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UNE PART MANQUANTE

 de Guillaume Senez ***(*)

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Avec Romain Duris, Mei Cirne Masuki, Judith Chemla, Patrick Descamps

Jay subit les conséquences d'une étrange coutume japonaise selon laquelle en cas de séparation, le premier du couple qui part avec l'enfant issu du mariage en a la garde !

Depuis 9 ans, ce français jadis chef cuisinier, a aimé et épousé une japonaise. Après leur séparation, il est resté à Tokyo dans l'espoir de retrouver sa fille Lily. Il est devenu chauffeur de taxi la nuit, et le jour il accompagne dans ses démarches une mère dans la même situation que lui, à qui on a arraché son enfant sans qu'elle puisse le voir. Et un jour, une jeune fille entre dans son taxi. Jay semble reconnaître Lily.

Depuis toutes ces années Jérôme devenu Jay-san s'est parfaitement adapté au pays. Il parle un japonais parfait (Romain Duris est impressionnant de naturel dans l'exercice), connaît Tokyo comme sa poche (il indique un itinéraire à un confrère tokyoïte, sidéré qu'un gaijin parle aussi bien la langue et connaisse aussi bien la ville), fréquente les mêmes bains réservés aux hommes (sento) que Monsieur Hirayama et sait parfaitement qu'au Japon il est indispensable de faire profil bas, ne jamais oser le ton, s'excuser même quand on a raison, ne pas interférer dans les décisions aberrantes de la justice conservatrice japonaise. Son existence austère est tout entière consacrée à croire à ses retrouvailles avec Lily. A l'autre bout du monde, en France, le père de Jay (Patrick Descamps paternissime) se désole en visio de l'absence prolongée de son fils.

La rencontre avec Lily va faire perdre toute retenue à Jay. Consciemment ou inconsciemment il va dépasser toutes les limites permises dans ce pays pour être avec sa fille. On tremble avec eux, pour eux tout en les accompagnant avec ravissement dans une parenthèse véritablement enchanteresse.

Après Keeper et Nos batailles, le réalisateur s'empare une nouvelle fois d'un thème qui lui est cher. Il décrit les liens familiaux et plus précisément ceux qui unissent ici un père à sa fille, absente chérie plus que tout. C'est son meilleur film aujourd'hui, encore plus bouleversant que les précédents. D'autant plus que le père en question reste un étranger qui doit constamment se plier aux contraintes et exigences de la justice mais aussi de son ex belle-famille qui ne veut plus entendre parler de lui et prétend que Lily l'a oublié. La beauté, la lumière et l'espoir viendront de cette petite jeune fille de 12 ans qui souffre aussi, affirme comme il est difficile d'être métisse dans ce pays après la maladresse involontaire d'une serveuse de restaurant, comme de ne pas avoir de père dont on lui a dit qu'il avait quitté Tokyo sans jamais chercher à la revoir. Tout est décrit ici avec délicatesse et subtilité. A aucun moment le réalisateur et les acteurs ne cèdent à la facilité des larmes et pourtant lorsque l'émotion surgit, il est difficile de retenir les nôtres.

De notre côté de l'écran, on s'indigne du traitement réservé au père (mais le même sort est réservé à une mère qui n'a pas été la première à garder l'enfant...) et on est bouleversé par le combat insensé et qui semble perdu d'avance que Jay doit mener. En père obsessionnel, abattu et désespéré, Romain Duris est meilleur et plus bouleversant que jamais. Il faut dire que nous faisons sa connaissance alors qu'il a déjà derrière lui 9 années d'isolement, orphelin de cette petite fille qu'il aime par dessus tout, il a dépassé le stade de la colère et de l'indignation. L'acteur joue cette partition avec une retenue et une tendresse bouleversantes. La jeune Mei Cirne Masuki est également formidable. Les dernières scènes mettent KO. J'ai fini en larmes, deux fois (bon signe).

P.S. : le réalisateur a tenu à filmer un Japon loin des clichés habituels (cerisiers en fleurs, Mont Fuji) mais il semble qu'à son insu, le Mont Fuji se soit incrusté dans un plan. Je ne l'ai pas vu. Vous pourrez essayer de le débusquer.

P.S.2 : en revoyant le film, j'ai trouvé à quel moment le Mont emblématique pointait son nez. Comment un Mont (moi qui préfère la mer à la montagne) peut-il faire surgir une émotion, un sourire ?

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