GOOD ONE - KAFKA : LE DERNIER ÉTÉ
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GOOD ONE d'India Donaldson **(*)
Avec Lily Collias, James LeGros, Danny McCarthy
Sam (c'est une fille), 17 ans, accompagne son père Chris pour un week-end dans la région des montagnes Catskills (faites une recherche google images pour avoir un aperçu de la beauté de l'endroit) de l'Etat de New York. Ils passent prendre Matt, l'ami de Chris. Son fils devait se joindre à eux mais à la dernière minute le garçon pique une crise d'ado et ne participe pas. Sam se retrouve donc seule avec les deux hommes. On sent dès leur arrivée sur place que ces randonneurs sont habitués à ce genre d'escapade en pleine nature. Rien ne les rebute, ni le froid, ni l'humidité, ni la tambouille approximative et tous les gestes pour installer et démonter le campement s'effectuent sans un mot et sans le moindre embarras. Chacun sait ce qu'il a à faire et le fait. La parole est rare et parfois le trio s'arrête de marcher pour contempler.
De l'autre côté de l'écran, on peut presque ressentir le froid et l'humidité et j'ai trouvé le film, malgré son calme, étrange et dérangeant. A tout moment, le danger semble rôder et la menace aussi, notamment lorsque trois loustics s'installent juste à côté du campement alors que la place ne manque pas partout ailleurs... Avec simplicité la réalisatrice filme un huis clos en pleine nature et installe entre Sam, son père et son ami une sorte de mutisme entrecoupé parfois de dialogues où sont évoquées quelques questions existentielles. Il faut dire que Matt est en instance de divorce et vit mal ce moment. Lorsque surgit le point de bascule, tout comme Sam, on reste médusé, abasourdi, encore une fois, comme eux, sans voix. Sagit-il d'un écart de langage, d'une parole maladroite, d'un dérapage ou faut-il prendre très au sérieux ce que Matt dit à Sam en l'absence de Chris ? Dès lors, à partir de ce moment, l'escapade n'a plus rien de bucolique et contemplatif. Tout devient sombre même si on est sûr de rien et le malaise plus que jamais recouvre tout et scelle la solitude de Sam face aux adultes, face aux hommes et à la réaction insensée, incompréhensible de son père...
Mystérieux je vous dis, comme le titre que je n'ai pas compris.
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KAFKA : LE DERNIER ÉTÉ de Georg Maas et Judith Kaufmann ***
Avec Sabin Tambrea, Henriette Confurius, Daniela Golpashin
À l’été 1923, au bord de la Baltique, Franz Kafka rencontre une jeune institutrice Dora Diamant dont il tombe éperdument amoureux. Il ne cache pas à la jeune femme de 25 ans (il en a 40) qu'il est gravement malade, atteint d'une tuberculose pulmonaire. Dora choisit néanmoins de vivre cet amour. Elle redonne à Franz l'envie et le goût de vivre et d'écrire. Malgré des conditions de vie très difficiles en raison de l'inflation de 1923-1924 à Berlin où il réside, le couple vit une période de bonheur avant l'entrée au sanatorium.
Il ne s'agit donc pas d'un biopic classique mais comme le titre du film l'indique, de la dernière année et plus précisément du dernier été de l'écrivain en compagnie de la dernière femme qu'il a aimée. Le roman dont s'inspire les réalisateurs est La splendeur de la vie (Die Herrlichkeit des Lebens) de Michael Kumpfmüller comme toujours remplacé subtilement par un banal dernier été... C'est en s'imprégnant des écrits de Kafka, ses journaux, sa correspondance que l'auteur a pu déceler que ce dernier amour était sans doute le plus accompli, Kakfa ayant toujours entretenu des relations difficiles avec les femmes. Les réalisateurs se sont donc appliqués à donner à leur film tout l'aspect solaire et rayonnant d'un bel amour partagé plutôt que de s'attacher à la personnalité complexe et sombre de Kafka. Nous le verrons donc éclater de rire, conduire une moto, offrir des fleurs et poser un regard adorateur sur sa Dora. A quelques reprises, l'emprise terrifiante et les rapports conflictuels avec son père seront abordés et la longue lettre (de 100 pages) qu'il ne lui a jamais envoyée et qui résume à elle seule toute l'influence de cette relation avec ce père autoritaire et manipulateur. Ainsi que ce testament littéraire qu'il avait remis à son cher ami Max Brod qu'il n'a pas respecté. Il semble que même de son vivant, Kafka passait beaucoup de temps à détruire ses écrits : "Voici, mon bien cher Max, ma dernière prière : Tout ce qui peut se trouver dans ce que je laisse après moi (c'est-à-dire, dans ma bibliothèque, dans mon armoire, dans mon secrétaire, à la maison et au bureau ou en quelque endroit que ce soit), tout ce que je laisse en fait de carnets, de manuscrits, de lettres, personnelles ou non, etc. doit être brûlé sans restriction et sans être lu, et aussi tous les écrits ou notes que tu possèdes de moi ; d'autres en ont, tu les leur réclameras. S'il y a des lettres qu'on ne veuille pas te rendre, il faudra qu'on s'engage du moins à les brûler. À toi de tout cœur." Franz Kafka
J'ai apprécié le récit sobre et émouvant de ce bel amour tragique où se côtoient la vitalité de la jeunesse de Dora et le rapide déclin de Franz. C'est beau de voir comment les derniers mois de cet éternel anxieux fut illuminé par la joie, le dynamisme et l'amour sincère de cette jeune femme. Ici se révèle tout un pan inconnu de sa personnalité ombrageuse, sa douceur, sa gentillesse, son romantisme.
Et puis les deux acteurs se dévorent littéralement des yeux et nous font croire à leur adoration réciproque. Ils sont formidables même si Sabin Tambrea me semble beaucoup plus beau (un petit côté Ralph Fiennes) que Franz Kafka qui avait le regard sombre et inquiétant, mais les yeux tristes et inquiets de l'acteur conviennent aussi à la détresse du personnage.