MON PREMIER FICA Festival International des Cinémas d'Asie 2025
mais pas mon dernier tant j'y ai passé un séjour merveilleux.
Et, chose rare dans un festival, tous les films que j'y ai vus m'ont beaucoup plu.
J'ai d'abord eu la bonne idée après moult hésitations de me rendre à Vesoul sans mon ordinateur. Je n'ai pas regretté. J'ai pu voir les films en toute détente sans avoir la contrainte de rédiger un article en rentrant dans mon AirBnB. La sensation de liberté et de légèreté est totale sans cette contrainte. Je renouvellerai l'expérience.
Après la surprise de la découverte de l'organisation, toujours différente d'un festival à l'autre, j'ai obtenu mon pass et mes billets. En m'engouffrant dans la première file d'attente j'ai pu constater au fil des séances que le public était assez impatient, agacé, pressé (je me suis faite bousculer au point de presque tomber et devoir me raccrocher de justesse à une dame qui se demandait bien ce qui lui arrivait ; il est vrai que les couloirs sont étroits au moment du croisement entre les entrées et les sorties de salles).
Heureusement ce public était parfaitement calme, attentif à chaque projection de film jusqu'au générique. C'est très appréciable. Dans la vie réelle (hors festival) les gens se lèvent dès la dernière image sans se soucier que d'autres cherchent à profiter du générique qui, parole de réalisateur : fait aussi partie du film (demandez à Brady Corbet... qui encadre son film par deux génériques époustouflants de beauté ; le premier défile horizontalement, le second est bancal...). Fin de la parenthèse brutaliste.
Détendez-vous gens de Vesoul ! A partir du moment où vous êtes dans la première file d'attente (avant le contrôle des billets) c'est que vous avez un ticket et donc une place garantie.
Les bénévoles aux caisses, aux contrôles, à l'entrée des salles sont par contre tous parfaitement charmants.
Le cinéma Majestic porte bien son nom, les salles sont absolument magnifiques, somptueuses, je dirais presque luxueuses. Il y a de la place pour les bras, pour les jambes, c'est idéal pour voir les films dans les meilleures conditions possibles et oublier instantanément la mauvaise humeur de certains festivaliers.
Je me suis réjouie (et masquée, mon dernier festival à visage découvert en octobre m'ayant laissé le cadeau d'un petit covid) de voir des salles pratiquement combles pour chaque film. J'étais enchantée de constater cet engouement pour le cinéma d'Asie qui s'étend ici du Japon à la Corée, du Liban aux Philippines, de la Chine à la Birmanie, à l'Iran ou au VietNam en passant par le Yémen et la Palestine (liste non exhaustive et dépaysement garanti).
L'un des bonheurs des festivals, je vous l'ai déjà dit, est de pouvoir voir des classiques ou simplement des films anciens qui nous ont échappés lors de leur sortie mais aussi de découvrir des pépites totalement inédites ou passées inaperçues ou encore de revoir des films adorés sur grand écran que jamais rien ne pourra remplacer. Il manquera toujours aux écrans à domicile, même si leur taille est parfois aujourd'hui impressionnante, l'atmosphère incomparable de la salle de cinéma. Je me souviens de mon retour en salle après 8 mois de privation pandémique. J'étais éblouie et je trouvais, comme un détenu recouvrant la liberté, que l'air avait un goût (réplique de Victor Lanoux dans Deux hommes dans la ville de José Giovanni, reprise par Pierre Lottin dans Un triomphe d'Emmanuel Courcol)... J'ai l'impression de ne jamais entrer dans une salle de cinéma sans une émotion.
Alors voilà je vous livre un scoop, rien que pour vous :
J'AIME LE CINÉMA !
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Quels films ai-je vus à Vesoul ? Les voici dans l'ordre où je les ai vus et pas de mes préférences.
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LOVE IN A FALLEN CITY d'Ann Hui ***
(Hong Kong - Année de sortie 1984)
Avec Chow Yun-fat, Cora Miao
En 1941, Bai Liusu, divorcée depuis plusieurs années, vit dans l'atmosphère étouffante de la maison familiale. La seule manière d’y échapper serait de se remarier. Madame Xu une amie de la famille lui offre une échappatoire. Elle part à Hong Kong rejoindre son mari qui fait des affaires avec un certain Fan Liuyuan et invite Liusu à l’accompagner, sous prétexte de s’occuper des enfants pendant le voyage. Commence alors, dans l’ambiance mondaine de la colonie britannique, un jeu du chat et de la souris entre Bai Liusu quelque peu décontenancée par l'attitude cynique et le côté play-boy de Liuyuan.
