QUEER
de Luca Guadagnino ***
Avec Daniel Craig, Drew Starkey, Jason Schwartzman
Mexico années 50. Lee traîne sa carcasse, sa tristesse, sa solitude et son spleen existentiel dans les vapeurs d'alcool et les effets de drogues diverses.
De son hôtel crasseux aux bars miteux de la ville et entre deux bitures carabinées il drague de jeunes gens qu'il ramène dans sa chambre minable pour un moment ou pour une nuit. Alors qu'il semble ne plus rien attendre et espérer de la vie, il tombe littéralement en arrêt devant la beauté sculpturale et l'élégance du jeune Allerton. Il parvient à se faire remarquer du jeune homme, ils deviennent amants. Ne sachant comment faire pour garder Allerton près de lui (le garçon fréquente également une femme), il lui propose un voyage en forêt amazonienne à la recherche d'une mystérieuse plante, le yage, censée déclencher la télépathie. Lee prie juste Allerton d'être très "gentil" avec lui deux fois par semaine. Une fois encore le jeune homme accepte.
Le film est adapté du roman éponyme de William S. Burroughs. Il est d'une beauté formelle indiscutable bien que Mexico et la jungle aient été recréés dans les studios de Cinecitta (avec des plantes locales importées !!!), mais c'est très beau. Avec une bande-son anachronique (Nirvana, Sinead O'Connor, Prince...), le réalisateur nous transporte dans la moiteur de l'Amérique du Sud et le dépaysement est garanti. Il nous a habitué au pire comme au meilleur (je ne cite pas les films, les avis divergent). Celui-ci se situe "pile in the middle" (comme dit Franck Dubosc, et si vous n'avez pas vu sa prestation césarienne, je vous y encourage https://fb.watch/y7YK42_CmF/ ).
Une fois encore il s'agit d'amour et comme souvent dans le couple l'un des deux aime plus que l'autre. Les scènes de sexe très explicites (les deux acteurs ont bénéficié d'un coordinateur d'intimité) sont aussi impressionnantes par la tendresse et la douceur qui s'en dégagent et la volonté permanente de la satisfaction du partenaire. Conscient de sa décrépitude et de l'écart d'âge, Lee est particulièrement touchant. Allerton se montre quant à lui très patient et rassurant lors de scènes de désintoxication, jusqu'au moment sécurisant et désarmant où une jambe nue se pose sur une autre couverte (où ne va pas se loger l'érotisme ?).
Alcool, sexe, drogue(s) sont au coeur de cette histoire sentimentalo charnelle triste aux accents lynchiens, parfois onirique voire hallucinatoire qui parle aussi de solitude, de vieillesse, de désir. C'est parfois un peu long mais la plupart du temps intrigant et toujours très touchant. Il faut dire que pour nous accompagner dans ce voyage un peu psychédélique Daniel Craig livre une performance bouleversante. Au bout du rouleau et souvent sous l'emprise de tout ce qui lui tombe sous la main, dans le gosier ou dans les veines, il incarne avec beaucoup de classe malgré la sueur qui perle, le costume blanc dégoûtant, cet homme perdu qui a gardé son coeur de midinette et ne résiste pas à cet Apollon à la peau douce (un peu fade l'Apollon selon mon goût). On peut y voir aussi l'incarnation et la déchéance d'un James Bond mis à la retraite contre son gré et incapable d'envisager la vie autrement que comme une lente descente aux enfers. Daniel Craig est fabuleux vous l'avez compris.
Commentaires
aaah... j'attendais enfin ton billet avant de t'en parler au cas où... MOI, j'ai adoré !!!
