de Sophie Deraspe ****

Avec Félix Antoine Duval, Solène Rigot, Guislaine Londez, David Ayala, Bruno Rafaëlli

Mathyas est québécois. Depuis Arles où il semble être en vacances, il laisse un message sur le répondeur de son employeur et lui annonce qu'il ne reviendra pas tout en s'excusant de le laisser tomber.

En plein burn-out le jeune homme ne se sent plus fait pour le métier de publicitaire dans lequel il évoluait. Il se procure tout ce qu'il peut trouver sur le pastoralisme, l'élevage et la transhumance de moutons. Il s'achète un chapeau et une besace usée sur un marché. Ces deux accessoires lui donnent l'allure d'un berger et ne le quitteront plus. Armé de ses connaissances livresques, il se rend au bar du coin et propose ses services à des éleveurs qui ricanent devant la proposition de Mathyas qui n'a aucune idée de la dureté et des exigences du métier. Mais une femme lui offre cependant la possibilité de venir dans son exploitation l'aider elle et son mari. L'expérience s'avère éprouvante à plus d'un titre...

Je ne le savais pas avant de voir le film mais il relate l'histoire vraie d'un écrivain canadien d'origine québécoise Mathyas Lefebure qui a relaté son expérience dans un roman intitulé D'où viens-tu berger ? Dès les premières images hyper réalistes qui nous présentent Mathyas en pleine déprime, faible et désemparé au point de tomber de sa chaise, je me suis instantanément attachée à ce personnage. Sa pureté, sa naïveté et son idéalisme ne le quitteront jamais malgré les épreuves. 

La première expérience chez un exploitant au bout du rouleau, au bord de la faillite et de la retraite (formidable Bruno Rafaelli) s'avère catastrophique pour Mathyas même s'il y a apprend les bases du métier. La façon dont les bêtes sont traitées, bousculées, insultées en permanence ne convient pas au jeune homme. C'est le moment que choisit Elise pour débarquer. Cette jeune fonctionnaire a rencontré Mathyas lorsqu'il cherchait à pérenniser son séjour en France. Elle aussi va finalement quitter un emploi qui ne lui convient pas.

Ensemble, ils deviendront bergers grâce à une exploitante à la recherche d'un couple pour palier la solitude parfois insoutenable du berger et surtout la misère sexuelle reconnue dans la profession. Ils emmèneront pendant plusieurs mois un troupeau de plus de 800 bêtes dans les alpages. Feront face aux plus grandes menaces : l'orage, les loups. Et découvriront une façon, un art de vivre.

La réalisatrice n'élude pas tout ce qui rend ce métier éreintant, éprouvant mais s'attache à nous faire vivre une expérience intellectuelle, sensible et physique hors du commun, lucide et très réaliste, sans romantisme exagéré au coeur d'une nature sublime, mystérieuse et imprévisible parfois. Cette vie isolée, hors connexion, faite d'épreuves et de moments de pure joie cimente la relation alors qu'elle pourrait la détruire. C'est magnifique. La fin nous laisse entre amertume et espoir...

Porté par Félix Antoine Duval (une révélation) et Solène Rigot (une confirmation) qui forment sans doute le couple de cinéma le plus beau, le plus crédible, le plus attachant, le plus harmonieux de ce premier quart de siècle, ce film est de loin le plus beau que j'ai vu ces dernières semaines.

Libération ricane et a détesté. C'est un gage, courez-y !