Il y a clairement deux parties voire trois dans ce film. La première dans la maison asphyxiante où les ragots, les on-dit, les rancoeurs et les jalousies se chuchotent ou explosent au grand jour. La deuxième à Hong Kong lorsque Liuyuan poursuit Liusu de ses assiduités et que la jeune femme ne cesse de lui échapper, de le repousser. On se demande d'ailleurs pourquoi ce beau type joyeux s'accroche à cette femme peu avenante et capricieuse.
La troisième partie, très surprenante, est clairement la plus intéressante et la plus réussie. L'occupation de Hong Kong par les japonais fait basculer le film jusque là plutôt minaudier dans le film de guerre avec des scènes de bombardements, d'explosions, de combats franchement réussies. Les désormais deux amoureux doivent chercher à survivre au milieu du chaos.
Ils sont interprétés par Cora Miao et la star Chow Yun-fat bientôt septuagénaire qui rayonne ici dans la splendeur de ses vingt neuf ans.
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EXILÉ de Johnnie To ***(*)
(Hong Kong - Année de sortie 2006)
Avec Anthony Wong Chau-Sang, Francis Ng, Nick Cheung
Macau en 1998, Wo s'est retiré du milieu et mène une vie paisible avec sa femme et son bébé. D'anciens «collègues de travail» venus de Hong Kong, se rendent chez lui. Ils ont reçu l'ordre de tuer Wo. Après une première scène pétaradante (qui suit celle de la longue attente des "amis" de Wo devant chez lui), les hommes se retrouvent et s'unissent pour... je ne sais plus trop pourquoi mais cela fonctionne admirablement et ne manque pas de panache.
Une histoire d'amitié très forte et très virile où les hommes se comprennent sans se parler pour agir concrètement mais se retrouvent finalement piégés dans la vengeance d'une femme. C'est absolument réjouissant bien que cruel et violent mais c'est la patte Johnnie To sans le moindre doute avec pourtant une grosse dose melvillienne tant les moments d'attente sans action, le flegme des personnages, les intérieurs sombres et dépouillés évoquent le réalisateur français. Le casting réunit une troupe de têtes bien connues dont le très charismatique Anthony Wong (dont la ressemblance avec Paul Meurisse ajoute au côté melvillien). L'humour souvent absurde trouve son apogée dans une longue scène où les amis en cavale se demandent ce que pèse une tonne d'or... l'une des réponses : "au moins 100 kgs"...
A ne pas prendre au sérieux mais d'une belle qualité formelle en plus du reste.
2 heures réjouissantes.
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LE JOUEUR DE GO de Shiraishi Kazuya ****
(Japon - Sortie 26 mars 2025)
Avec Tsuyoshi Kusanagi, Takumi Saitoh, Kaya Kiyohara
Avec Tsuyoshi Kusanagi, Takumi Saitoh, Kaya Kiyohara
À Edo (ancien nom de Tokyo entre 1603 et 1868), Kakunoshin Yanagida et sa fille Okinu mènent une existence simple et paisible. Quelques années plus tôt, Yanagida a été contraint de quitter le service de son maître à la suite d’une accusation pour un crime qu’il n’avait pas commis. Il gagne désormais sa vie en tant que fabricant de sceaux, ses conseils avisés et sa maîtrise du jeu de Go en font un partenaire respecté dans le village.
Le calme et la sagesse de cet homme intègre et incorruptible forcent le respect mais au fond de lui sa vraie nature de samouraï est intacte. Lorsque l'on vient titiller son sens précieux de l'honneur avec un passé qu'il tentait d'oublier, le samouraï en lui refait surface le contraignant à ressortir son arme pour assouvir une vengeance à laquelle il ne peut se soustraire.
Les personnages secondaires tels que la fille de Yanagida (qui vit pas mal de bouleversements) aussi vertueuse que son père et très admirative de l'homme ou ce marchand d'art corrompu repenti au contact du samouraï sont parfaitement campés. Mais au centre de l'intrigue se trouve ce personnage ombrageux, impassible interprété par un acteur inconnu Tsuyoshi Kusanagi (d'une beauté !!!) qui incarne à merveille par sa prestance et son panache les codes des principes moraux des samouraïs, la droiture, le courage, la bienveillance, la politesse, la sincérité, l'honneur et la loyauté.
Le film, très doux dans sa première partie bifurque après un évènement qui le fait basculer vers le chambara (film de samouraï) sans pour autant accumuler les scènes de combats (très belles). D'une beauté renversante grâce à la reconstitution soignée de l'époque, des costumes et des coiffures, le film est aussi ensorcelant dans sa forme. Et les parties de Go, pourtant totalement énigmatiques sont d'une folle élégance.