Et ce dès le début, avec justement cet anachronisme de chansons. Quelle maginfique séquence fut cette première déambulation nocturne de Daniel Craig sur Come as you are... Déjà dès les premières minutes, ça m'a mis dans une ambiance folle... Et la suite... toujours plus magnifique, y'a de la tendresse, y'a de la vieillesse, y'a de l'amour, y'a de l'ivresse et y'a du psychédélisme... Que demander de plus ? Rien... tout ça c'est la vie que j'ai rêvé (bon à part la vieillesse, mais elle est inéluctable), sinon amour, ivresse et psychédélisme, je dis waouh...
Prochaine étape : me procurer le bouquin de William S. Burroughs que je n'ai pas encore eu l'occasion de lire, mais je promets rapidement de corriger cet écart.
Et petit aparté aux trois petites vieilles qui étaient à coté de moi et qui ont trouvé totalement nul ce film : avant de rentrer dans une salle obscure, renseignez-vous un minimum avant de voir le film si vous voulez le comprendre un minimum justement. Forcément que cela allait être du sex, drugs and rock'n'roll... Burroughs et la Beat Generation, forcément qu'il y allait avoir du sexe cru, de l'ivresse à outrance et de la drogue en gros plan...
Sur ce, je te rejoins, Daniel Craig est magnifiquement touchant dans la déchéance de l'homme qu'il incarna en James Bond, sueur et cheveux gras...
Come as you are, on dirait une pub MacDo !
Dommage qu'on ne puisse plus avoir ton avis sur ce que tu lis. J'aimais beaucoup moi.
Et même pas un au revoir. Un come back ?
En tout cas le film ne peut laisser indifférent ne serait-ce que par tout l'amour que Daniel a à donner et sa performance ahurissante.
Et les images sont tellement belles, et la musique.
Et en effet, Burroughs, Beat Generation et Luca Guidagnino en plus du titre, il y avait quelques indices.
Je suis contente d'être une petite vieille à l'esprit grand ouvert.
Ce que je lis... ça intéresse pas grand monde, pour ne pas dire personne, peut-être à part toi (tiens, du coup, je viens de me rendre compte que tu sortais d'une lecture japonaise), et je suis pas le genre de faire des au-revoir, j'ai pas envie de déranger...
Une petite vieille à l'esprit ouvert, mais qui n'a mis que 3 étoiles, alors que moi, j'en aurais mis une grosse supplémentaire ;-))) Mais tu vois, j'ai déjà envie de le revoir, même si il peut y avoir quelques longueurs dans certains tableaux, mais je le trouve tellement beau ce film...
Bon, j'ai à quelque chose près l'âge de Daniel Craig, je comprends mieux pourquoi je préfère me raser la tête... Par contre, je ne suis pas près d'enlever le tee-shirt aussi facilement que lui... Mais bon d'un autre coté, j'ai toujours travaillé dans un bureau et j'ai jamais été espion à sauter au-dessus des grues et des toits...
Que de confessions intimes !
Oui une lecture japonaise (je suis allée au bout car c'était un cadeau d'anniv' mais ce fut un peu laborieux...). Je me suis rattrapée depuis avec un fascinant La vie extraordinaire d'un homme ordinaire (je te laisse chercher qui il est) et là je suis plongée dans Le journal d'Anne Frank (que je n'avais pas relu depuis mon adolescence). Elle aurait été écrivaine c'est sûr. Quel style, quel humour, que talent !
Tu avais des commentateurs attitrés il me semble.
Si je faisais le compte des personnes qui commentent ici (5 ou 6 habitués), j'arrêterais illico (cela me chatouille de temps à autre mais je n'arrive pas à partir (comme toi) sans fermer la porte).
Oui trois étoiles (mais pas petites) à cause de la répétition et aussi du fait du déséquilibre entre Daniel et ses petits camarades de jeu (le joli garçon : bof, la fille qui l'accompagne : triple bof... et le numéro de Jason Schwartzman (méconnaissable) dont je n'arrive pas encore à savoir s'il m'a plu ou agacée.
Et oui la chevelure des garçons parfois, il faut y renoncer et ne pas imaginer que quelques poils sur le côté ou l'arrière c'est une coiffure.