SARAH BERNHARDT, LA DIVINE
de Guillaume Nicloux **(*)
Avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Amira Casar, Grégoire Leprince-Ringuet, Laurent Stocker, Pauline Etienne, Mathilde Ollivier
Comédienne, actrice, directrice de théâtre (et j'en passe), auto-proclamée Divine et adulée de son vivant, Sarah Bernhardt (1844-1923) est considérée comme la première star internationale et la plus grande tragédienne des XIXème et début du XXème siècles.
Victor Hugo, qui aurait été son amant, l'appelait la voix d'or, Jean Cocteau a inventé pour elle le titre de monstre sacré, elle a effectué des tournées triomphales à travers le monde, et peut-être au-delà, qui sait.
"Je suis si mince, si maigre, que quand il pleut je passe entre les gouttes" disait-elle et Alexandre Dumas fils (qui la détestait), ajoutait "Elle est si menteuse qu’elle est peut-être grasse". Sa vie tumultueuse et excentrique méritait bien un biopic, ce qui jusqu'à présent n'avait jamais été fait. S'appuyant sur les mensonges de la dame qui lui permet de ne pas forcément coller à la réalité et compte tenu du désordre et de la frénésie de la vie trépidante de l'artiste, Guillaume Nicloux choisit de s'attacher à deux périodes clé : l'amputation de la jambe de Sarah et son jubilé alors qu'elle est en pleine gloire, une soirée délirante où devant le tout-Paris elle se fait quitter par l'amour de sa vie Lucien Guitry (père de Sacha). Et c'est lors de son séjour à l'hôpital où elle se rend presque joyeusement ("Ah nous voici arrivés à la boucherie") pour subir l'amputation à sa demande qu'elle reçoit la visite de Sacha (fils de Lucien) à son chevet. Elle lui raconte alors les raisons de la brouille entre elle et son père 15 ans plus tôt. ça sent le flash-back. Banco.
Scandaleuse et tyrannique, génie de la scène, la divine capricieuse a savamment, clairement et inconditionnellement été entretenue dans ses pires travers par un entourage hypnotisé par le charisme irrésistible de la dame. Sauf qu'hélas, si le film est un joyeux (bordel) chaos, un salon des curiosités échevelé emmené par une Sandrine/Sarah virevoltante et charismatique, on ne voit jamais la star au travail et à aucun moment on ne peut avoir le plaisir de découvrir son jeu emphatique, outré qui faisait s'évanouir les foules. Dans la scène d'ouverture elle s'éteint dans les bras de Lucien Guitry mais il s'agit de l'ultime scène de la Dame aux camélias où Marguerite murmure une dernière fois son amour à Armand. Pour le reste, il nous est demandé d'admettre qu'elle est une immense comédienne sans jamais nous le démontrer. Sarah Bernhardt est ce genre de femme à qui personne ne dit jamais non. Et le réalisateur en fait aussi paradoxalement une amoureuse transie implorante qui se jette aux pieds de l'amant qui finit par l'abandonner. Je n'y ai pas cru un instant.
Quant à la frénésie de la vie trépidante, l'énergie infatigable de Sarah, sa façon admirable d'enfourcher les problèmes pour les transformer en étapes, ses caprices de diva, ses extravagances (un boa constrictor, une panthère dans son salon) son charisme vampirique... ils ont fini par me fatiguer. Le réalisateur est tellement fou de son personnage qu'il fait de Sarah une ardente dreyfusarde à l'origine du J'accuse de Zola, use et abuse du name dropping sans grande subtilité : oh Zola ! Oh Freud ! Oh Guitry (père et fils) !
Au final, je n'ai vraiment pas eu l'impression de connaître davantage Sarah Bernhardt après le film qu'avant si ne n'est qu'elle était une femme énergique, virevoltante, exigeante et capricieuse. Cela aurait tout aussi bien pu être n'importe qui. Sandrine Kiberlain est par contre absolument irréprochable. Elle imprègne son personnage, dans des décors et des costumes surchargés, baroques, la fantaisie, l'autorité et l'énergie (j'ai beaucoup moins cru aux moments de désespoir) dont elle est capable et son interprétation échevelée lui offre de fortes chances de monter sur scène en février prochain... Quant à ses nombreux et talentueux partenaires (ma préférence va à Laurent Stocker), ils ne sont tous que des pantins faire-valoir à ce one woman show et doivent se contenter de réactions émotionnelles en très gros plans (sur les grains de peau et maquillages relativement réussis).
Pendant le générique on peut découvrir un court extrait du film de Sacha Guitry Ceux de chez nous, réalisé en 1917 où l'on voit et entend la vraie Sarah interviewée. C'est ce film là que j'ai envie de voir.
Commentaires
Bonsoir Pascale, je suis assez d'accord pour regretter de ne pas voir Sarah jouant sur scène mais c'était peut--être un peu compliqué à faire. Sinon, rien que pour les décors, les costumes et Sandrine, il faut aller voir le film. Bonne soirée.
Bonjour dasola. Je ne vois pas bien en quoi ce serait si compliqué. Il existe des films pour la voir jouer et les acteurs savent imiter. Il me faut un peu plus que des décors et des costumes pour apprécier. Je me suis ennuyée et je n'en pouvais plus de ces gros plans.
J'ai beaucoup aimé, merci surtout à la performance de Sandrine Kiberlain vraiment éblouissante, par contre dommage que le film est dénué de séquence avec la comédienne sur scène, en action. Sinon ça reste un film très réussi
Assez répétitif dans le côté festif et excentrique de la dame.
Où est la comédienne là dedans ?
Mais oui Sandrine est divine.
C'est vrai que l'on apprend peu de chose sur Sarah B. Et dommage effectivement peu d'image sur scène. Sandrine K se donne à fond ainsi que tout ceux qui l'entourent. De beaux costumes...
Oui beaux costumes, beaux décors (un peu étouffants) et grande Sandrine. Est-ce suffisant ? Non pour moi.
Sandrine est épatante... et heureusement, parce que sinon, le film serait plutôt un ratage. Je trouve que cela manque de naturel. On sent trop le "qualité France" culturel. Alors oui les décors et les costumes sont superbes, mais les (nombreuses) scènes où l'on voit la bande d'artistes (plus ou moins) libertaires claquer un pognon de dingue finissent par lasser.
Oui Sandrine est irréprochable même si on sent la performance.
Le travail de l'artiste n'est pourtant pas au centre du projet.
Le summum est quand même atteint lorsqu'elle semble être à l'origine du J'accuse de Zola... le gars a l'air de débarquer de la lune et ne rien savoir de l'affaire.
Et le "dreyfusisme" de Sarah ne semble débouler là que par esprit de contradiction. Raté.