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EMILIA PEREZ

de Jacques Audiard *****

EMILIA PEREZ, Jacques Audiard, cinéma, Zoe Saldana, Karla Sofia Gascon, Selena Gomez, Adriana Paz, Edgar Ramirez

Avec Zoe Saldana, Karla Sofia Gascon, Selena Gomez, Adriana Paz, Edgar Ramirez

Rita gâche son talent d'avocate dans un cabinet qui défend des criminels.

Mais il faut bien gagner sa vie et être femme, noire et avocate ne font pas bon ménage au Mexique. Des avocats moins doués qu'elle apprennent par coeur (non sans difficultés) les brillantes plaidoiries qu'elle écrit pour eux. 

Manitas Del Monte, chef d'un puissant cartel ayant eu vent de son absence de scrupules (apparente) et de ses succès à faire acquitter des coupables la fait enlever et lui propose, contre une forte somme d'argent de l'aider à réaliser le rêve qui l'obsède depuis des années : devenir une femme. Le rôle de Rita est de trouver le meilleur chirurgien. Dans un premier temps, sa mission consiste à parcourir le monde à la recherche de la perle rare. Lorsque c'est chose faite, Rita est payée et Manitas disparaît. Et puisque c'est clairement énoncé dans la bande annonce, je n'ai aucun scrupule à dire que des années plus tard, Manitas devenu Emilia Perez retrouve Rita pour la charger d'une nouvelle mission : lui ramener ses enfants qu'il/elle avait mis à l'abri en Suisse. Les deux femmes désormais deviennent amies et oeuvrent au sein d'une association créée par Emilia pour retrouver les nombreuses personnes victimes du banditisme, disparues mystérieusement, le plus souvent assassinées.

A plus de soixante-dix ans Jacques Audiard aurait pu se contenter de réaliser un film comme il en a le secret sans pour autant jouer la carte de l'audace et de l'innovation. Il n'a rien fait de tel en nous concoctant cette hybridation entre polar, film de cartel, comédie musicale et telenovela mexicaine et réussit l'exploit de renouveler le cinéma en réalisant un film unique à plus d'un titre. Une pure folie jubilatoire comme on en a encore jamais vue.

Alors qu'il affirme ne pas avoir de goût prononcé pour la comédie musicale, comme il disait déjà jadis tout en en réalisant un somptueux ne pas aimer le western, ne pas parler un mot d'espagnol... il réalise un film en partie musical et intégralement parlé en espagnol (avec quelques moments en anglais). Et si l'on peut légèrement sourciller (mais ça passe vite) à l'idée que selon le réalisateur il faut, pour être un homme meilleur, devenir une femme, on ne peut que reconnaître qu'après avoir surtout regardé les hommes tomber depuis trois décennies (à l'exception de Sur mes lèvres) Jacques Audiard se prosterne devant des femmes qui se débattent vaillamment dans un monde viriliste.

Elles sont donc quatre ici. Quatre personnages plus cabossés, beaux, forts et solides les uns que les autres. Quatre femmes admirables unies dans l'adversité, la lutte, l'amitié et l'amour. Et quatre actrices auréolées à juste titre d'un Prix d'interprétation collectif (en plus du Prix du jury pour Jacquot) lors du dernier Festival de Cannes pour Karla Sofia Gascon (qui s'est un peu emparée des honneurs), Zoé Saldana, Selena Gomez et Adriana Paz. Si elles méritent sans discussion la récompense, il faut reconnaître que Karla Sofia Gascon qui interprète à la fois Manitas, viril à la voix tonitruante et Emilia Perez, féminine, tendre et maternelle est formidable, mais que Zoé Saldana dans son premier vrai (premier) rôle, omniprésente d'un bout à l'autre du film est époustouflante. Tout dans sa prestation frôle la perfection, y compris lorsqu'elle chante et danse. Selena Gomez et Adriana Paz sont également très bien mais plus en retrait.

Le film est trépidant, d'une énergie et d'une invention constamment folles et lorsque l'on pourrait craindre qu'il se mette à ronronner vers une forme de rédemption prévisible, il redémarre pour un nouveau virage et une fin à la hauteur de tout ce qui a précédé. Il faut également noter que contrairement à la plupart des films musicaux où les chansons illustrent l'action, ce sont lors des intermèdes chantés que le film se fait presque le plus enthousiasmant et émouvant (notamment lors de la scène où un petit garçon chante avec son papa...). La musique, les paroles et les chorégraphies (toutes admirables) s'intègrent incroyablement au récit sans en rompre jamais l'harmonie et la progression du scenario.

