d'Antoine Chevrollier ****

Avec Sayyid El Halami, Amaury Fouchet, Damien Bonnard, Artus Solaro, Mathieu Demy, Florence Janas, Léonie Dahan-Lamort, Crystal Shepherd-Cross

Willy et Jojo amis pour la vie s'ennuient ferme dans leur village du Maine-et-Loire entre Saumur et Angers.

Pour tuer le temps et épater les copains, ils font parfois de grosses conneries. Surtout Jojo qui n'hésite pas à traverser à toutes berzingues sur sa moto un carrefour à grande circulation sans s'arrêter au stop. Mais alors que Willy devrait s'atteler aux révisions pour passer le bac, Jojo s'entraîne d'arrache-coeur sur le terrain dédié, la Pampa du titre, et remporter une compétition régionale de moto-cross. On ne sait si cette activité lui plaît réellement ou s'il souhaite simplement briller aux yeux de son père et entraîneur qui voit en lui un champion.

Les deux amis se sont promis de ne pas s'encroûter dans le coin et de partir réaliser leurs rêves (très imprécis) au plus vite. Lorsque Willy découvre le secret de Jojo, rien ne change entre les deux garçons. Mais la rumeur, les réseaux sociaux s'emparent de la révélation et tout s'effondre.

Voici une nouvelle vision/version de la jeunesse "des régions" qui a un petit côté Vingt Dieux (le "petit" film sensation de 2024) dans son ancrage au terroir et sa pratique d'un sport à haut potentiel testosteroné (le stockcar dans le Jura, le moto-cross dans le Maine-et-Loire). Mais on ne retrouve pas la lumière qui finissait par briller chez les jurassiens. Ici tout devient plus sombre et dramatique lorsqu'il est question de harcèlement, d'homophobie, de parents dépassés voire clairement pas à la hauteur ou qui cherchent à reporter sur leur progéniture leurs propres rêves qu'ils n'ont pas réalisés.

Le réalisateur s'appuie sur ce qu'il connaît, sa région mais aussi le terrain de moto-cross de sa jeunesse, lieu ultime pour prouver sa virilité et briller aux yeux des pères qui n'en manquent pas. Les jeunes font comme ils peuvent et se débrouillent avec la crainte de décevoir leurs parents et l'envie de se démarquer. Les parents ici sont gratinés. Entre la mère qui s'exclame : "qu'est-ce que j'ai raté ?", l'autre qui s'écarte comme si son fils avait la rage, le père qui ne rêve que d'exploits sportifs... Chapeau aux acteurs (Damien Bonnard, Florence Janas, Crystal Shepherd-Cross)  qui endossent ces personnages.

Ce beau récit d'amitié est également éclairé par la présence d'une jeune fille (Léonie Dahan-Lamort) elle aussi victime des ragots et des on-dit qu'elle se refuse à démentir. Elle est la lumière au bout du tunnel pour Willy. Une fille surprenante qui l'emmène au Château d'Anger découvrir La tenture de l’Apocalypse (oeuvre monumentale de cent-quarante mètres de long et six mètres de haut couvrant une surface totale de 850 m² et montrant les fléaux qui s'abattent sur l'humanité et les combats entre le Bien et le Mal). Les moments dans l'hôpital abandonné sont également magnifiques.

Willy c'est Sayyid El Halami. Il volait déjà allègrement et sans esbroufe la vedette au très surestimé Paul Kircher dans Leurs enfants après eux et donne très envie de découvrir la mini série Oussekine réalisé par un certain Antoine Chevrollier et dont il tient le rôle titre. Une fois encore avec sa délicate, discrète et humaine présence il impose son personnage par son jeu subtil et nuancé. De témoin dans la première partie, il se retrouve au centre de l'action et s'empare du film en douceur. Il forme avec son petit copain de jeu, Amaury Foucher (Jojo), lui aussi irréprochable, un beau binôme de garçons qui ne veulent pas à tout prix passer par la case virilité et masculinité. Mathieu Demy (vite un grand et long rôle pour ce magnifique acteur) et Artus à total contre-emploi complètent avec bonheur le casting impeccable.

On embarque sans résister dans cette histoire menée tambour battant dans la poussière de la pampa où se cognent les générations qui se croient irréconciliables. Un récit de passage à l'âge adulte qui se fait dans la douleur et la tristesse. Beau et émouvant.