TROIS KILOMÈTRES JUSQU'À LA FIN DU MONDE
d'Emmanuel Parvu ***
Avec Bogdan Dumitrache, Ciprian Chiuidea, Laura Vasiliu
Pendant les vacances scolaires, Adi, 17 ans, rentre dans son village natal dans le delta du Danube.
Le village n'est accessible que par bateau (sans doute les trois kilomètres du titre) et l'avenue principale est en terre battue. Tout se passe bien avec ses parents, un couple simple et aimant. Mais un soir Adi est violemment agressé en sortant d'une soirée. Les coupables sont rapidement identifiés et avouent simplement qu'ils l'ont tabassé parce qu'il est homo. Personne n'était au courant et tout le monde perd pied face à cette révélation qui dérange. En premier lieu les parents d'Adi qui pousseront très loin leurs réactions face à la honte qui s'abat sur eux.
Le plus éprouvant dans l'histoire est de constater que rapidement plus personne ne se préoccupe de la santé d'Adi. Même si le jeune homme est conduit chez un médecin pour qu'il détaille l'étendue des dégâts, à aucun moment par la suite on ne se préoccupe de sa santé et de ses douleurs. Si ce n'est l'amie d'enfance, Ilanka, vigilante et pas sotte qui sera la seule à entrevoir les choses étranges qui entourent Adi. L'agression n'est pas montrée (merci) mais le résultat du carnage sur le visage et le corps d'Adi ne laisse planer aucun doute sur sa violence. Et le film se concentre davantage sur les réactions de l'entourage proche, les parents, mais aussi la police, le curé et le père des agresseurs (à qui le père d'Adi doit de l'argent).
Le film est réalisé en plans fixes (très beaux) où ce sont les acteurs qui entrent et sortent du cadre. Contrairement aux autres films roumains souvent urbains et toujours écrasés par la grisaille, ici c'est l'été, il fait très beau, très chaud et toute cette beauté environnante tranche avec la bêtise crasse des protagonistes restés figés au Moyen-Âge, jusqu'à un exorcisme... Car l'homosexualité est une maladie ou une malédiction qui se soigne ! Et l'histoire tourne autour de la maison familiale, la gendarmerie dont le responsable souhaite étouffer l'affaire pour partir en retraite sans bavure et l'église et ce curé qui confond exorcisme et prière. Le but pour tous n'est pas de punir les coupables, d'écouter la victime mais d'étouffer l'affaire !
L'arrivée espérée et inattendue des services sociaux relance le film et crée une tension où l'intolérance finit par se heurter à des questions pertinentes.
Pas de grandes surprises face à l'ignorance et la bêtise mais un beau cheminement vers l'indépendance. Lors de la dernière scène au bord de l'eau, j'ai encore tremblé... puis j'ai failli applaudir.