Le réalisateur a 50 ans et a déjà réalisé de nombreux films hélas pas sortis en France. Celui-ci devrait sortir en mars, je le reverrai avec plaisir.
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DÉLINQUANT JUVÉNILE de Kang Yi-Kwan ***
(Corée - Année de sortie 2012)
Ji-gu, 16 ans, vit seul avec son grand-père très malade, dont il prend soin tout en traînant avec les adolescents désœuvrés de son quartier. Après une ultime effraction, il est finalement envoyé en centre de détention pour mineurs. Le grand-père meurt et sa mère, qui l’a abandonné à la naissance reprend contact avec lui. Elle semble à peine plus âgée que son fils et leurs tentatives pour vivre ensemble mais surtout survivre en l'absence de logement, de travail, se heurtent toujours à une réalité injuste et violente.
Le film échappe au pathos et au misérabilisme ce qui ne serait pas un crime absolu mais est assez miraculeux compte tenu de l'avalanche de malheurs qui s'abattent sur les protagonistes et de l'implacable déterminisme qui fait que le fils reproduit exactement les mêmes erreurs que sa mère immature et malchanceuse.
Inédit en France, le film était en 2014 le candidat de la Corée du Sud pour l’Oscar du Meilleur Film Étranger. Grâce à l'interprétation sensible et émouvante et à l'empathie de la réalisatrice pour ses personnages, on est infiniment touché par cette histoire triste, très triste.
Le jeune Seo Young-ju a remporté le Prix d’Interprétation au Festival de Tokyo.
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PUSHING HANGS de Ang Lee ***
(Taïwan - Année de sortie 1991)
Avec Long Sihung, Deb Snyder, Pamela Yang,
"The pushing of hands" est une technique Tai Chi qui apprend à préserver son équilibre tout en combattant un adversaire. Monsieur Chu, un maître Tai Chi à la retraite, à quitté Beijing pour rejoindre, aux États-Unis, son fils unique Alex, sa belle-fille Martha, et leur fils Jeremy. Mais Martha, plongée dans l'écriture de son premier roman, a du mal à supporter la présence de son beau-père. L'homme ne fait strictement aucun effort pour apprendre la langue et les différences culturelles entre la jeune femme et l'homme vieillissant sont innombrables ne serait-ce que dans la façon de se nourrir. En l'absence totale d'efforts de la part de l'un et de l'autre la situation est peu confortable pour Alex qui veut pourtant essayer de garder sa famille unie.
Ce premier long métrage d'Ang Lee (réalisateur entre autre de Garçon d'honneur, Sucré salé, Raison et sentiments ou Le secret de Brokeback Mountain) aborde déjà la plupart des thèmes qui lui sont chers dans la veine de ses chroniques intimistes sur la famille : les tensions entre les valeurs traditionnelles confucéennes de l'ancienne génération et les réalités de la vie moderne, le choc des cultures dans une famille et ses conséquences.
C'est un premier film encore hésitant qui balance entre drame et comédie, entre rires et larmes mais qui vaut le détour pour ce beau personnage du père incarné par Long Sihung un peu égaré dans un pays qui n'est pas le sien et déçu de sentir qu'il gêne. Il tourna quatre films avec Ang Lee, se fit mondialement connaître par ce rôle et devint l'incarnation du père luttant avec la modernité et des enfants devenus adultes.
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JIBURO de Lee Jung-Hyang ***(*)
(Corée - Année de sortie 2002)
Avec Yoo Seung-ho, Eul-boon Kim, Hyo-Hee Dong
Pour les vacances, Sang-woo est contraint d'aller à la campagne chez sa grand-mère qu'il ne connaît pas. Uniquement intéressé par les jeux vidéo et ses cartes de super-héros, ce jeune citadin de 7 ans doit apprendre à s'adapter à cette vie en pleine nature dans un village isolé et à cohabiter avec cette vieille femme qu'il découvre édentée, pliée en deux et muette. Elle n'est que douceur et patience avec le petit garçon qui ne cesse de se moquer d'elle, écrire des insultes sur les murs et lui jouer de sales tours. Il repousse même les enfants du village, jusqu’à ce qu'une fillette attire son attention. Evidemment peu à peu le garnement va s'ouvrir aux autres et à cette grand-mère différente certes mais dont le coeur explose d'amour pour cet enfant.
