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CASSANDRE

d'Hélène Merlin **

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Avec Billie Blain, Zabou Breitman, Eric Ruf, Guillaume Gouix, Florian Lesieur, Laïka Blanc-Francard

En 1998 (et un, et deux, et trois zéro...) Cassandre 14 ans pensionnaire d'un établissement scolaire militaire retrouve le manoir familial pour y passer l'été.

Elle retrouve ses parents dont le père est un militaire à la retraite et la mère une oisive farfelue et survoltée. Quant à son frère de 17 ans, c'est un ado pas bien malin (il me semble) qui rentre d'un séjour à l'étranger, surprotégé par la mère et méprisé par le père. Deux soeurs, totalement absentes, ont fui le foyer (on comprend aisément pourquoi). Pour occuper ses vacances, Cassandre est inscrite dans un centre équestre, un endroit doux et chaleureux aux antipodes des milieux oppressants qu'elle connaît (son école, sa famille). Elle est tout de suite intégrée avec enthousiasme par Laetitia une des cavalières et Fred le responsable du club.

Au contact de cet univers ouvert et bienveillant Cassandre va peu à peu réaliser à quel point sa famille atypique est malsaine et le monde extérieur stimulant. C'est aussi lors de cet été bouleversant à plus d'un titre que son frère va exercer peu à peu sur elle son emprise sexuelle.

Vous l'avez compris, il est clairement ici question d'inceste et de famille toxique qui refuse de voir et lorsqu'elle sait nie en bloc faisant de la victime la responsable. La réalisatrice ne se cache pas que le film est un récit de son histoire personnelle. Et il est dérangeant non parce que le sujet est terrible mais parce que la réalisatrice dont c'est le premier film choisit de le traiter avec un mélange de crudité et de légèreté. Sauf que la légèreté n'atténue en rien la brutalité des faits mais au contraire amène au malaise.

L'environnement familial est délétère. La mère se promène souvent nue, le père seulement torse nu, les toilettes et la salle de bains ne possèdent pas de porte et les lits se partagent... A table, pas question d'avaler une bouchée avant que le père ait rompu le pain, les enfants doivent payer leurs parents s'ils les emmènent quelque part en voiture (le père parle d'ailleurs beaucoup d'argent), l'épilation intime de Cassandre par la mère a lieu sur la table du salon en présence du père et du frère, et la haine que se voue les parents éclate ouvertement à la moindre occasion (mais dans ce milieu, le divorce doit être inconcevable). Entre autres joyeusetés. J'ai oublié les détails.

Au centre équestre, c'est tout l'inverse. Tout n'est que joie, simplicité et douceur et on ne mène pas les chevaux à la cravache ce qui surprend beaucoup Cassandre. Cette atmosphère la séduit, forcément. Elle fait tout son possible pour s'adapter, paraître "normale", jusqu'à oser s'élancer vers Fred et lui lâcher : "vous ne voudriez pas être mon père ?". Fred (Guillaume Gouix, merveilleux de douceur et "responsable" des meilleurs moments du film, dénués de la moindre ambiguïté) qui a bien compris le mal-être de Cassandre (sans se douter un instant de la profondeur de la souffrance) lui répond que "l'enfance n'est pas une condamnation à vie", qu'un jour elle pourra faire ses propres choix

Hélas, malgré les interprétations impressionnantes et particulièrement inspirées de Zabou Breitman et Eric Ruf qui incarnent des parents étouffants aussi despotiques que profondément ridicules à la limite de la bêtise crasse, la combinaison du burlesque et de la tragédie ne fonctionne pas, ou mal. A la fois elle atténue la dimension effroyable du propos tout en rendant le film malgré tout profondément malaisant. Le format de l'image, les couleurs ternes, et l'utilisation (psychanalytique et lourde) de la marionnette m'ont paru inutiles et maladroites. Les scènes d'inceste ne sont pas éludées mais habilement tournées.

Une déception donc. Même s'il n'en reste pas moins une scène démente dans laquelle la mère (Zabou, championne du monde du vingt sixième degré et terrifiante à ce moment) révèle en quelques phrases dégueulasses la "normalité" des relations entre les parents, les enfants, les fratries dans ce milieu malfaisant. Eric Ruf (si doux en interview et qui force ici avec génie le ridicule de son personnage) est également inquiétant par sa rigidité militaire et son refus de voir la souffrance de ses enfants.

Le film est illuminé par les personnages solaires de Laetitia et Fred (Laïka Blanc-Francard et Guillaume Gouix). J'ai été moins convaincue par Billie Blain (vue dans Le règne animal) qui à plus de 20 ans joue un personnage de 14 l'obligeant à surjouer parfois le côté enfantin de Cassandre.

Commentaires

  • Le malaise... Effectivement, surtout parce qu'on ne sait pas, on ne comprend jamais où veut nous emmener la cinéaste. Ni un plaidoyer, ni un film militant, ni thriller ni vraiment drame dans son style, on a parfois l'impression qu'elle excuse "l'humour noir" des parents... bref, sur la forme intéressant mais sur le fond le malaise fait que le film reste d'une rare maladresse

  • Je pense aussi que cet humour des parents a tendance à les "excuser" de leur... attitude.
    Un film qui a tendance à "jouer" contre le fléau qu'il devrait dénoncer.

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