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L'HISTOIRE DE SOULEYMANE

de Boris Lojkine ***(*)

L'HISTOIRE DE SOULEYMANE, Boris Lojkine, cinéma, Abou Sangare, Nina Meurisse, Alpha Oumar Sow, Emmanuel Iovani

Avec Abou Sangare, Nina Meurisse, Alpha Oumar Sow, Emmanuel Iovani

L'histoire de Souleymane, nous ne la connaîtrons qu'à la toute fin du film.

En attendant ce moment, il reste deux jours à Souleymane pour apprendre par coeur l'histoire que Barry lui fait répéter et qui devrait lui permettre d'obtenir le droit d'asile, des papiers et la possibilité de travailler. Barry doit également lui fournir des documents prouvant ses liens politiques avec un parti de son pays, la Guinée-Conakry. Souleymane n'a rien connu des détails politiques qu'on lui énumère mais il s'applique à essayer de retenir les dates, les détails, la chronologie. Ces deux jours qui le mèneront face à une fonctionnaire de l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) à qui on ne la fait pas ne sont pas de tout repos. Souleymane travaille clandestinement. Il livre des repas commandés sur des applications mais puisqu'il est clandestin il utilise le compte d'authentification d'un homme qui ne lui verse pas facilement (voire pas du tout) les sommes qu'il lui doit. Alors Souleymane pédale comme un fou dans les rues de Paris, sombre, sale, pluvieux, dangereux jusque tard le soir pour ne pas rater le bus qui le mènera au centre d'accueil où l'attendent un repas chaud, une douche et un lit près d'un compagnon d'infortune. Et le matin il faut se réveiller très tôt pour trouver une place pour la nuit suivante. La vie de Souleymane est un pur cauchemar. Sa situation le rend invisible. On le rudoie, le bouscule ou on l'ignore. Lui ne fait que courir en essayant de ne pas se faire remarquer. Le pire est que ceux qui sont un peu moins misérables que lui tentent quand même de lui soutirer de l'argent. Rien ne lui est offert ou rarement, un bonbon par une serveuse de restaurant, un thé par le patron d'un café. Les quelques pauses de ce film au rythme infernal proviennent des appels téléphoniques que Souleymane passent à sa mère malade, à sa fiancée laissées là bas, au pays. Ces moments sont tristes et beaux et les seuls où Souleymane risque un sourire.

Boris Lojkine nous avait déjà fortement émus avec Camille son précédent film. Cette fois il nous bouleverse avec cette histoire largement documentée de ce garçon toujours en mouvement, totalement affolé mais d'une douceur poignante. Pour incarner Souleymane, le metteur en scène a eu la main heureuse : "Nous avons plongé dans la communauté guinéenne et c’est finalement à Amiens, par l’intermédiaire d’une association, que nous avons rencontré Abou Sangare, un jeune de 23 ans arrivé en France sept ans auparavant, alors qu’il était encore mineur. Son visage, sa parole, l’intensité de sa présence à la caméra nous ont d’emblée saisis. C’était lui." L'histoire du film s'inspire un peu de la sienne et l'immersion est encore plus totale puisqu'il porte le même nom de famille que le personnage du film. Mais surtout, c'est l'intensité et l'expressivité du garçon qui impressionnent. Il a obtenu pour ce rôle le Prix d'interprétation à Cannes dans la section Un certain regard. Il a déjà déposé trois demandes de titre de séjour qui ont toutes été refusées. Le préfet affirme que l’OQTF (Obligation de quitter le territoire français) émise contre Abou Sangaré, validée par le tribunal administratif d’Amiens en juillet dernier, reste juridiquement en vigueur.

Indépendamment de cela, on vit ce film en immersion et totalement angoissé, jusqu'à la dernière scène bouleversante où il est impossible de ne pas pleurer.

Personnellement, je tremble chaque fois que je vois ces garçons à vélo prendre des risques pour aller plus vite et multiplier les livraisons. Je n'ai jamais rien commandé sur des plateformes telles que Deliveroo ou Ubereats. Je ne réclame pas de médaille, mais après avoir vu ce film, cela risque encore moins de m'arriver. Faites attention à ces livreurs, certains ont sans doute un parcours très difficile.

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Commentaires

  • Quel film bouleversant !
    Comme toi, à chaque fois qu'il chevauchait son vélo au mépris des voitures et des feux tricolores, j'avais peur pour lui, le danger pouvant venir de partout.
    Comme toi, je n'ai jamais commandé sur ces plateformes ( un parce que là où je suis maintenant y'a pas de livraisons, deux même à Paris je voyais pas forcément l'intérêt, il suffit la plupart du temps de descendre en bas de chez soi pour se trouver à la manger) (trois peut-être que j'aurais du, parce que pour ces livreurs c'est peut-être aussi le seul moyen de survivre).
    Bon sinon, assez parler de ma vie qui n'intéresse personne, pas même moi, oui impossible de ne pas être ému par ce film par Souleymane, malgré la détresse dans lequel il est, illumine ce film, un rayon de soleil au milieu de la nuit parisienne égoïste.
    J'espère que tu me parleras de l'avenir Abou Sangaré, t'es très branché people ;-), tu as plus d'info que moi, et que par ton intermédiaire tu me diras qu'il a enfin le droit de rester en France, grâce à ce film, parce que je sens qu'il le mérite, qu'il en a envie, qu'il a une bel âme qu'on devrait garder chez nous... Mais peut-être suis-je trop utopique pour la politique...
    Et quelle mise en lumière de ces jeunes gens au destin aussi fragile que leur passé est douloureux...

  • J'ai tout le temps eu peur et j'ai fini en larmes.
    Je me suis dit aussi que c'était une forme de subsistance pour eux mais je refuse de participer à cet esclavagisme.
    Cette petite bourge qui doit avoir son âge et refuse la livraison car le sac est abîmé... !!!

    Pour l'instant, il semble avoir un sursis de 6 mois (espérons que la préfecture fera preuve d'humanité) :
    Le jeune Guinéen, apprenti mécanicien à Amiens, est le héros de L'Histoire de Souleymane, en salles depuis mercredi. Après trois refus de titre de séjour, et une obligation de quitter le territoire français (OQTF), il a reçu un récépissé de titre de séjour, document provisoire d'une durée de six mois qui lui permet de rester en France dans l'attente d'une décision préfectorale.

  • Et je pense que la petite bourge se reconnaitra, cela dit pas sûr qu'elle regarde ce genre de films...

    Par contre, je n'avais pas conscience de cet esclavagisme lié à ces comptes Ub... Non franchement quel beau film, humain.

  • Bonsoir Pascale, si Abou est obligé un jour de quitter le territoire je me dirais que la France n'a pas fait son boulot de terre d'asile. Bonne soirée.

  • Bonjour dasola. On croise les doigts... Il fait tout bien comme il faut, il travaille, il parle français.

  • Vu en présence du réalisateur à Nancy qui avait bien expliqué la genèse du film.
    Les 2 scènes ou il parle de (avec) sa mère m'ont m'ont bouleversé.

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