La réalisatrice affirme que ce film est "un hommage à toutes les grands-mères". Celle-ci est particulièrement attachante et bouleversante et sa présence à l'écran rend le film presque documentaire parfois. En effet il s'agit du seul et unique rôle de Eul-boon Kim qui avant ce tournage n'avait jamais vu un film de sa vie et vit précisément dans cet endroit isolé et difficile d'accès. Le très jeune Yoo Seung-ho est lui aussi excellent.
Le film malgré une certaine cruauté parfois et dans sa résolution est d'une grande beauté, une bouffée d'air tranquille et calme où se confrontent deux mondes opposés avec deux personnages qui ont 70 ans d'écart et finissent par se comprendre. Le film est terriblement bouleversant. Je suis sortie de la salle à la fois triste et attendrie.
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IN THE MOOD FOR LOVE de Wong Kar-Waï *****
(Hong-Kong - Année de sortie 2000)
Avec Maggie Cheung, Tony Leung Chiu-Wai
Hong Kong, 1962. Monsieur Chow, journaliste, loue une chambre. Ce même jour emménage dans l’appartement voisin Madame Chan, secrétaire de M. Ho, directeur d’une compagnie maritime. Chacun prend possession de sa chambre sans son conjoint. À Hong Kong, où la crise du logement est criante, on se partage l’espace. Monsieur Chow et Madame Chan se retrouvent souvent soit chez l’un, soit chez l’autre alors que leurs conjoints sont souvent absents, en déplacement. Ils découvrent que leurs conjoints respectifs ont une liaison ensemble. Très choqués, ils répètent ce qu’ils leur diront quand ils oseront leur révéler qu’ils savent la vérité...
Voici l'un des plus beaux films d'amour du monde bercé par le thème enivrant, le Yumeji's Theme de Shigeru Umebayashi. Voir et revoir encore Maggie Cheung et Tony Leung Chiu-Wai (ne pas confondre avec Tony leung ka-fai), créatures de rêve d'un amour qu'ils ne s'autorisent pas pour ne pas être comme "eux", les conjoints adultérins, se croiser au ralenti dans l'escalier étroit de leur logement qui mène au marchand de soupes de rue au son de cette musique, quel bonheur ! Frémir de joie de voir la tête de Madame Chan se poser sur l'épaule de Monsieur Chow alors qu'il effleure délicatement sa main de la sienne. Voilà ce qu'il y a de plus érotique dans ce film d'une grâce infinie qu'on a rarement retrouvée depuis. Car Wong Kar Wai a compris que faire s'agiter et transpirer un couple dans un lit n'était pas forcément la façon la plus subtile de nous faire croire en l'amour. La beauté de Maggie Cheung sublimée par ses 46 robes iconiques (qipao) qui sont le reflet de son humeur, la classe de Tony Leung Chiu-Wai idéal dans ses costumes occidentaux sont indissociables de ce film sublime, triste et beau comme l'amour. Il évoque Brève rencontre de David Lean ou Sur la route de Madison de Clint Eastwood dans sa volonté de faire de l'amour une aventure éternelle, bouleversante, indépassable, un souvenir beau comme une trace de rouge à lèvres sur une cigarette, un secret que l'on chuchote dans le creux d'un arbre...
Regardez, écoutez, profitez :
Commentaires
Tu as bien fait de partir sans ton ordi, il faut que tu profites sur place la tête libre !! Et nous t'attendrons tranquillou. De la place pour ses bras, ses jambes etc ... le rêve. Ça aide à apprécier un film. Un festival de plus à ton actif c'est chouette, ça te va très bien les festivals.
Merci
J'ai été bien inspirée de laisser l'ordinateur chez moi.
Le confort de ces salles, un bonheur !
J'étais déconcertée au début car ailleurs je retrouve des connaissances de longue date qui sont devenus des amis... mais je me suis laissé happer par l'Asie.
Et dans une pause au restau j'ai fait connaissance de Françoise :-) avec qui nous avons partagé un merveilleux moment cinéphile.
De plus Vesoul n'est qu'à deux heures de chez moi.
Hello Pascale. On dirait que tu t'es bien amusée !
Je n'ai lu que ton intro. Je reviendrai pour les chroniques.
Merci pour ce partage.
PS : je suis en retard d'un mail, non ?
Salut Martin.
Amusée n'est pas le mot même si j'ai rencontré une charmante Françoise entre deux séances. On a bien papoté cinéma, elle m'a offert un timbre à l'effigie du festival (preuve que je dois être une personne sympathique) et c'était bien agréable.
En tout cas, j'ai adoré les films.
P.S. : je crois que la balle est dans ton cas mais aucune urgence ni révélation insoupçonnable (je crois) à laquelle répondre :-)