GLORIA !
avec Galatea Bellugi, Carlotta Gamba, Veronica Lucchesi
Au XVIIIème siècle l'Institut Sant'Ignazio proche de Venise est à la fois un orphelinat et un conservatoire où les jeunes filles apprennent la musique dès l'enfance.
Teresa, muette et ignorée de tous, sert de bonne à tout faire aussi bien aux dirigeants de l'institut qu'à ses pensionnaires. Elle découvre, caché dans une pièce insalubre du domaine, un piano-forte, instrument interdit à l'époque. Elle y exerce en secret ses talents innés de musicienne. Surprise par quelques pensionnaires, elles vont finalement passer beaucoup de temps ensemble, à l'abri des regards, à composer et jouer de leurs instruments. Lorsque le Pape Pie VII annonce sa venue dans l'établissement, c'est l'affolement général. Non seulement il faut (re)donner à l'endroit un aspect correct et accueillant mais aussi proposer au souverain pontife des compositions originales pour un concert unique. Perlina, maître de chapelle et responsable de l'orphelinat est chargé de la partition et se montre bien incapable d'en écrire la moindre note. Les filles elles, n'ont aucune difficulté à produire des oeuvres, mais ce sont des filles et bien qu'elles soient des musiciennes de talent puisqu'elles pratiquent quasiment depuis leur naissance, elles n'ont pas la possibilité de les proposer.
Les mélomanes et musicien(ne)s devraient se réjouir de découvrir ce film qui élève dès les premières secondes. Dans la cour de l'orphelinat, Teresa et d'autres femmes s'affairent à diverses taches. Chaque son produit est entendu par Teresa comme un battement, une musique, un ravissement. Dotée de l'oreille absolue Teresa assimile chaque son et le métamorphose en une harmonieuse polyphonie de rythme et de musique. Dès lors on comprend (et on l'accepte... ou pas) l'anachronisme entre l'époque et les morceaux que l'on entendra. Les puristes et les grincheux grincheront tandis que les autres se réjouiront de cet hommage et de cette mise en lumière, de la place des femmes, de leurs talents dans la musique, quelle que soit l'époque, quel que soit le style de musique. Ici les accents pops, jazzys, populaires en plein XVIIIème apportent beaucoup de joie, de vitalité et d'énergie à cette histoire qui s'appuie sur l'existence bien réelle des quatre Ospedali de Venise, ces orphelinats dans lesquels était dispensée une formation musicale de haut niveau aux pensionnaires. Vivaldi lui-même y aurait enseigné. Les femmes hors de ces endroits n'étaient pas autorisées à étudier la musique et les parfaites musiciennes sorties des orphelinats ne pouvaient exercer. Les compositrices de l'époque n'ont trouvé ni la considération ni la notoriété de leurs homologues masculins. Ce n'est guère surprenant, je ne vous fais pas un dessin. Seule l'oeuvre de la compositrice orpheline Maddalena Laura Lombardini aurait survécu. La réalisatrice les célèbre ici en leur donnant l'occasion de démontrer leurs talents, laisser libre court à leur imagination et à leur ambitions créatives au-delà des partitions religieuses qui leur étaient confiées.
Et c'est magnifique, enivrant, enthousiasmant. D'autant que la réalisatrice dont c'est le premier film, est avant tout chanteuse et compositrice. Elle connaît donc la musique et sa partition du film alliant harmonieusement, efficacement, modernité et accents baroques est absolument réjouissante, donne envie de danser, de chanter, de battre des mains et de faire taire toutes les vieilles barbes de l'époque qui s'évanouissent devant ces sons inédits.
La réalisatrice a également réussi à rassembler autour de Teresa (Galatea Bellugi merveilleuse) dont on découvre tardivement le terrible parcours, une petite troupe de jeunes femmes aux profils et tempéraments bien différents mais parfaitement soudée et mue par la même passion. Pour une fois on peut employer le terme de féminisme sans que cela me fasse lever les yeux au ciel. Un féminisme fait de talents, de solidarité, d'amitiés solides, non pas dirigé contre les hommes mais contre une époque qui ignore les femmes, les cantonne aux rôles d'épouses et de mères de famille et surtout un féminisme doux, créatif, ambitieux.
Il y a bien quelques intrigues secondaires superflues mais elles n'affadissent en rien le récit et sa progression. Et puis, l'écrin dans lequel évoluent ces jeunes femmes est somptueux. Chaque scène ressemble à une toile peinte de l'époque, aussi bien en intérieur qu'en extérieur et les images nocturnes de la lagune de Venise sont magnifiques, idéales. Les yeux autant que les oreilles sont éblouis grâce à ces filles rebelles en douceur qui s'émancipent grâce à leur passion et leur excellence.
La musique comme le cinéma permet toutes les audaces, parfois comme ici c'est magnifique.
Commentaires
LE film à voir apparemment. J'attendais un retour de "Love lies bleeding". A suivre, peut-être ?
J'ai vraiment adoré Gloria Teresa.
J'ai vu les badass. Elles sont très bien.
Et aussi le Carax très mais vraiment TRES perturbé par Hitler, Polanski et Godard...
Bonjour Pascale, merci pour le conseil, j'ai passé un très très bon moment à voir ce film détonnant. Le mélange entre la musique du XVIIIème et la musique contemporaine m'a plu et sort de l'ordinaire et sinon les jeunes actrices sont formidables. Bonne journée.
Bonjour dasola. Contente que tu aies aimé. Un film qui sort de l'ordinaire. La musique, l'atmosphère XVIII et les actrices tout est réuni pour le
meilleur.
100% d'accord !... J'ai été cueilli de la plus belle des manières dans ce "The Magdelene Sisters" musical à l'italienne, vraiment magique et surtout qui flirte avec le surréalisme sans y sombrer, j'en ai versé ma larme. Très belle surprise
Elles sont FORMIDABLES ces filles. Tout est accompli dans ce film et notamment la musique qui a fait grincher les grincheux (dont Laurent Delmas qui a trouvé cela "malaisant", pauvre petit chou).