Belle toujours de Manoel de Oliveira ***
Standing ovation de cinq minutes pour ce film à la Mostra de Venise, vu dans la grande salle du Palais des Festivals en présence de Manoel de Oliveira. C’est touchant de voir ce petit homme bientôt centenaire, toujours aussi avide de cinéma. Jamais sans doute il ne lâchera sa caméra car il aime toujours le septième art et je l’ai déjà dit, les films de cinéphiles pour cinéphiles sont toujours une émotion grand format.
Ici, Manoel De Oliveira décide de rendre hommage à un film sulfureux et pervers : « Belle de jour » de Luis Bunuel.
Les deux personnages du film de Bunuel, Séverine et Monsieur Husson se retrouvent 38 ans après. Ce dernier promet de faire une révélation essentielle à Séverine, qui la libérerait de la honte de ses perversions sexuelles de jeunesse !
Comment rendre compte d’une mise en scène parfaite avec plans fixes sidérants, lumière renversante, intermèdes musicaux et acteur grandissime ? Le film s’ouvre sur le plan d’un orchestre symphonique qui joue devant une salle comble. Parmi les spectateurs : Husson, (Michel Piccoli), plutôt distrait, aperçoit Séverine, pas revue depuis presque 40 ans. Pas un mot pendant 10 minutes au moins, mais le trouble, la nervosité du personnage sont palpables. Il faudra attendre plus de la moitié du film pour que Monsieur Husson et Séverine se retrouvent enfin devant un repas, filmé en temps réel, à la bougie et sans un mot. Entre les plages de silence de longues digressions sur la vie, l’amour, les êtres et surtout les femmes. C’est sublime !
Michel Piccoli est gigantesque et prodigieux capable d’être à la fois sobre et démesuré : une présence.
Un seul regret, le rôle de Séverine a été confié à Bulle Ogier (pas du tout à la hauteur). Si Catherine Deneuve (avec sa classe, sa fausse froideur, son débit inimitable et son incomparable façon de remettre les gens à leur place…) avait repris ce rôle qu’elle avait créé, on se surprend à rêver au chef d’œuvre qu’aurait été ce film !