Un grand film lyrique, excessif, incomparable et un final éblouissant en forme d'hommage aux passantes :

Je veux dédier ce poèmeÀ toutes les femmes qu'on aimePendant quelques instants secrets
 
À celles qu'on connaît à peineQu'un destin différent entraîneEt qu'on ne retrouve jamais
 
À celle qu'on voit apparaîtreUne seconde à sa fenêtreEt qui, preste, s'évanouit
 
Mais dont la svelte silhouetteEst si gracieuse et fluetteQu'on en demeure épanoui
 
À la compagne de voyageDont les yeux, charmant paysageFont paraître court le chemin
 
Qu'on est seul, peut-être, à comprendreEt qu'on laisse pourtant descendreSans avoir effleuré la main
 
À celles qui sont déjà prisesEt qui, vivant des heures grisesPrès d'un être trop différent
 
Vous ont, inutile folieLaissé voir la mélancolieD'un avenir désespérant
 
Chères images aperçuesEspérances d'un jour déçuesVous serez dans l'oubli demain
 
Pour peu que le bonheur survienneIl est rare qu'on se souvienneDes épisodes du chemin
 
Mais si l'on a manqué sa vieOn songe avec un peu d'envieÀ tous ces bonheurs entrevus
 
Aux baisers qu'on n'osa pas prendreAux cœurs qui doivent vous attendreAux yeux qu'on n'a jamais revus
 
Alors, aux soirs de lassitudeTout en peuplant sa solitudeDes fantômes du souvenir
 
On pleure les lèvres absentesDe toutes ces belles passantesQue l'on n'a pas su retenir

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Commentaires

  • En te lisant, les souvenirs de très beaux moments du film se remettent à chanter dans ma tête. Je ne sais pas comment Audiard, autant magicien que chef d'orchestre, a réussi à convaincre de financer une entreprise aussi baroque, comment il a su trouver la forme idéale, et les interprètes parfaites. "Attendez moi, vous ne le regretterez pas." avait écrit Zoe à Jacques alors qu'elle était prise sur le tournage d'une série. Il a bien fait d'attendre. Et maintenant, j'attends la pluie de récompense aux Césars et, qui sait, un Oscar en prime ?

  • Je me suis précipitée à la 1ère séance du 1er jour (oui je sais j'ai mis du temps à écrire) et le film ne m'a pas encore quittée. Contente de raviver ces beaux souvenirs.
    En plus d'une pluie de récompenses, une place sur le podium de ce modeste blog, j'ai bien l'intention de revoir cette merveille.
    Quel bonheur que de "vieux" cinéastes réinventent le cinéma. Je n'ai pas su comment parler de la virtuosité de la réalisation qui transforme les scènes en drame musical.
    Et ne pas attendre Zoé aurait été une grave erreur. Mais elle est là, éblouissante.
    Et je suis d'accord, comment un réalisateur peut-il imaginer une telle folie sans jamais tomber dans le grotesque mais au contraire en touchant au sublime ?

  • Je l'ai adoré ! Une grande claque, j'ai envie de le revoir.
    Et oui Zoé Saldana est fantastique de bout en bout, j'ai adoré ses scènes musicales, notamment d'ouverture ou encore chez les medecins, dans la salle sur les tables ! Incroyable ce film !

  • J'ai l'impression qu'on peut extraire une pperformance de chaque scène.
    Celle du "gala" de bienfaisance où Zoé est en rouge est incroyable.
    J'irai le revoir aussi.

  • Oui, cette scène m'a particulèrement marquée. Vraiment j'avais du mal à croire que ce soit un monsieur de 72 ans, "homme cis blanc" à la barre de cet ovnis. Il touche au sublime n'en déplaise à ses (rares) détracteurs !

  • Mais oui, comment un tel projet peut-il germer ? Comment s'imaginer ce que cela peut donner ?
    Il est incroyable le grand Jacques.

  • Milieu d'après-midi, 6 personnes dans la salle, mais quel grand film !
    Une bonne claque musicale, ça fait un bien fou ! Putain que c'était bon. Putain qu'elles sont bonnes ces actrices... Et putain, ce Audiard quel talent qui se renouvelle à chaque fois...
    Un grand moment !!

  • Putain oui. Je suis d'accord sur tout putain. Hâte de le revoir.

  • Heureux que tu l'ai autant aimé que moi... Vu la semaine de Cannes, revu ce mercredi... Et je confirme sa place de n°1 de l'année. Enième Chef d'oeuvre pour Jacques Audiard...

  • Je crois qu'on ne peut se satisfaire d'une seule vision.
    Très étonnant ce réalisateur. Surprenant à chaque film. Numéro un cette année c'est sûr.

  • J'ai été déconcerté quelques secondes en me rendant compte que c était presque une comédie musicale. Mais finalement ce genre alliant chant musique et dance permet de mettre en valeur certaines scènes du film. 4 grands et beaux rôles dont en particulier 2 personnages qui prennent toute la place sur l'écran. Superbe film

  • Quand on n'est pas informé cela peut être déconcertant en effet mais je trouve que la partie musicale est intégrée comme jamais au déroulement de l'histoire. Zoé et Karla Solia sont époustouflantes.

  • Bonjour Pascale, désolé mais moi, je me suis ennuyée en voyant ce film. J'avais hâte que cela se termine et donner un prix d'interprétation aux quatre actrices alors qu'il y en a vraiment que deux qui ont des rôles dignes de ce nom est un mystère. Décidément, je suis de plus en plus déçue par le cinéma d'Audiard alors que j'ai tellement aimé ses quatre premiers. Bonne journée.

  • Bonjour dasola, désolée pour toi. Je suis surprise qu'on puisse s'ennuyer devant un tel film !
    Je suis d'accord, le prix pour Zoé et Sofia est plus compréhensible que pour Selena et Adriana.
    Si tu n'as aimé ni Les olympiades, ni Les frères Sisters, ni De rouille et d'os, ni Un prophète... je crois en effet que tu peux renoncer à Audiard.

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