AU PAYS DE NOS FRÈRES
de Raha Amirfazli et Alireza Ghasemi ***(*)
Avec Mohammad Hosseini, Hamideh Jafari, Bashir Nikzad
Trois dates (2001 arrivée des talibans, 2010 et 2021 retour des talibans), trois décennies, trois histoires, trois personnages d'une même famille pour trois visions de la condition de réfugiés afghans en Iran.
Les trois histoires plus poignantes les unes que les autres démontrent sans effets insistants et une certaine élégance la place occupée par ces réfugiés, exilés au pays de leurs frères (ils parlent la même langue) qui les considèrent pourtant comme des êtres en marge de la société. Méprisés, rejetés, utilisés, ils n'ont d'autre choix que se soumettre car toujours pèse sur eux la crainte de se voir expulsés vers leur pays d'origine.
C'est le cas de Mohammad adolescent doué en classe qui sous le faux prétexte d'un contrôle d'identité se retrouve exploité par un policier mal intentionné puis prédateur. Obligé de remettre en état le commissariat victime d'une inondation avec d'autres compagnons d'infortune, Mohammad n'a d'yeux que pour Leïla (la très jolie fille de la très jolie affiche) qui lui rend ses oeillades. Jusqu'au drame, immonde qui restera hors champ et le moyen pathétique et futé de s'en sortir.
Dix ans plus tard, Leïla en a épousé un autre, elle a un petit garçon et est au service d'une famille bourgeoise iranienne en bord de mer qui la traite bien tout en la remettant régulièrement à sa place d'employée de maison. Cet épisode du triptyque commence par un drame : la mort brutale du mari de Leïla qu'elle ne peut révéler à ses employeurs de crainte que les autorités soient averties. Les mensonges de la jeune femme sont de plus en plus invraisemblables et l'on tremble pour elle, hésitant à comprendre si ses employeurs se comportent avec bienveillance ou pas.
En 2021, Qasem (le père de Mohammad) un homme tendre, vit avec sa femme. Ils attendent fébrilement le retour de leur fils parti gagner sa vie en Turquie. La réalité est tout autre. Convoqué à la préfecture Qasem apprend une horrible nouvelle qui sera pourtant à l'origine d'une possibilité de nationalisation.
Il est très rare que soit évoquée la situation de ces millions de "déplacés" à travers le monde. Ce ne sont souvent que des chiffres dans un flash info. Mais que deviennent ces gens qui quittent tout dans l'espoir d'une vie meilleure, voire de leur survie ? Ce film nous donne des nouvelles de trois d'entre eux et ce n'est guère réjouissant. Difficile d'imaginer de ce côté de la planète qu'obtenir la nationalité iranienne soit un rêve, un but, tant la politique de ce pays liberticide en général et en particulier à l'égard des réfugiés en situation régulière ou pas, les place dans des conditions de précarité et les soumet surtout à des interdits. Mais lorsqu'on vient du pays aux mains des talibans, tout semble plus vivable.
Avec une rare habilité, le couple de réalisateurs traitent le hors champ et nous permet de voir, d'imaginer et de comprendre ce que l'on ne voit pas. C'est très fort et souvent aussi très beau. A l'instar de cette toute première scène de cueillette des tomates d'une beauté exceptionnelle. Plus jamais je n'arracherai les tomates de leur pied comme une barbare mais les traiterai avec beaucoup plus de précaution.
Ce premier film d'une grande maîtrise prouve une fois encore que le cinéma iranien est l'un des plus beaux et plus puissants du monde.
Commentaires
Bonjour Pascale, un film très fort, il faut que je rédige mon billet. Le garçon de la première partie est à tomber par terre avec ses yeux magnifiques. La deuxième partie avec l'homme enterré comme un chien à la place du chien est terrifiante et enfin la troisième partie où un téléphone portable sert de "carte d'identité" pour identifier un mort est bouleversante. Bon week-end.