce ne fut pas ta copine Sandra). Contre toute attente (comme quoi tu nous réserves toujours des surprises), tu sembles satisfaite de ce palmarès. N'ayant vu qu'une petite partie de la sélection contrairement à toi, je m'incline devant ces choix qui, pour certains, me paraissent plutôt justifiés comme le César à Arieh Worthalter (exceptionnel en Pierre Goldman), celui décerné à Quenard (pour "Chien de la Casse" ou pour "Yannick" ?), et même celui du montage pour "Anatomie d'une chute", très clairement un point fort du film. J'aurais bien refilé celui des costumes aux "Mousquetaires" et le meilleur film étranger à "Perfect days" ou "Rapito" mais bon, leurs réalisateurs n'entraient sans doute plus dans les quotas de femmes exigés cette année.
Comme j'ai zappé un bon moment (sur un excellent film de Siegel pas du tout #mitou en DVD), j'ai dû louper l'hommage à Micheline...
L'hommage à Micheline était pour le moins bâclé ! Pas de Saintes chéries et pas plus de Paradis perdu (j'étais sur le tournage). De jolies photos, Sofian Pamart (sa carrure, son absence de sourire, mais il était dans la rubrique émotion) au piano et basta.
Heureuse d'être moins prévisible que prévu mais il est vrai que malgré les César prestigieux raflés par l'anatomie, les autres m'ont paru absolument cohérents jusque dans les révélations ou seconds rôles, Premier film (évidemment), musique et Film d'animation.
Swann était en tournage mon cher !
Quant à Justine (dont je n'ai à ce jour aimé aucun film), elle me semble parfaitement insupportable de suffisance et pourrait avoir l'oscar de la meilleure actrice si elle concourait, tant son "je ne m'y attendais pas du tout" était vibrant de sincérité. Mais elle semble, de l'avis de tous ceux qui la côtoient (même ce connard d'Arthur qui n'est pas scénariste donc...) être vraiment une bonne copine et un être de lumière indispensable dès qu'on l'approche.
Contrairement à tes sous entendus (l'influence siegelienne sans doute lol), la soirée n'a pas été balourde sur le côté #lesfemmeslesfemmeslesfemmes. Il serait grand temps que cette parité ne soit plus un sujet et même si, comme le dit Adèle, elles ont fait un braquo sur les nominations de meilleure réalisation cette année, elles n'ont pas brandi leur féminisme. Par contre la féminité était à son zénith. Sauf la robe de Diane Kruger qui la faisait ressembler à la petite bergère de Toy Story. Les cheveux courts de Bérénice, Ariane, Judith sont vraiment très beaux. ça a l'air tendance, j'ai bien fait de couper !
Le César du meilleur film étranger est une étrangeté. Je n'aurais pas misé grand chose sur MON Koji. Je voyais plutôt Oppie. La grosse surprise de la cérémonie peut-être.
Complètement d'accord sur la robe de Diane. C'était nimp.
Je ne parlais pas de Swann mais de Samuel.
Et tant pis pour Wim, il aurait sortir son film en France sous le titre "Anatomie d'une chiotte", il aurait peut être eu plus de chance de l'avoir (oui, j'ai décidé de rester balourd).
Ah oui Samuel a déconné. Avec un garçon il me semble. Ce qui ne change rien au problème. Justine la parfaite ne connaissait pas ce détail.
Anatomie d'une chiotte... tu es en grande forme.
"Elle en semble la première surprise et s'en excuse..." C'est sûr, un "petit" et "simple" film que j'ai adoré, ce "Simple comme Sylvain". Il le mérite, mais face à Nolan et Wenders, qui eux aussi ont réussi un grand film et un très grand film, on ne peut que se sentir "petite"... C'est une belle mise en lumière (même si... perfect days...)
Je n'imaginais pas un instant que Perfect days, cette splendeur, puisse l'avoir mais ce délicieux Simple comme Sylvain est quand même une GROSSE surprise. Même si elle va payer un supplément de bagages en rentrant. (J'ai déjà tenu un "vrai" César, ça pèse).
Bonjour Pascale, je suis d'accord avec toi pour Anatomie d'une chute, je ne comprends l'engouement pour ce film que j'ai vu et que je ne reverrai pas de sitôt. Je n'ai toujours pas vu Chien de la casse (il faut que je répare cet oubli). Sinon, je suis ravie pour le César de la meilleure révélation féminine. Et je n'ai pas vu la cérémonie. Bon dimanche.
Bonjour dasola. Je ne rate la cérémonie sous aucun prétexte :-)
Marguerite était en effet une vraie révélation.
J'espère que tu apprécieras Chien de la casse et l'inénarrable Raphaël.
Nous sommes d'accord pour l'anatomie que moi je ne reverrai pas.
Merci pour ce résumé. J'ai zappé la cérémonie.
J'avoue que j'ai encore du mal avec nombre de comiques invités à l'animer...
Les Oscars consoleront-ils Nolan ? Moi, je préférerai qu'ils honorent Scorsese.
Les quelques comiques n'ont pas trop fait les malins.
Moi je ne parviens pas à faire l'impasse sur la soirée.
Entre Nolan et Scorsese mon coeur balance mais je ne suis pas encore remise des grimaces de Leo.
Elles sont compensées par la classe de Lily, à mes yeux.
C'est l'exact opposé en effet.