CHRONIQUES CHINOISES
avec Hao Qin, Xiaorui Mao, Qi Xi
Un réalisateur et son équipe se retrouvent dans un hôtel et reprennent le tournage d'un film abandonné dix ans plus tôt pour faute de financement.
La joie des retrouvailles, puis les séances de travail laissent vite place aux doutes et à l'inquiétude. Il faut dire que cela se passe en Janvier 2020 et que l'hôtel est situé à Wuhan... Si cette date et le nom de cette ville se sont effacés de votre mémoire c'est que vous êtes dangereusement amnésiques. C'est bien de là que se trouve l'origine de l'épidémie de Covid-19 prétendument répandue par un pangolin. La façon dont les autorités chinoises ont traité la pandémie est d'une brutalité qu'on a sans doute retrouvée nulle part ailleurs et parfaitement décrite ici.
Rapidement et sans discussion les membres de l'équipe, sauf quelques privilégiés qui ont réussi à s'échapper contrairement à d'autres qui ratent leur évasion, se retrouvent confinés dans l'hôtel, enfermés dans leur chambre avec interdiction de communiquer et surtout de quitter la chambre. De pseudo reportage sur un tournage, mi fiction mi documentaire, le film se transforme en reportage du confinement. Le réalisateur qui ne perd pas de vue son objectif de tourner un film demande à chacun de filmer son propre enfermement.
Les traducteurs du titre ont encore fait fort puisque le titre original est An Unfinished Film qui correspond nettement mieux à ce film inachevé. Le résultat est inégal mais le réalisateur réussit à capter ce qui a fait le quotidien d'à peu près chacun de nous sur la planète où nous avons enchaîné les émotions fortes : la peur, l'inquiétude, la solitude, l'ennui mais aussi quelques moments de pure joie. Ce sont les meilleures scènes, celles qui évoquent cette étrange période. Un soir l'acteur principal devenu insomniaque s'endort avec sa femme en visio qui supporte mal la situation et leur séparation. C'est très beau et très doux. Le soir du Nouvel an chinois, tous les protagonistes se retrouvent en appel groupé et finissent par braver l'interdit pour faire la fête dans les couloirs. D'autres moments sont plus douloureux. Celui notamment où une jeune fille dans la rue suit en courant une ambulance dans laquelle se trouve sa maman morte.
Li Wenliang, le médecin (il était ophtalmologue) lanceur d’alerte dès décembre 2019, mort à 34 ans du covid en février 2020 est rapidement évoqué. Le film alterne les scènes de fiction et les images d'époque tournées au téléphone portable. Nul besoin de s'appesantir sur la charge et la critique du régime. Les images parlent d'elles-mêmes. Avec le recul, on a du mal à croire qu'on a vraiment vécu cela. Plus rien ne devait être comme avant... mouarf !
Commentaires
Une blogueuse que je suis et qui a vécu les évènements de l'intérieur écrit le grand bien qu'elle pense de ce film interdit en Chine (peu surprenant). Pas sûr que je puisse le voir mais j'en ai clairement très envie.
Il te plairait ce film.
Vivre le confinement là-bas devait être quelque chose... certains bâtiments barricadés et pas une heure de balade quotidienne avec auto attestation.
Elle a surtout été marquée par tous ces petits "hommes blancs", revêtus de leur tenue anti-bactériologique, qui gèrent le confinement total d'une voix et d'une main autoritaires. Effrayant.
Oui aussi. Effrayant. Et ils pulvérisaient du désinfectant dans les rues.