MONSIEUR AZNAVOUR
Pour apprécier ce film il faut (je crois) beaucoup aimer Charles Aznavour ou en tout cas ses chansons et être très indulgent vis-à-vis des réalisateurs. Je fais partie de la première catégorie et depuis que j'ai vu le film, je revisite le répertoire du chanteur, surtout celui des premières décennies, et je dois dire que les trajets en voiture semblent beaucoup moins longs. Toutes les chansons me paraissent admirables, elles racontent une histoire et on imagine toujours un court métrage se dérouler sous nos yeux. Et les orchestrations, qui ont eu raison de ses économies, oscillent toujours entre jazz et variété. Un régal.
Quant au film... disons que les réalisateurs n'inventent ni ne renouvellent rien et se contentent de nous déplier une sorte de wikipedia pour les nuls en quelques chapitres qui reprennent chacun le titre d'une chanson. Bonjour l'originalité. Comme le monsieur a quand même vécu 94 ans, il faut se dépêcher pour caser toutes les étapes de cette vie romanesque, de ses amis, ses amours, ses emmerdes. Alors tout y passe : les années de précarité avec des parents artistes qui n'ont pas le sens des affaires, la guerre (et sa collaboration avec Missak et Mélinée Manouchian (et bim l'affiche rouge), le duo formé pendant 7 années avec Pierre Roche (Bastien Bouillon, très bien), sa rencontre avec Edith Piaf pour qui il écrit des chansons et dont il devient la bonniche, trois mariages, des enfants dont un qui surgit au bout de 8 ans, puis les débuts, les premiers succès, la gloire, sa période bling bling avec rolls et manteaux de fourure... Stoooooop ! N'en jetez plus la cour est pleine. Rien ou presque sur sa carrière cinématographique, quelques secondes du tournage de Tirez sur le pianiste et absolument rien sur ses déboires fiscaux. Peu importe, impossible de boucler tout cela en 2 h 21, il faut un peu élaguer. Evidemment rien à redire sur les reconstitutions d'époque et les détails mais est-il nécessaire par exemple de mettre un canotier sur la tête de l'autre Charles (Trénet) pour qu'on le reconnaisse, comme s'il était vissé sur sa tête et qu'il ne le quittait jamais ? Le film est donc linéaire, chronologique, appliqué, scolaire. Pas ennuyeux mais pourtant un poil gênant.
A quoi cela tient-il ? Au fait qu'illustrer quelques moments clés par une chanson souvent géniale qui découlerait de ce moment est un peu léger. Je m'voyais déjà, et bim voilà notre Charles en haut de l'affiche. Désoeuvré dans un bar où se produisent des transformistes et bam voilà Comme ils disent. Et tout est illustré de cette manière. Lourdement et avec des mouvements de caméra tournoyants pour évoquer le temps qui passe... Et puis tout s'accélère jusqu'à la fin où l'artiste semble plus seul que jamais (ce qui ne semblait pas être le cas dans la vraie vie).
Concernant la personnalité du grand Charles on voit surtout un gars sec et nerveux, obsédé par la réussite. Ni antipathique, ni sympathique mais obnubilé par l'idée de prouver que malgré tous ses handicaps (taille, origines, beauté, voix) il va y arriver. On apprend aussi, et on est ravi pour lui, qu'il aurait aussi été un séducteur qui aurait couché avec toute (ou la moitié de) la Côte d'Azur. Et puis évidemment il y a Tahar Rahim dont je ne parviens pas à savoir si son incarnation est géniale ou gênante. Un peu des deux sans doute. Acteur transformiste s'il en est, Tahar Rahim s'est imprégné de son modèle au point de parler, bouger, chanter comme lui. C'est impressionnant certes mais le latex, le maquillage, l'IA ou le numérique font que, ici, c'est gênant car on ne retrouve ni Charles ni Tahar :
Ici ça passe un peu mieux :
Et notre regard est donc ainsi constamment sollicité entre acceptation et stupéfaction, entre là c'est bon, ça passe et non mais là, rien à voir !
Il y a cependant dans ce film deux personnages cruciaux dans la vie de Charles Aznavour interprétés par deux acteurs qui volent la vedette à la star. Pierre Roche, l'ami de et pour toujours, interprété par un Bastien Bouillon solaire. Et Edith Piaf, incarnée par Marie-Julie Baup qui a parfaitement intégré ce mélange de vulgarité, d'empathie, de générosité, d'autorité (et de talent) que dégageait la Môme. C'est elle la reine du bal.
