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LA MACHINE À ÉCRIRE ET AUTRES SOURCES DE TRACAS

de Nicolas Philibert ***(*)

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Ainsi s'achève la trilogie entreprise par le bienveillant et empathique Nicolas Philibert qui nous a immergés quelques heures durant en milieu psychiatrique.

Après Sur l’Adamant puis Averroès & Rosa Parks, il nous offre d'accompagner deux membres de L'orchestre. Il s'agit d'un petit groupe de quelques soignants bricoleurs absolument étonnant(s) qui s'est donné pour mission de porter secours à des patients aux prises avec un problème de logistique insurmontable pour eux. Cela peut aller de la fuite d’eau à un meuble à monter, d'étagères à fixer ou encore d'un appareil en panne. Deux par deux, ils se rendent chez ces patients (qu'ils connaissent parce qu'ils fréquentent l'Adamant ou ont séjourné à Averroès & Rosa Parks). Walid et Goulven font partie de l'Orchestre et se rendent successivement chez Patrice, Muriel, Ivan, Frédéric. Et puisque ces personnes sont chez elles, c'est que leur pathologie qui nécessite souvent une hospitalisation leur accorde un peu de répit mais les confronte aussi aux difficultés du réel. Les soignants bricoleurs, autour d'un café, lors d'une pause, s'inquiéteront mine de rien, leur offriront encore et encore leurs oreilles attentives.

Patrice se rend chaque jour sur l'Adamant. Chaque jour il écrit un poème. Ses 8 000 poèmes sont parfaitement classés dans des pochettes colorées empilées dans son petit appartement. C'est lui qui possède la machine à écrire du titre grâce à laquelle il recopie les poèmes. La machine se bloque, les poèmes s'entassent, c'est le drame, mais Walid et Goulven débarquent, n'ont jamais vu de machine à écrire de leur vie mais la démonte et le miracle véritablement s'accomplit. La réparation tenant de l'ordre de l'improbable, Patrice risque un timide et touchant : "Je n'ose me réjouir".

Muriel est sans musique depuis trois mois. Son lecteur refuse de lire ses précieux CD de Janis Joplin et Joan Baez, ses chéries. En l'absence de musique, les voix dans sa tête font un vacarme infernal. Elle offre un café, un chocolat, plaisante avec Nicolas Philibert toujours discret mais bien présent derrière sa caméra. Et l'on sent à quel point les "malades" lui font confiance, en attendant Walid et Goulven. Il leur suffira de dépoussiérer les CD pour que l'appareil redémarre et de donner avec douceur le simple conseil de peut-être, éventuellement les ranger dans des boîtiers.

Yvan est en panne d'imprimante. Il assiste à la réparation de l'appareil et brusquement se lève, se met au piano et joue en virtuose une pièce de Mozart. Le moment est magique.

Mais la "star" de cette trilogie est sans doute Frédéric Prieur. Cet homme calme et doux d'une culture exceptionnelle, aux mille anecdotes toujours cohérentes et passionnantes vit au milieu d'un entassement de 33 tours, de livres, d'affiches, d'objets, de tableaux, de dessins qu'il a réalisés (car il a fait les Beaux-Arts) qui l'empêchent de circuler dans son minuscule appartement. L'endroit ressemble à un temple, une caverne envahie de trésors. Les soignants et l'assistance sociale sont chargés de l'aider à trier. Comment faire un tri dans toutes ces richesses ? Au bout d'un moment, c'est très émouvant de le voir obligé de s'allonger, épuisé par cette conversation ou par le fait d'avoir à trier...

Ce qui les relie encore vaguement au monde semble être leur passion pour un poème, une chanson, un dessin et leur incroyable pouvoir créatif sans quoi ils perdent totalement pied, incapables de faire taire les voix dans leurs têtes. On quitte à regret ces personnages, ces personnes, tellement profonds, tellement artistes, à la sensibilité exacerbée et le plus gros défaut de ce film est (pour une fois) sa durée. 1 h 12, c'est insuffisant. On aimerait prolonger ces rencontres avec des êtres infiniment touchants et impossibles à consoler de toute cette souffrance qu'ils oublient un instant lorsque Walid et Goulven réparent un objet à défaut de réparer leur âme tourmentée.

Cette trilogie est un documentaire hors du commun, un sommet d'humanité, de douleur souvent, de douceur aussi. Remercions Nicolas Philibert de nous permettre de l'accompagner et de nous bouleverser par ce voyage souvent éprouvant mais toujours fascinant.

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