MAJA, UNE ÉPOPÉE FINLANDAISE
Inculte, ne sachant ni lire ni écrire, élevée dans un traditionalisme religieux strict où croyances et superstitions se confondent, Maja est néanmoins heureuse avec ses parents chéris et sa soeur adorée. Solide jeune femme du XIXème, elle est une paysanne épanouie qui communie littéralement avec la nature. Quitter sa famille l'effraie totalement, d'autant que Janne a pour projet de l'emmener sur une île : "J’ai trouvé un endroit pour nous : Stormskerry. Il y a du poisson, on peut y créer son propre monde et c’est beau, complètement ouvert et libre : une mer à l’infini, du vent, du soleil. Tout ça serait à nous".
Le départ est douloureux et malgré l'isolement Maja est immédiatement conquise par cette île oubliée des hommes et des dieux. Grâce à la douceur, la gentillesse de Janne, les deux jeunes gens vont s'aimer follement, joyeusement, se dévorer des yeux, batifoler dans l'eau glacée, commencer par vivre dans une étable, construire de leurs mains une maison et vivre de la pêche et de leurs cultures dans des conditions climatiques souvent extrêmes.
1, 2, 3 puis 4 enfants plus tard, le bonheur et l'amour continuent de ruisseler sur l'île et la famille. Mais la guerre (de Crimée en 1854) va s'inviter dans cet idéal presqu'irréel, l'ennemi est anglais, il s'installe sur l'île et Janne est obligé de fuir pour ne pas combattre ou être froidement abattu. Seule avec ses enfants Maja va continuer à vivre, à survivre, tenir tête aux hommes, leur servir d'esclave, s'émanciper, s'instruire, tenter de protéger ses enfants, continuer d'espérer et de croire au retour de Janne.
Un tel drame romantique sous le soleil et dans la glace qui traverse les décennies, je pense ne pas en avoir vu depuis Le docteur Jivago. Comme Lara, Maja est une héroïne inoubliable qui était loin d'imaginer quel tempérament de feu couvait sous la docilité de la petite paysanne timide. Adapté d'un roman, saga littéraire en cinq tomes d'Anni Blomqvist, best-seller culte en son pays, le film est épique, romantique, truffé de surprises et de rebondissements et cartonne au box-office finlandais. On le comprend, son héroïne interprétée par Amanda Jannson (qui m'a rappelé Emily Watson dans Breaking the waves) est un personnage de femme libre et forte qui surprend, charme constamment et impose le respect. Sa force, elle l'exprime face à son homme qui encaisse le fruit de son travail, puis un autre qui lui refuse un prêt : "j’ai survécu à la guerre, à la famine et aux épreuves. Est-ce que cela vaut moins parce que je ne suis pas un homme ? Je ne suis pas folle et je n’ai pas peur."
Et puis il y a cet amour comme on en voit peu au cinéma et c'est la réalisatrice qui en parle le mieux : "Je souhaitais faire un film où le sentiment amoureux serait magnifié. Cet amour est empreint d’une acceptation totale et inconditionnelle de l’autre. Je pense que chacun mérite d’être aimé de cette façon-là." Le film illustre parfaitement cette volonté de nous faire ressentir ce sublime sentiment. Observer Maja et Janne s'aimer est un éblouissement, un peu comme si on s'imprégnait un peu de cet amour. La réalisatrice ajoute : "Cet amour permet, à la personne qui le reçoit, de réaliser pleinement son potentiel. Il lui donne une force telle qu’elle peut surmonter les moments les plus difficiles de la vie..."
Le titre (français ?) n'est pas vraiment adapté car l'épopée évoque plutôt une aventure en mouvement (je trouve) alors que dans ce grand et beau mélo plutôt intimiste bien qu'ouvert sur l'immensité, on ne quitte pas l'île tellement magnifique mais dangereuse où tout se joue sans la quitter. La nature sublime, puissante, majestueuse et terrible protège et met en péril ce grand amour célébré par deux acteurs magnifiques.
La bande-annonce et les photos vous donneront une vague idée de la beauté irréelle de ce film.
Commentaires
Je ne connaissais pas du tout mais j'aime tout ce que tu dis de ce film et ça me donne envie de le voir !
C'est un film dont on a encore peu parlé: merci de l'avoir fait!