L'émotion, c'est dans les chansons et uniquement dans les chansons qu'on la trouve. A travers les textes souvent admirables qui semblent évoquer que l'homme a toujours couru après sa jeunesse perdue.
Hier encore j’avais vingt ans
Je caressais le temps
Et jouais de la vie
Comme on joue de l’amour
Et je vivais la nuit
Sans compter sur mes jours
Qui fuyaient dans le temps
J’ai fait tant de projets qui sont restés en l’air
J’ai fondé tant d’espoirs qui se sont envolés
Que je reste perdu ne sachant où aller
Les yeux cherchant le ciel, mais le cœur mis en terre
Hier encore j’avais vingt ans
Je gaspillais le temps
En croyant l’arrêter
Et pour le retenir même le devancer
Je n’ai fait que courir
Et me suis essoufflé
Ignorant le passé conjuguant au futur
Je précédais de moi, toutes conversations
Et donnais mon avis que je voulais le bon
Pour critiquer le monde avec désinvolture
Hier encore j’avais vingt ans
Mais j’ai perdu mon temps
A faire des folies
Qui ne me laissent au fond
Rien de vraiment précis
Que quelques rides au front
Et la peur de l’ennui
Car mes amours sont mortes avant que d’exister
Mes amis sont partis et ne reviendront pas
Par ma faute j’ai fait le vide autour de moi
Et j’ai gâché ma vie et mes jeunes années
Du meilleur et du pire
En jetant le meilleur
J’ai figé mes sourires
Et j’ai glacé mes pleurs
Où sont-ils à présent
A présent mes vingt ans ?
Et redécouvrir cette chanson là peut-être un peu oubliée est également un vrai bonheur :
Commentaires
Pas tentée du tout. Je préfère écouter un bon vieux CD.
Ça n'a pas grand intérêt. La page wikipedia et de bons vieux CD, ça ira.
Vu dans la nouvelle salle Pathé palace Opéra extraordinaire sauf le prix
En revanche ce n est pas vraiment un film plutôt un jukebox avec comme toi une drôle d impression concernant Tahar....est ce un acteur, une prothèse, un effet spécial,une intelligence artificielle ? Je l'ignore mais je pense un peut de tout ça
Un savant mélange de tout ce qu'on peut faire pour trafiquer le physique et la voix. Depuis la tête de Marion dans la Môme je n'avais rien vu de pire.
Mais le juke box, ça l'a fait -pour moi.
D'accord avec tout ce que tu dis... Mais étant fan de Aznavour je me dis que l'hommage est plutôt bien, l'émotion est là (merci la BO Aznavour !), et la fiche Wikipedia c'est aussi vrai, je n'ai rien appris mais ça reste l'apanage des biopics... J'ai trouvé le pari réussi malgré les "gênances"
J'adore Aznavour aussi et replonger dans son répertoire c'est vraiment agréable et plus que ça. Mais les "gênances" sont vraiment très très gênantes.
On nous a un peu survendu le film, en insistant sur la "performance" de Tahar Rahim. C'est un grand acteur, nul n'en doute, mais là, il en fait trop, alors qu'au niveau de la mise en scène et du scénario, c'est plutôt "pas assez". (Dommage notamment pour la carrière d'acteur.)
Si le film incite davantage de monde à (re)découvrir un des plus grands auteurs-compositeurs-interprètes français (du XXe siècle), alors il n'aura pas été inutile.
C'est incroyable qu'en se voyant dans un miroir il n'ait pas vu que quelque chose clochait. Ça ne va du tout cette tête.
Mais Aznavour le vrai et ses chansons restent indétrônables.
C était agréable d'entendre le grand Charles sur un grand écran. Sinon peu d'émotion je trouve.. La vie du chanteur défile devant nous....
C'est ça, la vie défile sans point de vue ni la moindre émotion.
Heureusement il reste les chansons.
C'est vrai que ce n'est pas très orienté sur l'émotion.
Si ! Une scène, tout de même, quand il quitte sa famille après avoir appris que son fils...
Mouais...
Et la scène qui suit est parfaitement ratée : je pars, j'ai pas que ça à faire...